mardi 3 décembre 2024

Les Sans Roi

LMise à jour: 27 mars 2024

Cet article est un complément du précédent et l’explication théologique concernant le sujet central abordé dans « Interstelas ». En prérequis, il est judicieux d’introduire la problématique grâce à l’incontournable « Noli me tangere » https://www.stephanpain.com/2016/01/17/noli-me-tangere/

Dans l’article https://www.stephanpain.com/2023/03/20/conte-des-deux-freres/, je montrais qu’il est parfois beaucoup plus pertinent de prendre connaissance des théories avancées par certaines personnes qui se revendiquent clairement en dehors des communautés établies. A notre époque, exposer au grand jour des hérésies n’est plus du tout dangereux. Pourtant, par leur démarche, ces personnes s’imaginent s’attaquer au système et le mettre à nu pour mieux le détruire. Nous pourrions penser que tout cela est contradictoire. C’est qu’en réalité, si effectivement des systèmes de domination ont utilisé essentiellement pendant des siècles les religions établies pour asseoir leur pouvoir, ce n’est plus le cas. Le système a muté. Bien entendu, l’emprise n’est pas relâchée, dans le sens où il est essentiel de s’étendre sur tous domaines d’une part, et d’autres part que les séquelles sont là.
Ces théoriciens, qui s’imaginent s’émanciper du système, ne font que marcher dans les traces de ceux qui les ont devancés. Notre travail critique, dans la perspective de comprendre la domination moderne et d’envisager le futur, s’appuie sur l’analyse de l’histoire. Mais comme celle qui nous préoccupe est occulte, pas « simplement » celle des perdants, elle doit être exposée par rétro-ingénierie. C’est en quelque sorte du méta-complotisme.

Affirmer que le christianisme était corrompu au moment où il est devenu religion d’empire est une théorie partagée par un grand nombre de personnes. Il est clair que le 4ème siècle a constitué un point de bascule dans l’histoire de l’occident et qu’il est tentant d’affirmer d’un point de vue moderne l’intérêt politique d’adopter le monothéisme comme socle civilisationnel pour unifier le pouvoir impérial. Mais ce raisonnement est beaucoup trop simpliste. La centralisation n’explique pas tout. Le polythéisme est suffisamment malléable pour appuyer toute forme de pouvoir. Si nous nous penchons sur les écritures, la référence majeure de la Passion est le Psaume 22, unanimement reconnu en tant que tel par tous les chrétiens. L’explication se trouve ici: https://www.stephanpain.com/2015/12/22/mon-dieu-mon-dieu-pourquoi-mas-tu-abandonne/

Voici ce qui s’y lit:

22.28 Car à l’Éternel appartient le règne: Il domine sur les nations. 22.29 Tous les puissants de la terre mangeront et se prosterneront aussi; Devant lui s’inclineront tous ceux qui descendent dans la poussière, Ceux qui ne peuvent conserver leur vie. 22.30 La postérité le servira; On parlera du Seigneur à la génération future. 22.31 Quand elle viendra, elle annoncera sa justice, Elle annoncera son oeuvre au peuple nouveau-né.

SI le peuple nouveau-né est la Ummah, alors nous pouvons en déduire que les puissants de la terre se sont prosternés devant l’Éternel jusqu’au 7ème siècle au moins. Si l’on peut reprocher un certain opportunisme aux empereurs, on ne peut pas nier leur adhésion aux dogmes. Un système de domination occulte n’est de toute manière, pas basé sur un seul homme et surtout, par définition, n’a aucun intérêt à diffuser ses propres croyances parmi la plèbe. Il est fort possible que les aspirations politiques ou économiques d’un groupe  aient contrecarré les plans  anti-théistes. Il faut bien distinguer ceux qui ne marchent pas dans les pas de la foi et ceux qui travaillent activement pour accomplir les desseins de l’adversaire. De plus, même si le pouvoir politique est faillible, cela n’engage en rien les responsables religieux si ils ne soumettent pas spirituellement à ce premier. Devons-nous en déduire, comme le font les catholiques, qu’ils en deviennent infaillibles? Certes, non. A moins d’être dans le déni, la chose est entendue. Ceci est valable pour toutes les religions.

