samedi 23 novembre 2024

Un lien éternel

20 décembre 2013, 09:49

Suite du texte: La sueur de purin f

Quelques semaines ont passées depuis la visite des émissaires de l’Ordre. La région est en effervescence à l’approche des fêtes de la Pâque. De nombreuses garnisons sont venu grossir le nombre de celles qui sont stationnées en permanence dans Jérusalem. Pilate regarde au dehors la  foule  immense qui grouille dans la ville et qui s’apprête à procéder à des sacrifices d’agneaux en masse. Le souvenir de l’odeur qui règne alors dans la ville lui est pénible. Non, il n’aime pas ces jours-là. Un homme vêtu comme un hébreu,  s’annonce en entrant dans la pièce.

-L’odeur du sang d’un seul homme me suffira bien, s’exclame Pilate sans se retourner.

-J’ai le nom de cet homme, O Pilate, il se nomme Yoshua haNazara. Tout est prêt pour le capturer. Nous attendons votre ordre.

-Nous allons tout simplement attendre le moment où leur loi leur interdit toute action. Ce peuple est un peuple de moutons. Profitons-en. Organisez vos hommes en fonction du calendrier religieux. Au moins, ils auront eu un impact sur la décision. A leur manière.

Pilate et l’homme ricane.

-Toutefois, j’ai une mauvaise nouvelle pour vous, O Pilate, l’un, sinon le meilleur, de vos espions, a été fait prisonnier lors d’un acte de rébellion contre la garde. Il est accusé d’avoir tué un centurion et plusieurs de vos chefs demandent sa crucifixion immédiate.

-De qui s’agit-il?

-Yoshua Bar Abba, O Pilate.

-Cet homme vaut bien mieux que ces soldats. Il est bien plus utile à l’empire là où il est que eux ne le sont à festoyer dans ce palais. Il faut absolument parvenir à lui faire reprendre sa place. Comment une telle erreur a-t-elle été possible?

Pilate rentre dans une grande rage.

-Tout ce travail anéantit à cause d’un faux témoignage. C’est un complot! J’en suis certain! Cet homme est bien trop soucieux de sa tâche pour avoir commis pareil erreur! Qu’on le libère sur le champs! Ainsi en ai-je décidé!

-C’est impossible, O Pilate, vos hommes ne comprendraient pas. Il y aurait des dissensions. La cohésion de votre armée est primordiale.

-Que comprennent ces soldats au vrai combat? Ils ne sont que des exécutants. Ce que je dis, fait force de loi! Dois-je rappeler également que je suis lié de par ma femme, et ce de manière éternelle, à la famille de l’empereur lui-même? Quand même! Je ne saurais tolérer que l’on discute ma volonté!

Un des conseillers de Pilate prend alors la parole:

-Je crois avoir la solution à votre problème, O Pilate. Il existe, parmi les textes en vigueur sur cette terre, une loi qui permet au représentant de la justice de gracier un condamné à mort lors de la fête de Pâque. Cette loi résulte d’un accord passé avec le Sanhédrin et n’a jamais été appliquée. Elle a surement été oubliée par le Sanhédrin lui-même. Je suis tombé dessus, il y a quelques jours, par hasard, alors que je tentais de régler un différent familial. Mais, il y a toutefois une condition à cette libération: c’est le peuple lui-même qui doit choisir parmi les candidats proposés. Aussi, il me vient l’idée que nous pourrions « influencer » le choix du peuple. Nous avons assez d’appuis parmi eux pour cela.

La colère de Pilate retombe en un instant.

-L’idée que ce soit le peuple qui condamne leur roi et gracie mon meilleur espion, est certes jubilatoire. Soit. Qu’il en soit ainsi!

Pilate n’est pas parvenu à s’endormir cette nuit là. Il attend d’une minute à l’autre sa garde rapprochée qui doit lui mener le fameux sauveur. Trois coups sont frappés à sa porte. Il se lève en hâte. Il n’a pas ôté ses habits.

Il prend place sur son siège dans la grande salle où il rend la justice, dominateur et fixe la porte gravement. Ses conseillers restent en retrait et gardent le silence. Ils savent dans quelle fureur cet homme peut se mettre lorsque la tension est si forte.

