Transfiguration

Cet article est une extrapolation du précédent qui traite de la conjonction entre l’oiseau et le feu. D’un coté l’aboutissement du travail des oiseaux, c’est à dire les croyants appartenant au ciel, dans leur élévation spirituelle, se voit couronné par le feu de l’Esprit. De l’autre, la phase finale du travail de destruction et de cloisonnement des communautés de croyants qui appartiennent au monde terrestre consiste en ce que les oiseaux de proie et les partisans du feu (de la destruction physique par le feu) s’annihilent les uns les autres. Une partie de l’étude était basée sur l’analyse du feu au sein des évangiles. Le feu brille par son absence dans la tradition johannique.

Eau et feu

A présent, nous allons revenir sur une occurrence du feu qui était passé inaperçue. Sa particularité est qu’elle n’est apparemment pas connectée au feu de l’Esprit ni au feu de la Géhenne et qu’elle n’est pas utilisée dans une métaphore de purification. Il s’agit de celle que l’on trouve dans le récit de l’exorcisme d’un enfant. Ce récit se trouve en Marc 9.14-30 en Mat 17.14-21 et Lc 9.37-42. Voici un récit cohérent à l’aide de tous les éléments disponibles:

Mc 9.14 Lorsqu’ils furent arrivés près des disciples, ils virent autour d’eux une grande foule, et des scribes qui discutaient avec eux. ₁₅ Dès que la foule vit Jésus, elle fut surprise, et accourut pour le saluer.
₁₆ Il leur demanda: Sur quoi discutez-vous avec eux?
₁₇ Et un homme de la foule lui répondit: Maître, j’ai amené auprès de toi mon fils, qui est possédé d’un esprit muet. ₁₈ En quelque lieu qu’il le saisisse, il le jette par terre; l’enfant écume, grince des dents, et devient tout raide. J’ai prié tes disciples de chasser l’esprit, et ils n’ont pas pu.

₁₉ Génération infidèle, leur dit Jésus, jusques à quand serai-je avec vous? jusques à quand vous supporterai-je? Amenez-le-moi. On le lui amena. ₂₀ Et aussitôt que l’enfant vit Jésus, l’esprit l’agita avec violence; il tomba par terre, et se roulait en écumant.
₂₁ Jésus demanda au père: Combien y a-t-il de temps que cela lui arrive?
Depuis son enfance, répondit-il. ₂₂ Et souvent l’esprit l’a jeté dans le feu et dans l’eau pour le faire périr. Mais, si tu peux quelque chose, viens à notre secours, aie compassion de nous.
₂₃ Jésus lui dit: Si tu peux!… Tout est possible à celui qui croit.
₂₄ Aussitôt le père de l’enfant s’écria: Je crois! viens au secours de mon incrédulité! ₂₅ Jésus, voyant accourir la foule, menaça l’esprit impur, et lui dit: Esprit muet et sourd, je te l’ordonne, sors de cet enfant, et n’y rentre plus.
₂₆ Et il sortit, en poussant des cris, et en l’agitant avec une grande violence. L’enfant devint comme mort, de sorte que plusieurs disaient qu’il était mort. ₂₇ Mais Jésus, l’ayant pris par la main, le fit lever. Et il se tint debout.
₂₈ Quand Jésus fut entré dans la maison, ses disciples lui demandèrent en particulier: Pourquoi n’avons-nous pu chasser cet esprit?
Mt 17.21 Mais cette sorte de démon ne sort que par la prière et par le jeûne.

Mc 9.30 Ils partirent de là, et traversèrent la Galilée. Jésus ne voulait pas qu’on le sût.