L’empire a chuté et un autre régime politique s’est répandu en occident: les royautés d’ordre divin. Déterminer à quel moment ce système s’est corrompu est une tâche ardue. Toujours est-il que je m’oppose à l’idée que le christianisme a été détourné entièrement par les partisans de l’Ordre de l’Aigle dès lors qu’il est devenu dominant dans l’empire. C’est pourtant cette thèse que défend un homme qui expose ses théories sur une chaîne du Tube marquée à gauche et dont le nom est censé évoquer le résultat de ses révélations politiques explosives. Lorsque j’ai vu apparaître le titre de la vidéo, j’étais plutôt surpris. En dehors d’un islamo-gauchisme revendiqué, la chaîne n’a jamais assumé un quelconque héritage chrétien. Il est impossible de considérer toutes les théories qui s’attaquent au christianisme et au catholicisme en particulier: j’avais donc passé mon chemin. Un nouvel épisode est sorti pour Noël. Intrigué par les quelques minutes que je visionnais, je décidais de reprendre l’exposé depuis le début. Plus de 3 heures en tout.

Le travail de présentation est conséquent. Cela parait sérieux pour qui n’est pas familier avec le sujet. En effet, certains détails agaceront les spécialistes. Le format est clairement adapté aux habitués du média puisqu’il distille ici et là des considérations modernes sociétales totalement hors de propos mais qui flatteront la sensibilité d’un grand nombre. Comme je l’ai déjà dit ici, nous avons tous des biais d’analyse de l’histoire, mais là où il y a manipulation évidente, c’est lorsque l’on se réclame neutre. Un titre qui contient le mot « vérité » trahira la malhonnêteté. Enfin, le présentateur, comme il est de coutume dans de nombreuses chaines qui entendent détenir cette fameuse vérité, invite le spectateur à effectuer le travail de recherche par lui-même. Je trouve cette posture clairement hypocrite, dans le sens où la grande majorité des gens n’ont ni le temps ni la patience de le faire, mais qu’ils n’en constitueront pas moins un socle solide à la fois morale et surtout financier aux auteurs.

L’Empire n’a jamais pris fin

Le titre de la série,  « L’Empire n’a jamais pris fin », est pour le moins alléchant. Si le premier épisode se concentre sur la politique, la suite traite de la spiritualité. L’objectif est ici de montrer que pouvoir politique autoritaire, impérialisme et foi corrompue sont étroitement liés depuis 2000 ans. Une fois que la démonstration est faite que l’impérialisme est vicié dans son fondement, le deuxième épisode va s’atteler à la tâche de démontrer que le christianisme est corrompu dès son origine. L’auteur va essentiellement s’appuyer sur une critique acerbe de la pensée paulinienne des Épîtres. Reconnaissons qu’extraire des phrases de leurs contexte, à la fois scripturaire mais surtout temporaire, s’avère particulièrement efficace, et ce, d’autant que l’on peut saupoudrer de la pensée autoritaire moderne qui est en train de s’imposer sur les esprits et que je me refuse à nommer. N’étant pas moi-même un adepte de la pensée paulinienne, je ne peux qu’adhérer à certains arguments. Cependant, tout n’est pas à rejeter. Il demeure de grandes pages spirituelles. Ce que je reproche essentiellement au christianisme c’est de ne pas replacer cet auteur à sa place de théologien et à lui conférer un statut de prophète à part entière tout en évitant soigneusement de le qualifier ainsi. De là à affirmer que le christianisme est uniquement paulinien et qu’il s’oppose en tout point au message christique originel, est un mensonge et une manipulation avérée. D’ailleurs, si l’on se penche sur le travail de Netivot Olam ( https://www.stephanpain.com/2019/12/20/netivot-olam/), on se rend vite compte que la pensée paulinienne peut également être interprétée totalement différemment. Notamment, l’inscrire dans la Torah, puisque Netivot Olam se déclare comme faisant parti d’Israël. Netivot Olam ne prend pas de gant lorsqu’il s’agit de s’en prendre à l’Eglise catholique. Etant donné la rigueur scripturaire donc ils font preuve, je serais plus enclin à aller dans leur sens. Selon les théories développées ici-même, on ne peut comprendre le christianisme dans ses fondements, c’est à dire dans son premier siècle, qu’au travers d’une opposition entre 3 groupes: les disciples des Apôtres, les pauliniens et les johanniques. (se référer à https://www.stephanpain.com/2020/03/09/marcion-atha/ ) Bien évidemment, la théologie paulinienne peut expliquer certaines dérives du christianisme, mais pas toutes. Si on s’y oppose radicalement, on se retrouve non pas dans le camp des véritables disciples, mais dans celui des johanniques. Ce n’est pas un hasard si, tout au long de la vidéo, l’évangile johannique s’impose au coeur de la prédication. Cerise sur le gâteau, la conclusion se fait, comme pour nous appâter sur l’épisode à venir, sur la magdaléenne. En prétendant vouloir fuir une menace, l’auteur précipite ses spectateurs sur une autre. A ce point, certains pourraient argumenter qu’il ne s’agit que de mon point de vue, mais nous allons voir qu’il y a matière à convaincre dans la suite.