La porte s’ouvre sur deux massifs soldats encadrant un homme frêle et vêtu d’un simple tissu élimé. Un frisson parcourt l’échine de Pilate. Une goutte de sueur perle à son front. Il  a un curieux pressentiment. Pourtant, comment cet homme seul, sans arme, et destiné à mourir dans les heures qui suivent pourrait lui nuire? S’il ne le crucifiait pas, il aurait affaire avec l’Ordre, ce qui serait bien plus dangereux pour lui et sa famille.

Pilate, qui ne parle pas araméen, énonce la sentence de mort qui est traduite à Yoshua par un interprète. Aucune réaction. Un des gardes s’adresse à Pilate:

-Cet homme a été surnommé Nazara car il a une mauvaise vue. Il ne voit correctement ses interlocuteurs qu’à une distance d’un pas.

Curieusement, plutôt que de demander à ce que l’on lui amène le prisonnier, Pilate se lève et se rapproche alors. Ils se regardent fixement  dans les yeux. Quelques secondes s’écoulent.

-Je reconnais ta royauté, tu vas donc mourir pour ce crime envers l’empereur.

Yoshua lève les yeux au ciel et un étrange sourire se lit sur son visage. Puis il refixe Pilate qui se fige un instant avant de reprendre le dessus.

-Avant de t’humilier physiquement, je vais t’humilier psychologiquement. C’est ton propre peuple qui va demander ta mort. Nous lui soumettrons le choix de te gracier ou bien de gracier le dénommé Bar Abba.

Un murmure se fait entendre du coté des gardes.

-Quelqu’un trouve à redire de ma décision? Quelqu’un veut s’opposer à la loi de Rome? Emmenez-le.

A présent il fait jour. Une foule s’est amassé au pied du palais. Pilate se met debout face à elle, triomphant. Pour la première fois, il est à son aise, il ne sue pas, il ne s’est pas empourpré. Les deux prisonniers sont amenés de part et d’autres de lui. L’interprète décortique les phrases que Pilate doit prononcer en araméen. Des phrases courtes et explicites.

-Ces deux hommes ont défié le pouvoir de Rome. Ils sont condamnés à la crucifixion. Selon la loi en vigueur à Pâque, Rome peut faire clémence à un seul d’entre eux. C’est au peuple de choisir lequel.

Il se penche vers l’interprète tandis qu’un murmure parcourt la foule.

-Quelle est la prononciation exacte?

-Yoshua haNazara,  Yoshua Bar Abba.

-Même prénom. Bien, je vais simplifier en disant haNazara et Bar Abba.

Il se tourne vers la foule, pointe successivement chacun des deux prisonniers et crie: haNazara? Bar Abba?

Un large sourire, comme il n’a jamais eu, lui fend le visage tandis que la foule scande « Bar Abba ».

Il tient enfin sa victoire. Peut-être même sa place à Rome. Il est temps de se mettre au première loge pour assister au supplice du condamné.

La suite, vous la connaissez. Pilate a fait inscrire: Yoshua haNazara, weMelekh haYehoudim sur un panneau de bois au dessus du crucifié. Le Sanhédrin a protesté. « Ce que j’ai dit, je l’ai dit. » leur a-t-il répondu. Dans la nuit du samedi au dimanche, ses hommes ont fait disparaître le corps. Il a tenu à y mettre le feu par lui-même afin de s’assurer que toute preuve ait disparu. Il fixe le visage du cadavre. C’est bien celui qu’il a eu en face quelques jours auparavant. Plusieurs espions ont attestés qu’il s’agissait du même homme que celui qui prophétisait dans le Temple. L’affaire est entendue. Pilate ressent un immense soulagement alors que les flammes lui éclairent le visage.