Le récit de Marc est quasi complet. Il suffit d’y ajouter le jeûne. Je ne conserve pas la mention de « lunatique » issue de Mt qui évoque le paganisme, ainsi que le raisonnement qui en découle. Le passage est précédé par la Transfiguration:

Mc 9.2 Six jours après, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean, et il les conduisit seuls à l’écart sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux; ₁₃ ses vêtements devinrent resplendissants, et d’une telle blancheur qu’il n’est pas de foulon sur la terre qui puisse blanchir ainsi. ₁₄ Élie et Moïse leur apparurent, s’entretenant avec Jésus. ₅  Pierre, prenant la parole, dit à Jésus: Rabbi, il est bon que nous soyons ici; dressons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. ₆ Car il ne savait que dire, l’effroi les ayant saisis. ₇ Une nuée vint les couvrir, et de la nuée sortit une voix: Celui-ci est mon Fils bien-aimé: écoutez-le! ₈ Aussitôt les disciples regardèrent tout autour, et ils ne virent que Jésus seul avec eux. ₉ Comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur recommanda de ne dire à personne ce qu’ils avaient vu, jusqu’à ce que le Fils de l’homme fût ressuscité des morts. ₁₀ Ils retinrent cette parole, se demandant entre eux ce que c’est que ressusciter des morts.

 

₁₁ Les disciples lui firent cette question: Pourquoi les scribes disent-ils qu’il faut qu’Élie vienne premièrement? ₁₂ Il leur répondit: Élie viendra premièrement, et rétablira toutes choses. Et pourquoi est-il écrit du Fils de l’homme qu’il doit souffrir beaucoup et être méprisé? ₁₃ Mais je vous dis qu’Élie est venu, et qu’ils l’ont traité comme ils ont voulu, selon qu’il est écrit de lui.
Mt 17.12 (Mais je vous dis qu’Élie est déjà venu, qu’ils ne l’ont pas reconnu, et qu’ils l’ont traité comme ils ont voulu.) De même le Fils de l’homme souffrira de leur part. ₁₃ Les disciples comprirent alors qu’il leur parlait de Jean Baptiste.

Et suivi de:

Lc 9.43 Et tous furent frappés de la grandeur de Dieu. Tandis que chacun était dans l’admiration de tout ce que faisait Jésus, il dit à ses disciples: ₄₄ Pour vous, écoutez bien ceci: Le Fils de l’homme doit être livré entre les mains des hommes. ₄₅ Mais les disciples ne comprenaient pas cette parole; elle était voilée pour eux, afin qu’ils n’en eussent pas le sens; et ils craignaient de l’interroger à ce sujet.

Opposition

Beaucoup d’informations à traiter ici. Commençons par un thème suggéré de l’exorcisme. En effet, il est fait trois références au temps dont deux interpellent par la violence du  propos: 1: Génération infidèle (généralement traduit par race) 2: Combien de temps encore avec vous? 3: Combien y a-t-il de temps que cela lui arrive? Couplé au jeune garçon qui est victime du démon, nous pouvons penser dans un premier temps que c’est la communauté chrétienne en devenir qui est concernée.
L’histoire rapportée décrit l’action d’un esprit mauvais. Il faut comprendre un esprit qui s’oppose à l’Esprit. L’eau sert aux ablutions rituelles en vue de la prière et  le feu de l’Esprit descend sur les croyants sincères. Mais l’esprit mauvais peut détourner ces éléments. Le feu est utilisé pour la destruction et la guerre, tandis que l’eau détournée est celle du quatrième évangile. Cette eau n’est pas une eau d’ablution, c’est une eau vive qui descend du ciel pour abreuver les croyants. Nous sommes dans une totale inversion: d’un coté eau réelle rituelle et feu spirituel descendu du ciel, de l’autre feu réel rituel (égrégore du feu, feu sacré/flammes de divination) et eau spirituelle descendue du ciel. Pour appuyer ce point théologique primordial, outre l’épisode de l’eau vive et de la Samaritaine et du lavement des pieds, nous avons ce passage qui établit un lien formel entre eau et Esprit:

4E 7.38 Celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein, comme dit l’Écriture.
7.39 Il dit cela de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui;

Au travers de cette description nous reconnaissons formellement la secte schismatique puisque c’est elle-même qui se définit ainsi dans cette opposition sur la nature de l’Esprit. (!Attention ici à ne pas confondre l’eau rituelle ou l’eau vive spirituelle avec l’eau du puits décrite dans « Comme un voleur »! Nous comprenons tout l’enjeu de détournement des écritures. https://www.stephanpain.com/2024/11/28/comme-un-voleur/ )