Nous allons donc aborder de manière plus détaillée le troisième épisode car celui-ci s’appuie non pas sur des élucubrations du type « nouvel age », mais bien sur des écrits pluri-millénaires et donc sur une doctrine ancienne. L’auteur, est effectivement bien en train de mettre à nu l’empire, mais pas de la manière qu’il l’imaginait. Ironie quand tu nous tiens.

Gnose

Gnostique, le mot est lâché. Très vite, l’homme va opposer Pierre, le premier disciple, avec la magdaléenne telle qu’elle est décrite par les johanniques. Ses sources sont divers écrits apocryphes, donc non considérés canoniques par l’Eglise. Les derniers en date sont ceux liés à la découverte relativement récente de Nag Hammadi:

Pisti Sofia
(Pierre dit): « (la magdaléenne) nous enlève la place en ne laissant parler aucun de nous, alors qu’elle parle une foule de fois. »

Evangile de Marie
(Pierre dit): « Est-il possible qu’il se  soit entretenu avec une femme, sur des secrets que nous, nous ignorons? Devons-nous changer nos habitudes, écouter tous cette femme?
L’a t-il vraiment choisie et préférée à nous?

Nous pouvons constater que malgré l’origine diverse des écrits, ceux-ci convergent vers une idée centrale. L’héritière de la prophétie serait cette femme. Il est question de secrets. C’est une invitation sans équivoque à la gnose, c’est à dire à une connaissance cachée qui va mériter un travail de recherche. Le principe de gnose peut trouver une légitimité dans une interprétation biaisée du passage des évangiles où il est question de chercher. Il y a une confusion entre la foi et la connaissance. L’adversaire possède une grande connaissance, à la fois de l’homme mais aussi divine, et il s’est rebellé.
Le verbe « changer » fait référence à un passage typique de la gnose johannique auquel je faisais référence dans mon précédent article, à savoir le moment où Jésus annonce à Pierre que dans sa vieillesse, donc après son départ, il aura ordre de suivre une personne qui va bouleverser ses croyances.

Je 21.18
En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu (Pierre) étais plus jeune, tu te ceignais toi-même, et tu allais où tu voulais; mais quand tu seras vieux, tu étendras tes mains, et un autre te ceindra, et te mènera où tu ne voudras pas.

Le récit de cet évangile gnostique vient appuyer le propos avec un personnage inventé:

(Lévi dit): « Il l’a aimé plus que nous. »

Et enfin:

Evangile de Philippe (Nag Hammadi) 
La compagne du sauveur était MM. Il l’aimait plus que tous les disciples et il avait l’habitude de la baiser tendrement sur la bouche. Les autres disciples s’en scandalisèrent…

Un croyant à la foi ferme ne saurait être troublé par de tels écrits. Mais il  ne faut pas sous-estimer le poison instillé dans les têtes et comment il se répand. Il faut bien comprendre ici que ma démarche n’est pas de persuader ceux qui seraient sensibles à de telles choses mais à déconstruire ce qui s’est infiltré dans le christianisme notamment au travers de la tradition gnostique johannique.