Cet homme que certains appelaient « fils du Père » en référence à leur dieu. Le voilà réduit à un charbon ardent, pense-t-il. Quelle ironie. J’ai eu grand honneur d’être l’exécuteur de l’ennemi de l’Ordre. Mon âme va être gratifiée éternellement. Nazara, celui qui a une mauvaise vue, quel ridicule surnom pour un homme qui se prétendait roi. Assurément, il n’a pas vu sa mort arriver. Et cet autre là, qui a le même prénom. Décidément, ces hébreux, rebelles ou traîtres, se nomment tous de la même manière. Il se tourne vers son conseiller:

-Rappelez-moi ce que veut dire Bar Abba?

-Fils du père, O Pilate.

Il blêmit.

-Il est inscrit dans l’histoire que le peuple a libéré le fils du père?

-Oui.

Pilate chancelle. Tout se met à tourner dans sa tête. Il se remémore tout ce qu’il vient de se passer. Le plan de l’Ordre. Les prophéties. La soumission du sauveur à son destin. Sa réaction à l’énoncé de la sentence. Il réalise qu’il vient, en réalité, d’accomplir la prophétie en le proclamant roi pour l’éternité. Ce ne sont donc pas les hébreux qui ont crucifié leur prophète mais l’empire, qui sert d’autres dieux. Il tombe à genoux sur le sol, se prend la tête dans les mains et pleure toutes les larmes de son corps. 

Il ne s’en remettra jamais vraiment et choisira le silence. Seuls de grands savants de l’Ordre comprendront eux-aussi en analysant le comportement de Pilate après ces événements.

Sourate 4 – An-Nisa’ (les femmes)

154. Et pour (obtenir) leur engagement, Nous avons brandi au-dessus d’eux le Mont Tor , Nous leur avons dit : « Entrez par la porte en vous prosternant »; Nous leur avons dit : « Ne transgressez pas le Sabbat »; et Nous avons pris d’eux un engagement ferme.

155. (Nous  avons maudit les gens du Livre) à cause de leur rupture de l’engagement, leur mécréance aux révélations d’Allah, leur meurtre injustifié des prophètes, et leur parole : « Nos cœurs sont (enveloppés) et imperméables ». En réalité, c’est Allah qui a scellé leurs cœurs à cause de leur mécréance, car ils ne croyaient que très peu .

156. Et à cause de leur mécréance et de l’énorme calomnie qu’ils prononcent contre Marie.

157. et à cause de leur parole : « Nous avons vraiment tué le Christ, Jésus, fils de Marie, le Messager d’Allah »… Or, ils ne l’ont ni tué ni crucifié; mais ce n’était qu’un faux semblant! Et ceux qui ont discuté sur son sujet sont vraiment dans l’incertitude : ils n’en ont aucune connaissance certaine, ils ne font que suivre des conjectures et ils ne l’ont certainement pas tué .

158. mais Allah l’a élevé vers Lui. Et Allah est Puissant et Sage.

159. Il n’y aura personne, parmi les gens du Livre, qui n’aura pas foi en lui avant sa mort . Et au Jour de la Résurrection, il sera témoin contre eux.

Dans ce passage, « ils » fait référence aux gens du Livre (juifs). Ils n’ont pas tué le messie. Ce sont les romains qui ont commis cet acte. Le sanhédrin, du moins la partie qui n’était pas membre de l’Ordre, a été dupé par Rome en pensant être à l’origine de la décision de crucifixion, alors que tout était planifié à l’avance. Seul le peuple se donnant le mot de bouche à oreille, feignant d’obéir aux ordres des infiltrés romains, comprenant la volonté de Dieu, a accepté la mort du Messie qui le couronnait spirituellement pour l’éternité. Si l’histoire racontée dans les évangiles d’une part et celle écrite dans le Talmud d’autre part, ont été écrites par les vainqueurs et non par le peuple, la Vérité de l’Évangile d’Allah, elle, a traversé le temps pour parvenir jusqu’ici et maintenant.

Notes:

Nazara نظر en arabe signifie le regard: 
http://translate.google.fr/#ar/fr/%D9%86%D8%B8%D8%B1

Nazara नज़ारा en hindi signifie voir/regard/lunettes:
http://translate.google.fr/#hi/fr/%E0%A4%A8%E0%A5%9B%E0%A4%BE%E0%A4%B0%E0%A4%BE