Hypothèse scripturaire sur l’eau vive

Dans un article précédent, nous avions déjà abordé la question de l’origine de la doctrine de l’eau vive. Voici une nouvelle référence, il s’agit d’une prophétie issu du livre des Nombres, d’un certain Balaam.:

2 En y portant ses regards, Balaam vit Israël, dont les tribus s’y déployaient; et l’esprit divin s’empara de lui;
3 et il proféra son oracle en ces termes: « Parole de Balaam, fils de Beor, parole de l’homme au clairvoyant regard,
4 de celui qui entend le verbe divin, qui perçoit la vision du Tout-Puissant il fléchit, mais son œil reste ouvert:
5 Qu’elles sont belles tes tentes, ô Jacob! Tes demeures, ô Israël! (…)

Malgré qu’il soit initialement un prophète païen, envoyé pour maudire Israël, il serait « retourné » et recevrait une prophétie. C’est le verset 7  qui nous interresse. En voici la traduction rabbinique:

7 La sève ruisselle de ses branches, et sa graine est abondamment arrosée; son roi est plus grand que n’est Agag, sa royauté est souveraine!

Mais lorsque l’on se penche sur le texte original en hébreu, force est de constater que la version chrétienne est plus fidèle, une fois n’est pas coutume, et nous allons immédiatement comprendre la raison de cette divergence:

7 L’eau coule de ses seaux, Et sa semence est fécondée par d’abondantes eaux. Son roi s’élève au-dessus d’Agag, Et son royaume devient puissant.

Le texte poursuit ainsi (certains disent que la troisième personne se rapporte au roi du verset 7, et non à Jacob, paix sur lui):

8  Dieu l’a fait sortir d’Egypte, Il est pour lui comme la vigueur du buffle. Il dévore les nations qui s’élèvent contre lui, Il brise leurs os, et les abat de ses flèches.

Et un peu plus loin dans une deuxième prophétie (le roi et le personnage annoncé ici se confonde alors):

17 je le vois, mais ce n’est pas encore l’heure; je le distingue; mais il n’est pas proche: un astre s’élance de Jacob,  Un sceptre s’élève d’Israël.

Nous reconnaissons là un texte exploité par les chrétiens (en combinaison avec Mic 5.2 alors qu’il s’agit d’un texte d’une royauté temporelle dans l’Alliance d’Israël) qui annoncerait l’étoile que des mages auraient suivi pour trouver le Messie (Mt 2.2). Un lien également avec la « lumière du monde » (4E 8:12). Des rédacteurs tardifs de Mathieu ont introduit une référence à Nb 24.8 pour justifier la présence de mages zoroastriens dans l’écriture:

Mt 2.14 Joseph se leva, prit de nuit le petit enfant et sa mère, et se retira en Égypte. 15 Il y resta jusqu’à la mort d’Hérode, afin que s’accomplît ce que le Seigneur avait annoncé par le prophète: J’ai appelé mon fils hors d’Égypte.

En connectant les versets 7 et 17, nous avons alors bien une annonce du Messie et de ses eaux vives. A noter qu’en théologie rabbinique, l’astre issu de Jacob, paix sur lui, est considéré comme le Messie également ( voir la révolte de +132 de Simon Bar Kochba dont le nom signifierait « fils de l’étoile »). Constatons qu’il est logique que des faussaires des écritures s’appuient sur des écritures elles-mêmes introduites abusivement. Le paganisme se nourrit du paganisme. Le texte de Nombres 24:17 est l’un des rares où les juifs et les chrétiens s’accordent sur sa portée messianique. Quelle ironie!