Ensuite, le présentateur nous expose la théologie dualiste. Nous avons abordé ce sujet de nombreuses fois. Il a au moins le mérite de le faire de manière frontale. A ce moment là de l’exposé, on comprend pourquoi l’argumentation focalisait sur la personne de l’apôtre des gentils, car il fallait à tout prix occulter le corpus biblique dans lequel les évangiles viennent s’inscrire en continuité. La théologie dualiste peut aisément s’appuyer sur les évangiles mais l’histoire des fils d’Israël et le contenu de la Torah ne laisse aucune place à autre chose qu’un Dieu unique, à la fois Créateur et Source de la Révélation. Le dualisme, c’est tout simplement affirmer que le Créateur et le Révélateur sont deux dieux distincts et qu’il s’agirait de suivre le Révélateur. Le Créateur serait le démiurge. Rien de nouveau sous le soleil. Une version réactualisée du marcionisme. En ce cas, pourquoi continuer? C’est ce que nous allons voir.

Cette fois, en s’appuyant sur des penseurs modernes, un nouveau dualisme se dessine. Le vrai dieu serait une sorte de dieu intérieur, un dieu individuel. Ce qu’il faut comprendre ici, et ce concept cadre avec la spiritualité moderne, c’est que chacun peut s’élever vers Dieu de manière individuelle. C’est le principe de communauté de croyants qui est ici gommé: Israël, Eglise et Ummah. La constitution de communautés de croyants ne résulterait que de la volonté d’asservissement des peuples. Ce serait le moteur de l’impérialisme.
Se retrouver seul face au Créateur, soit. Mais à l’heure des comptes.

Un passage d’un texte est cité où il est question du fait que les indigents représentent une opportunité pour les pieux d’accomplir de bonnes actions. L’auteur en est offusqué et déclare qu’il s’agit là d’un dieu qui crée des castes où certains sont les faire-valoir d’autres. Il  s’agit là d’un concept que l’on retrouve dans le Coran, où il est expliqué que nous sommes des épreuves les uns pour les autres. Les écritures sont tordues de manière manifeste.

L’écrit sans titre (Nag hammadi)

Un écrit sans titre pour une religion sans nom (c’est ainsi que l’a nommée Alexandre Lebreton).

La génération sans Roi est parfaite, elle est celle qui surpasse toutes les autres, car ceux-ci entreront dans le royaume de leur Père et ils se reposeront en une gloire calme, éternelle et ineffable et en une allégresse perpétuelle.
Ils sont déjà comme des rois, étant immortels dans des régions mortelles.

Constatons qu’il est question d’une promesse d’immortalité ici-bas avant la mort. Cette position est impossible à tenir. Tout véritable croyant demeure dans l’épreuve jusqu’à sa mort. Annoncer à quelqu’un qu’il est déjà sauvé, c’est le flatter pour le tromper et pour obtenir quelque chose de lui. Du même acabit que d’appartenir à un peuple élu.

Pour prolonger la flatterie, rien de tel que de promettre un dieu complice d’une sexualité épanouie hors mariage. Rien de tel que de détruire le socle familial sur lequel s’appuie toute la Révélation après s’être attaqué aux communautés de croyants. Enjolivé avec des promesses d’extases transcendante, il y a de quoi en séduire plus d’un.

Nous approchons de la fin de cette épisode spécial Noël:

Apocryphe de _ean

Et celui qu’ils (les anges nommés archontes, entités maléfiques pour l’humain dans cet écrit) avaient appelé l’arbre de la connaissance du bien et du mal, qui est la pensée de _umière, ils se sont mis devant pour l’empêcher d’apercevoir sa plénitude.

Nous y sommes. Cela se passe de commentaire. La fin de la citation:

Mais moi (le messie des gnostiques), je l’ai incité à en manger. Je suis apparu sous la forme de l’aigle au dessus de l’arbre de la connaissance.

