Cela fait un bon moment que je conserve un épisode de la Révélation dans un coin de ma tête. Il s’agit du double miracle du bâton et de la main du prophète Moïse, paix sur lui. Tout d’abord les versets contenus dans la Bible:
Exode 4.2 Le Seigneur lui dit: « Qu’as-tu là à la main? » Il répondit: « Une verge. »
3 Il reprit: « Jette-la à terre! » Et il la jeta à terre et elle devint un serpent. Moïse s’enfuit à cette vue.
4 Le Seigneur dit à Moïse: « Avance la main et saisis sa queue! » Il avança la main et le saisit et il redevint verge dans sa main.
5 « Ceci leur prouvera qu’il s’est révélé à toi, l’Éternel, le Dieu de leurs pères, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. » 6 Le Seigneur lui dit encore: « Mets ta main dans ton sein. » Il mit sa main dans son sein, l’en retira et voici qu’elle était lépreuse, blanche comme la neige.
7 Il reprit: « Replace ta main dans ton sein. » Il remit sa main dans son sein, puis il l’en retira et voici qu’elle avait repris sa carnation.
8 « Eh bien! s’ils n’ont pas croyance en toi, s’ils sont sourds à la voix du premier prodige, ils devront céder à la voix du dernier.
Après les miracles préliminaires, les voici face au pharaon:
Ex 7.8 L’Éternel parla à Moïse et à Aaron en ces termes:
9 « Lorsque Pharaon vous dira: ‘Produisez une preuve de votre mission’, tu diras à Aaron: ‘Prends ta verge et jette-la devant Pharaon, qu’elle devienne serpent!’ » 10 Moïse et Aaron se rendirent chez Pharaon et firent exactement comme l’avait prescrit le Seigneur. Aaron jeta sa verge en présence de Pharaon et de ses serviteurs et elle devint serpent.
11 Pharaon, de son côté, manda les experts et les magiciens; et les devins de l’Égypte en firent autant par leurs prestiges.
12 Ils jetèrent chacun leurs verges et elles se transformèrent en serpent, mais la verge d’Aaron engloutit les leurs.
Comme nous le constatons, curieusement, la main blanche a été escamotée du récit. Ainsi, dans la Bible, le pharaon n’est pas confronté à la main blanche. Nous verrons l’importance de ce détail plus tard. Le mot main est largement utilisé dans la Bible de manière générale et dans le livre de l’Exode en particulier puisqu’il est utilisé pour décrire l’action du Créateur face aux egyptiens. Voilà de quoi l’oublier en cet endroit précis. A présent, tournons vers le Coran.
Miracles préliminaires au Mont:
Coran 27
9 « Ô Moïse, c’est Moi, Allah le Tout Puissant, le Sage. »
10 Et: « Jette ton bâton. » Quand il le vit remuer comme un serpent, il tourna le dos [pour fuir] sans revenir sur ses pas: « N’aie pas peur, Moïse. Les Messagers n’ont point peur auprès de Moi.
11 Sauf celui qui a commis une injustice puis a remplacé le mal par le bien… alors Je suis Pardonneur et Miséricordieux.
12 Et introduis ta main dans l’ouverture de ta tunique. Elle sortira blanche et sans aucun mal -un des neuf prodiges à Pharaon et à son peuple, car ils sont vraiment des gens pervers » -.
Face au pharaon:
Coran 26:32 Moïse projeta son bâton. Et voici que ce fut d’évidence un serpent.
33 Il retira sa main et voici qu’elle fut toute blanche aux regards.(…)
43 Moïse leur dit: « Jetez ce que vous avez à jeter. »
44 Ils jetèrent donc leurs cordes et leurs bâtons et dirent: « Par la puissance de Pharaon! C’est nous qui serons les vainqueurs. »