Alliance ou renaissance

Au passage, on peut être étonné dans la théologie développée ici que la secte johannique soit en opposition sur la question de la Torah par rapport à la secte paulinienne: le texte ne semble pas accorder d’importance à la Loi et s’étend largement sur la dimension spirituelle du culte. La réponse est fort simple. Le moment indiqué par la « Bonne nouvelle », « Ya Bouchra! » est celui de la Cène. C’est la Cène, dans les synoptiques, qui fait basculer de l’Alliance en la Torah à l’Alliance dans le corps de l’Église. La consommation johannique du corps et du sang du Messie est mentionnée déconnecté de la Passion  et  de manière à renforcer la dimension spirituelle et non à ancrer un rite de passage d’une Alliance à une autre. Ce qui remplace la Cène est le lavement des pieds. Il est d’ailleurs pratiqué le dimanche précédant la Pâque car les chrétiens n’ont pas pratiqué totalement la substitution entre la Cène et le lavement suggéré par cet évangile. Le lavement des pieds, c’est en quelque sorte la matérialisation de l’eau vive qui descend sur les croyants. Étant donné le statut du Messie dans ce texte, cela revient à une descente de l’Esprit sous forme d’eau sur les croyants au moment décisif qui précède la Passion. Tout est cohérent. Les disciples de la secte johannique ne sont pas dans l’Alliance eucharistique. A la place, le concept de nouvelle naissance si chère aux protestants. Les membres de cette secte ne sont pas chrétiens. Qu’importe leur observance ou non de la Torah. La Torah n’est qu’un outil de légitimité pour eux. Voilà pourquoi il est dit que ce sont les Juifs qui ont dit que ‘Uzayr est fils d’Allah dans le verset Qu 9.30. Si je disais précédemment que l’évangile a été rédigé en fonction des traditions synoptiques, cela ne signifie pas pour autant qu’il entendait les côtoyer ou les complémenter pour établir la doctrine du groupe. Chaque évangile a été pensé pour se suffire à lui-même. L’établissement d’un corpus basé sur l’assemblage parfois bancal de différentes traditions est un procédé bien plus tardif et éloigné des querelles physiques entre chaque groupe. Une violence peu probable, mais nous pouvons discerner des oppositions verbales virulentes au minimum au travers du peu qui nous a été transmis.

Nature de la transformation

Maintenant que nous avons compris la cohérence entre l’exorcisme de l’enfant et l’absence du feu dans l’évangile johannique et sa doctrine et l’absence de nouvelle Alliance, nous allons pouvoir nous attaquer au coeur du sujet, à savoir la Transfiguration. Tout d’abord, la traduction n’est pas le sens du mot grec mais la conséquence de l’établissement d’un dogme. En effet, le mot peut être traduit par transformer. Moise, paix sur lui, apparait dans la scène. Il est rapporté que sa main puis son visage ont changé d’aspect et sont devenu brillant pour l’un et dégageant une lumière divine pour l’autre. Cette transformation n’a amené personne à considérer que le prophète se divinisait. Il en va de même ici. Cela fait des années que ce récit de Transfiguration me pose problème. Le temps est venu d’en livrer une autre interprétation. Ce que je perçois ici n’est pas une manifestation divine, mais la matérialisation d’une vision (le texte utilise ce terme) pour illustrer l’action du feu de l’Esprit sur le croyant. Nous pouvons faire un parallèle plus ou moins pertinent avec la vision de Daniel, paix sur lui. Dans sa vision, le vieil homme qui apparait n’est pas le Créateur, mais une image qui lui est donnée et qu’il peut percevoir en tant qu’humain alors qu’il est encore vivant sur terre. La vision qu’ont les 3  disciples, ce n’est pas une image du Créateur incarné mais d’avantage une représentation de l’action de son Esprit sur l’âme du croyant. J’espère être clair.

Ceci étant dit, considérons les trois disciples: Pierre, Jacques et Jean. Je ne pense pas que le dernier nommé soit connecté à la secte qui nous préoccupe, il n’est qu’un prête-nom. Selon mon interprétation, Pierre est le représentant de la secte paulinienne, Jacques celui des apôtres fidèles à la Loi, et Jean celui de la secte johannique. La soumission de Pierre à la doctrine paulinienne constituerait la première de ses trahisons. Le texte nous dit qu’il prend la parole. L’Histoire du christianisme nous enseigne que « Pierre » s’empare de la Parole. L’image est très parlante.