Si cela nous renvoie à la mythologie égyptienne, nous nous rappelons ici d’une prophétie du livre de la Genèse:

Genèse 15.11 Les oiseaux de proie s’abattirent sur les cadavres; et Abram les chassa.

Pour l’explication, lire: https://www.stephanpain.com/2020/02/02/du-nil-a-leuphrate/

Retour sur la sexualité. Le premier homme est un androgyne. Voilà qui est bien en accord avec l’un des thèmes principaux de la culture autoritaire qui aspire à s’imposer actuellement. Il s’agit ici de s’attaquer de manière poétique au patriarcat et à la continence au passage, mais surtout d’imposer la magdaléenne comme figure centrale de la théologie gnostique. Le présentateur nous explique ce qu’est l’anamnèse: la fin de l’oubli de sa nature divine, tel qu’elle l’annonce au travers de son évangile.

Confusion des genres. Ascendant de l’enseignement par les femmes. Promesse non d’un simple au-delà mais d’un statut divin. Nous voilà renvoyé à l’article constitué autour de l’écrivain qui se vantait de son attirance pour les enfants juste avant que la période de chaos débute.
Voir: https://www.stephanpain.com/2020/01/26/loutil-gm/

Depuis, la nouvelle que la première dame serait un homme a fait le tour du monde. Force est de reconnaître que tout cela a une certaine cohérence. Si les prochains épisodes de la série ne présagent rien de passionnant, gageons que l’actualité autour du pouvoir pourrait bien participer du Dévoilement.

A ce jour, alors que le deuxième épisode a fait plus de 400.000 vues, celui-ci en a fait plus de 100.000 en trois jours. Parmi les commentaire en grande majorité élogieux, se perd le mien:

Sans roi, car leur maître convoite la Couronne en vain.

Force est de remarquer que la qualité d’enseignement sur internet est généralement inversement proportionnelle au nombre de vues. Cette série d’exposé sur le thème de la religion voit son auditoire artificiellement gonflé par le contexte d’une chaîne très marquée politiquement. Gageons que les objectifs du présentateur et ceux des responsables ne soient pas du tout les mêmes et qu’il participe malgré lui au déploiement d’un tout autre narratif. A suivre.

Suite: Les cathares

27 mars 2024

Le nouvel épisode de la série est sorti à l’occasion du dimanche des Rameaux. Certainement par provocation. Mais nous n’allons pas nous étendre sur le personnage. Je ne voudrais surtout pas laisser l’impression de me valoriser aux dépens d’autrui. Le but de cet article est de dénoncer de fausses doctrines nuisibles et d’en tirer des enseignements profitables. Après visionnage, j’ai laissé un commentaire que j’ai finalement retiré. Le voici:
Ce n’est qu’une question de temps avant que les utopies portées par des minorités persécutées ne deviennent à leur tour des barbaries autoritaires. La tolérance n’est jamais absolue, elle est toujours relative au point de vue du groupe. Et malheur à celui qui s’oppose au nouveau clergé. Ces gens, que vous fantasmez, car vous admettez méconnaître leurs véritables doctrines, se revendiquent disciples d’un homme dont ils refusent les fondements de la foi monothéiste: la Torah est une foi incarnée. Le dualisme, nihiliste du corps créé, est réfuté par cette Parole rapportée dans Mathieu: « 10.28 Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme; craignez plutôt celui qui peut faire périr l’âme et le corps dans la géhenne. »
Les sorciers prospèrent toujours sur le terreau de l’ignorance.
Utopie est le mot employé. Ma réflexion n’a rien d’originale. L’histoire du monde est remplie de récit de bonnes idées qui ont mené à la tragédie. En matière de tolérance, l’exemple qui me vient en tête pour illustrer le sujet est le milieu de l’Islam soufi. Au départ, tout est merveilleux, mais lorsque l’on en vient à entrer en désaccord sur un point de doctrine fondamental, tout ce bel édifice tombe invariablement et la vraie nature de chacun réapparait. L’idéologie totalitaire en plein essor ce moment même est fondée sur l’affichage ostentatoire d’une prétendue tolérance. Le signalement de vertu.