45 Puis Moïse jeta son bâton, et voilà qu’il happait ce qu’ils avaient fabriqué.
46 Alors les magiciens tombèrent prosternés,
Dans différents articles, nous avons traité de la question du bâton. Pour résumer, le bâton symbolise l’autorité prophétique conférée par Dieu. En face, les sorciers sont dépositaires de la canne des Architectes. Il s’agit là aussi d’une autorité héritée. Du point de vue des sorciers, le bâton prophétique est considéré comme un symbole de soumission. Il faut considérer les sorciers comme les héritiers d’une longue lignée qui remonte directement à Satan lui-même. Dans la Bible, il se présente sous la forme d’un serpent. Nous pourrions imaginer que cette forme est idéale pour montrer des longueurs données. Les premiers sorciers auraient donc les dimensions primordiales coudées/mètres et en auraient gardé la connaissance cachée aux non-initiés. Cette connaissance est le gage de pouvoir sur une population une fois mise en oeuvre dans divers domaines tels que l’astronomie, la géographie, l’architecture. Nous comprenons alors aisément que ces sorciers aient accepté en contrepartie de vouer un culte au porteur de cette « révélation » libératrice. Une lignée cependant a réussi à s’ériger au dessus des autres. Peut-être même qu’elle fut unique dès le départ, conservant jalousement son savoir. Lorsque ces connaissances ont été à l’origine d’un rayonnement significatif, la lignée choisit de faire apparaitre en bonne place l’image de leurs origines. C’est ainsi que le serpent est apparu au front des pharaons. Les prophètes, quant à eux, faisaient paitre des moutons. Les sorciers à la cour du pharaon étaient chargé de faire fructifier les enseignements: ils étaient donc dépositaires de la canne. La canne est la version pérenne des informations livrées par le serpent. Dans le Coran, d’ailleurs, nous avons ce petit détail des cordes lancées, qui sont un instrument de mesure alternatif et qui montre que ce n’est pas le coté rigide des cannes qui était la caractéristique principale. Dans la religion grecque, où s’est réinventée la religion antique égyptienne, est apparu le Caducée. Il s’agit d’un bâton autour duquel s’enroule un serpent qui apparait sous diverses formes et différentes symboliques. Nous comprenons bien qu’il s’agissait de laver l’affront. Mais nous allons nous interesser d’avantage à la main.
Si la Bible ne rapporte pas la confrontation du pharaon avec la main blanche, nous allons voir que, par contre, la confrérie qui s’est construite autour de la prise de revanche à l’égard des porteurs de la Révélation ne l’a clairement pas oubliée. Voici un texte issu de la culture grecque. Nous sommes alors en -346, juste avant que les armées grecques se répandent sur le monde.
Eschine s’exprime sur les désordres de Timarque:
[25] Aussi, telle était la décence des anciens orateurs, de Périclès, de Thémistocle, d’Aristide, surnommé le juste, surnom bien différent de celui que mérite Timarque; telle était, dis-je, leur décence, qu’un usage autorisé de nos jours, de parler la main étendue, ils auraient craint de le suivre, et l’auraient regardé comme une marque d’audace. Je vais vous en donner une preuve aussi forte que sensible. Il n’est personne de vous, sans doute, qui n’ait été à Salamine, et qui n’y ait vu la statue de Solon (07). Vous pourriez donc attester, vous-mêmes, qu’il est représenté dans la place publique de cette ville, ayant la main dans sa robe. C’est une preuve, à la fois, et une expression de son attitude, lorsqu’il parlait au peuple d’Athènes. [26] Mais, voyez combien Solon et les autres grands hommes, que je viens de nommer, étaient différents de Timarque ! Ils auraient eu honte de parler la main étendue;
Nous apprenons au travers de ce texte que l’éloquence implique de cacher ses mains. Ce geste s’explique par la volonté de s’opposer radicalement au geste effectué par Moïse, paix sur lui, au tout début de sa confrontation. Le Coran et la Bible parlent d’une main blanche. La Bible évoque la lèpre, mais le Coran précise qu’il n’est pas question d’un mal. Cette dernière information n’était pas connue de l’Ordre. Ce dernier a interprété à sa manière le Signe. La main symbolise l’action divine en ce monde. Celui qui exhibe une main miraculeuse incarne cette main divine. Le prophète, paix sur lui, affirme sa soumission à la volonté divine. L’Ordre rejette cette volonté et cette main montrée à la vue de tous qui lui est associée. Les fils d’Israël se sont coupés du monde. L’Ordre considère qu’Israël a la lèpre. Cette main est blanche comme la lèpre symbolise la soumission aveugle au Créateur et l’isolement qui en découle. Aussi, par opposition, la main de celui qui refuse cette soumission, reste cachée, et symbolise la sagesse acquise en appartenant à un groupe élitiste qui domine le monde.
Plus tard, cette pratique réapparait au grand jour dans les représentations des grands de ce monde. Si les néophytes identifient correctement l’appartenance spirituelle de ces personnages, ils n’en saisissent cependant pas la signification profonde. Ceci est normale puisque les observateurs sont de culture occidentale: la main dévoilée est anecdotique dans le récit biblique.
Paix sur vous.
Sources
En couverture, il s’agit d’une image tirée d’un documentaire sur l’histoire (odyssée) de l’écriture par la chaine franco-allemande culturelle bien connue. Nous sommes dans le dernier épisode (13mn du début) au sujet de la période moderne. Pour illustrer la répression contre la langue arabe mené par le dirigeant de la Turquie naissante, un film de propagande d’époque nous montre l’arrivée de ce dirigeant entouré de sa cour. Se sachant filmé par la caméra, la main glissée dans sa veste, il la fixe intensément en passant juste devant comme s’il voulait transpercer du regard le spectateur. Il adresse un message clair. Bien d’autres l’ont suivi en ce sens.
https://www.stephanpain.com/2016/06/05/les-coudees-franches/
https://www.stephanpain.com/2016/01/06/les-noces-de-cana/
https://www.stephanpain.com/2018/02/18/conques-et-le-metre/
https://remacle.org/bloodwolf/orateurs/eschine/timarque.htm#25