Schéma global

Dans la théologie classique, il est dit que Moise, paix sur lui symbolise la Loi, tandis qu’Élie; paix sur lui, symbolise les prophètes. Le Messie viendrait donc accomplir la Loi et les prophètes dans cette scène. Si je suis d’accord avec le premier point, le deuxième me parait plus contestable. Pour illustrer la fonction de prophète, il apparait plus légitime de faire apparaitre la personne d’Abraham, paix sur lui. C’est dans cette perspective que j’établissais, il y a quelques années un schéma global de la Révélation:

Ce schéma avait été établi ici:
https://www.stephanpain.com/2020/02/13/des-elus-aux-nations/
Puis avait été utilisé ici:
https://www.stephanpain.com/2024/03/08/sabbat/
Muni de cette compréhension, nous pouvons en déduire la raison de la présence d’Élie, paix sur lui. Tout d’abord, il faut savoir qu’Élie a une place très particulière pour les fils d’Israël. Une chaise lui est réservé dans les synagogues et on le mentionne durant le Seder. En considérant les choses, nous devons admettre qu’aucun prophète de son calibre n’est venu après lui. Son disciple, Élisée, paix sur lui, bien que dépositaire du double de son esprit, et donc dans la même lignée prophétique, n’a pas marqué autant la tradition. Par la suite, les prophètes majeurs, tels que Esaie ou Daniel, paix sur eux, sont avant tout des prophètes intellectuels. Ils annoncent l’avenir mais n’impulsent pas un élan au peuple. Élie, paix sur lui, ne semble pas symboliser les prophètes dans cette scène mais d’avantage la fin de la la période faste de la Loi. Rappelons-nous le moment le plus important de son ministère qui est rapporté brièvement dans le Coran: il fait face à des centaines de sorciers. Le Feu du ciel s’abat alors sur l’autel qui a été préalablement noyé sous l’eau. Le Feu détruit l’eau. Gardons cet élément pour la suite. Nous devons reprendre le schéma et prendre en compte des périodes de vaches grasses et maigres. Ainsi la première période de l’esprit de famille connait sa période grasse durant les Patriarches. La période maigre est celle où les fils d’Israël sont en Égypte. Nous en savons très peu et cela correspond au trou dans le récit entre les livres Genèse et Exode. Les rédacteurs tardifs ont recomposé une prétendue filiation pour relier les deux livres. Nous avons montré précédemment que cette filiation est fausse. La période maigre est donc inconnue. Ensuite nous avons la période de la Loi des Élus. Nous venons de le voir, la période grasse s’étend de la Révélation de la Torah au départ d’Élie, paix sur lui, sur un chariot de feu. La période maigre rapporte une déchéance du culte rendu, des dominations étrangères, des exils, etc…

Nouveau schéma de la Révélation

Voici un nouveau schéma afin de prendre en compte les périodes d’abondance et de disette de la première partie:

La représentation des trois prophètes, Moïse, Élie et le Messie, paix sur eux, annonce l’Alliance à venir: la Loi des Élus demeure accomplie aux cotés du feu de l’Esprit. Il est donc tout à fait logique que Jean le Baptiste, paix sur lui, soit nommé juste après cet épisode. Fils ainé d’un prêtre, il est donc prêtre à son tour d’une part, et de l’autre c’est un prophète d’action dont l’impact sur le peuple en tant que modèle à suivre est équivalent à Élie, paix sur lui. Il incarne la complémentarité du sacerdoce et de la prophétie, la Loi et la Foi. Voilà pourquoi il est dit qu’il vient pour rétablir toutes choses. Son martyr annonce celui du Messie ainsi que le précise le texte. La Passion s’inscrit donc dans une continuité et n’est donc pas un accident de la Révélation.
De même, la révélation de la Loi des Nations a connu une période grasse et une période maigre. Nous pouvons donner  un  sens à ce verset:

Mt 17.21 Mais cette sorte de démon ne sort que par la prière et par le jeûne.

Ici, il faut bien comprendre prière et jeûne institués par la Loi. Nous voilà bien dans la Loi coranique des Nations. La simple loi chrétienne moderne ne peut pas suffire pour faire face aux démons. Un vrai outil spirituel est nécessaire.

Cela me rappelle une citation qui circule sur internet. « Les temps difficiles créent des hommes forts. Les hommes forts créent les périodes de paix. Les périodes de paix créent les hommes faibles. Les hommes faibles créent les temps difficiles.» Ce concept peut être adapté à la Révélation. La période de vaches grasses correspond à un moment où ceux qui mènent la communauté des croyants sont des guides droits et entrainent le peuple dans le chemin droit. Puis lorsque le peuple a acquis une certaine maturité, il prend son autonomie et ceux qui arrivent au pouvoir sont corrompus et se servent de la religion pour leurs propres fins.