Le présentateur est honnête, il reconnait bien volontiers que peu d’écrits des cathares nous sont parvenus. Si bien qu’à notre époque, ils sont d’avantage un support destiné à projeter sur eux une certaine vision de la foi. Une grande partie de l’exposé n’est donc qu’une redite des épisodes précédents. Remarquons que la première moitié semble destinée à jouer sur l’émotion du spectateur afin de le rendre captif et perméable aux éléments doctrinaires. Nous sommes clairement dans l’élaboration d’un mythe fondateur. D’ailleurs, une certaine mise en perspective révèle les buts réels poursuivis et entre en résonance avec l’atmosphère de la chaine  politique. Si l’épisode suivant annoncé est Jeanne d’Arc, il y a fort à parier qu’un des épisodes abordera la Commune de Paris. Les persécutions de l’Église tout au long du 19ème siècle se justifieront alors par un juste retour de choses. L’ennui ici, c’est que les cathares ont disparus. Il n’y a donc aucune continuité communautaire pour porter la vengeance.

A présent revenons à cette citation:

Mathieu: 10.28 Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme; craignez plutôt celui qui peut faire périr l’âme et le corps dans la géhenne.

Habituellement, je cite ce verset pour illustrer que le plus grand péril pour un croyant n’est pas de périr sous les coups d’un égaré à l’apparence repoussante qui a pris les armes pour exalter sa foi, mais d’être trompé par de beaux discours qui mène à l’association d’une personne plaisante à voir. Cela peut paraitre rude à lire, mais c’est pourtant la vérité. Jusqu’à aujourd’hui, une partie du verset me dérangeait. En effet, afin de bien ancrer l’opposition, je trouvais plus pertinent de dire « celui qui peut faire périr l’âme et  épargne le corps« . Mais dans ce cas présent, face à une personne qui énonce une doctrine qui affirme que le corps appartient à un monde maudit de la matière qui s’oppose au monde divin de l’Esprit, ce verset prend tout son sens. Car en réalité, la doctrine dualiste réaffirmée une nouvelle fois clairement dans cet épisode, sépare corps et âme. Il s’agit donc bien d’une doctrine nihiliste qui éradique le corps avant même qu’il se forme dans le sein maternelle. Cette doctrine s’oppose radicalement à la Torah. L’hypothèse que les cathares se basaient uniquement sur le 4ème évangile est plausible. Enfin reconnaissons une certaine dissonance, car si la matière est une prison et le monde de l’esprit une libération, le fait d’être libérés de la vie d’ici-bas par les Croisés était un accomplissement. Mais je suis taquin.

A propos des Croisés, et de la dimension politique d’une guerre du pouvoir centralisé contre des places fortes, constatons qu’il ne s’agit pas là uniquement d’une guerre de religion. Le catharisme n’est rien d’autre qu’un mouvement sectaire instrumentalisé par un pouvoir politique dissident. Ce sont toujours les mêmes mécanismes. La réforme protestante et la réforme salafi sont des mouvements qui ont réussi. Ils sont devenus persécuteurs à leur tour. Je ne vais pas m’étendre sur les exemples tellement ils sont simples à trouver. Si l’idée ici est de fédérer autour d’une résistance à l’oppression, comprenons bien que la dissidence n’est pas forcément synonyme de salut, qu’il soit céleste ou civilisationnel.