Hypothèse lunatique

Dans une première version, j’avais utilisé le mot lunatique en combinaison avec le temps. Ici lunatique n’a rien à voir avec la définition moderne, il s’agit d’avantage de décrire la maladie dont les symptomes ressemblent à ceux de l’épilepsie. Une superstition ancienne qui a perduré jusqu’à l’ère moderne attribuait à la lune une influence sur certaines maladies. Cette conception médicale n’est pas compatible avec la conception hébraique. Il est donc incorrect de l’utiliser. En revanche, il est fort probable que le terme lunatique est un ajout tardif de la part de rédacteurs issus d’une tradition étrangère. Leur objectif aurait bien été de pointer du doigt ceux qui suivent un calendrier basé sur la lune, alors qu’ils se situent dans un cadre chrétien qui aura alors adopté un calendrier solaire. Une sorte de prophétie construite à posteriori.

Schéma de la séquence:

• Pierre, Jacques et Jean
• Moise et Élie, la Loi triomphante
• Vision d’une transformation d’apparence par le Feu de l’Esprit
• Pierre prend la parole
• Nuée de la Loi

• • Retour d’Élie et de son martyr
  • Annonce du martyr du Messie

• • • Échec des disciples à exorciser
    • Jeune garçon
    • Combien de temps?
      • le mauvais esprit l’a jeté dans le feu et dans l’eau
    • Tout est possible à celui qui croit.
    • L’enfant devint comme mort mais il ne l’est pas
    • Invitation ferme à la prière et au jeûne.
  • Annonce du martyr du Messie

La Transfiguration dans la Nuée est fermement liée par l’entremise d’Élie (celui qui invoque pour  faire descendre et triompher le Feu sur l’eau) à la possession par l’esprit qui jette dans l’eau et le feu. Or, le Messie est le seul qui puisse faire face à cet esprit en particulier. Il y a donc un antagonisme radical entre les deux scènes. C’est donc bien l’esprit de l’adversaire qui est évoqué ici (qui peut expliquer la nervosité du Messie étant donné l’enjeu de la situation: il s’agit de bien ancrer une mémoire précise de cet épisode parmi bien d’autres similaires) et qui va être à l’œuvre pleinement durant le martyr du Messie comme le souligne l’encadrement de l’exorcisme par son rappel.
Moïse et Élie, paix sur eux, incarnent le cycle de la Loi. La Nuée est liée à la révélation de la Loi. Or, la Nuée est un brouillard, donc constituée d’eau. Nous avons donc la Loi liée à l’eau et l’Esprit lié au feu (qui est révélé en vision aux trois apôtres, précurseurs des trois sectes proto-chrétiennes).
Le mauvais esprit tente les croyants par l’égarement de l’eau vive comme Esprit après avoir œuvré à la crémation du Messie par le feu. Précision: cela n’invalide pas le baptême d’eau puisqu’il a été institué, ni l’eau bénite ou la purification par l’eau, il s’agit ici d’exposer au grand jour le détournement des écritures par l’évangile non-synoptique et en montrant qu’elles sont protégées. La métaphore de l’Esprit sous la forme d’une eau vive ne constitue pas un danger ou une épreuve pour les croyants. Si un évènement lié à l’eau devait dépasser le cadre de la métaphore pour matérialiser l’Esprit, nous saurions alors qu’il s’agit d’un mensonge.
Une première hypothèse me faisait dire que l’enfant qui parait mort serait en réalité Israël à la sortie des deux guerres judéo-romaine vers le milieu du 2ème siècle. Puis j’ai pensé aux premiers chrétiens. A présent, je pencherais d’avantage pour le Messie lui-même. C’est ce qui parait le plus cohérent.
L’invitation ferme à la prière et au jeûne annonce le futur retour à la Loi.

Paix sur les âmes qui nous sortent des temps difficiles.

Notes

https://biblehub.com/greek/1074.htm