Malgré tout, un point à attiré mon attention. Il est question de la différence de statut entre les croyants de base et les « bons hommes ». Ce qui oppose les deux groupes est leur rapport aux relations sexuelles. Il est très curieux de prôner l’abstinence pour ceux qui revendiquent se rapprocher de la divinité et d’encourager à la procréation de l’autre. Cela ressemble furieusement au clergé catholique. Gageons que ce n’était qu’une question de temps avant que tous les marqueurs d’appartenance à celui-ci allaient progressivement se mettre en place avec quelques variantes propres à la doctrine suivie. Si bien que cette débauche de violence légitimée par le pouvoir central pourrait révéler, non pas un mal profond au sein d’une Église qui aurait été vidée de sa spiritualité comme il est avancé, mais d’avantage la prise de conscience d’une réelle concurrence cléricale. Je ne parle pas ici d’un simple clergé proche du peuple, mais du haut-clergé. Cette violence pourrait donc révéler que la véritable doctrine du haut-clergé romain était donc bel et bien à ce moment là de l’histoire déjà d’essence dualiste.
L’auteur de la vidéo vient donc renforcer la compréhension de la doctrine de l’empire à ses dépens. C’est à porter à son crédit. Le repentir sincère est toujours possible.

Mais on peut légitimement se questionner sur le principe d’une élite religieuse qui prospère sur le dos du peuple en lui inculquant une doctrine propre à le perdre. Car c’est cela le propos. L’auteur condamne le clergé en cela qu’il professe ce à quoi il croie lui-même. Cela implique que la foi n’a aucun effet sur la  spiritualité des gens et leur rapport à Dieu. N’importe quoi peut donc être raconté à des gens pieux et sincères, ils ne font aucune différence. C’est ce que je déduis. Et lorsque l’on affirme cela, cela signifie que la foi est vide de sens, tout simplement. En réalité l’auteur intellectualise le fait religieux et ignore la dimension charnelle de la foi. Les gens du peuple, pour la grande majorité ne font que peu de  cas des enseignements religieux, qui, il faut le reconnaitre sont parfois bien compliqués. Et ceux exposés dans cette série ne font pas exception. Il y a fort à parier que les commentaires reflètent une adhésion de principe plutôt que de fond. Il s’agit juste d’alimenter un narratif politico-spirituel. La vraie foi s’affranchit des dogmes. Le Saint est à même de se révéler au milieu de la fange. L’Église est par nature à deux faces. L’une est synonyme de pouvoir, d’élitisme, d’intellectualisme. L’autre c’est l’Église des humbles. Le véritable croyant n’est pas affecté dans sa foi par un dirigeant corrompu. Mieux, il peut s’élever au travers de l’oppression subie. Ce que l’on appelle la tradition de l’Église et qui est remise en cause par la réforme protestante n’est pas uniquement un processus qui s’établit du haut vers le bas. Le peuple des croyants est vivant et c’est bel et bien lui qui est le réel moteur de la Tradition apostolique. De ce peuple peut aussi émerger les pires choses, ne soyons pas idéalistes non plus.  Le Coran va en ce sens puisque il affirme que c’est la corruption du peuple qui implique la corruption des élites, et non l’inverse. Au travers de ces exposés, on discerne assez bien l’idée d’une volonté d’exalter la soif de renversement du pouvoir moderne. Ici, dans ces articles, c’est l’inverse. Il s’agit de trier le vrai du faux afin de livrer un outil rituel abouti dans les mains de ceux qui aspirent à sauver leurs âmes dans le paradigme numérique. Cet outil peut s’appuyer sans problèmes sur les religions existantes et leur rites et pratiques car cet outil est à la fois composé de maitrise scripturaire et de l’esprit qui les anime. Qu’importe jusqu’où mon travail me portera, car l’essentiel est de transmettre cette énergie et qu’il soit prolongé dans le même esprit.
Une réflexion m’est venue. Si tant de choses font surface aussi facilement, ce n’est pas uniquement du à l’outil numérique. C’est aussi parce que les adeptes de l’adversaire considèrent que ces questions sont dépassées. Elles ne constituent plus un enjeu de connaissance. Le nouveau paradigme implique de maitriser une connaissance ésotérique d’un nouveau genre. Pour s’émanciper dans le monde à venir, il faut donc être en mesure de mettre à nu l’ancien paradigme non pas comme une fin en soi, mais pour adopter la méthodologie pour mettre à nu les rouages de la spiritualité anti-théiste et la contrer en permanence. Une nouvelle communauté de croyants accomplie va se répandre sur l’humanité.

A suivre.