mardi 3 décembre 2024

L’esclave de

L’actualité a placé la question de l’esclavage en Islam sur le devant de la scène. Face aux apparentes incohérences textuelles, je me suis donc mis au travail. Une recherche sur le mot “esclave” dans le Coran, nous renvoie 30 versets.
Sur ces 30 versets, nous en avons 9 où l’esclave est désigné par un mot contenant la racine ‘3abd’. Ce sont: 2.178: loi du talion, (…) esclave pour esclave (…) 2.221: un esclave croyant vaut mieux qu’un associateur (…) 8.51: Cela (le châtiment), pour ce que vos mains ont accompli (bima qaddamat aydikum)Et Allah n’est point injuste envers les esclaves. 16.75: Allah propose en parabole un esclave possédé (‘abdan mamlukan), dépourvu de tout pouvoir, et un homme à qui Nous avons accordé de Notre part une bonne attribution dont il dépense en secret et en public. [Ces deux hommes] sont-ils égaux? Louange à Allah! Mais la plupart d’entre eux ne savent pas. 23.47: Ils dirent: «Croirons-nous en deux hommes comme nous dont les congénères sont nos esclaves?». 24.32: Mariez les célibataires d’entre vous et les gens de bien parmi vos esclaves, hommes et femmes. S’ils sont besogneux, Allah les rendra riches par Sa grâce. 36.30: Hélas pour les esclaves [d’Allah]! Jamais il ne leur vient de messager sans qu’ils ne s’en raillent. 39.16: Au-dessus d’eux ils auront des couches de feu et des couches au-dessous d’eux. Voilà ce dont Allah menace Ses esclaves. «Ô Mes esclaves, craignez-Moi donc!» 39.36: Allah ne suffit-Il pas à Son esclave [comme soutien]? Et ils te font peur avec ce qui est en dehors de Lui. Et quiconque Allah égare n’a point de guide.
Nous remarquons qu’il n’est jamais question de licéité dans ces versets. Les versets 2.221 et 24.32, quant à eux, suggèrent le mariage et utilisent les racines ‘3abd’ et ‘amw’, pour distinguer respectivement le masculin et le féminin dans des tournures de phrases redondantes, afin de supprimer toute ambiguïté et d’affirmer fermement l’équité en genre. Il n’y a donc aucune porte ouverte vers l’esclavage sexuel.
7 utilisent la racine ‘RaQafBa’: 2.177: (…) Mais la bonté pieuse est de croire en Allah, (…), de donner de son bien, quelqu’amour qu’on en ait, aux proches, (…) et pour délier les jougs, 4.92: Il n’appartient pas à un croyant de tuer un autre croyant, si ce n’est par erreur. Quiconque tue par erreur un croyant, qu’il affranchisse alors un esclave croyant et remette à sa famille le prix du sang, à moins que celle-ci n’y renonce par charité. (…) 5.89: Allah ne vous sanctionne pas pour la frivolité dans vos serments, mais Il vous sanctionne pour les serments que vous avez l’intention d’exécuter. L’expiation en sera de nourrir dix pauvres, de ce dont vous nourrissez normalement vos familles, ou de les habiller, ou de libérer un esclave. 9.60 Les Ṣadaqāts ne sont destinés que pour les pauvres, les indigents, ceux qui y travaillent, ceux dont les cœurs sont à gagner (à l’Islam), l’affranchissement des jougs (…) 47.4 Lorsque vous rencontrez (au combat) ceux qui ont mécru frappez-en les cous. Puis, quand vous les avez dominés, enchaînez-les solidement. Ensuite, c’est soit la libération gratuite, soit la rançon, jusqu’à ce que la guerre dépose ses fardeaux. Il en est ainsi, car si Allah voulait, Il se vengerait Lui-même contre eux, mais c’est pour vous éprouver les uns par les autres. Et ceux qui seront tués dans le chemin d’Allah, Il ne rendra jamais vaines leurs actions. 58.3: Ceux qui comparent leurs femmes au dos de leurs mères puis reviennent sur ce qu’ils ont dit, doivent affranchir un esclave avant d’avoir aucun contact [conjugal] avec leur femme. C’est ce dont on vous exhorte. Et Allah est Parfaitement Connaisseur de ce que vous faites. 90.13 C’est délier un joug
6 versets invitent à la libération de l’esclave. D’ailleurs, on ne les trouve pas directement par une recherche sur le mot puisque cela est traduit majoritairement par joug, qui frappe moins l’esprit. Y aurait-il une volonté affirmée des traducteurs d’orienter la compréhension basique du texte? La racine RQB se traduit par ‘cou’ qui, dans le contexte, prend le sens d’esclave. En français, on utiliserait l’expression ‘tête’, comme pour le bétail. J’ai donc englobé le verset 47.4 qui ne peut se traduire par esclave, mais par ‘cou’ dans l’expression fadharba l riqab (frapper les cous) puisque ce verset poursuit sur la captivité des ennemis de guerre contre rançon, ce qui ressemble fortement à de l’esclavage. Il est à noter également que le verset invite à la libération gratuite et que la situation constitue une épreuve pour les croyants. Encore une fois, aucune porte ouverte vers l’esclavage sexuel.
Il reste donc 14 versets. Ils utilisent tous une expression composée de trois mots accolés: ‘ma malakat aymanu’. ‘aymanu’ prend successivement une terminaison en “koum”, ‘houm’, ‘hounna’ et ‘ka’, désignant diverses formes du possessif qui sont respectivement ‘votre’, ‘leur’(masc), ‘leur’(fém) et ‘ta/ton’(masc). Elle est traduit classiquement par “que vous possédez/ils/elles possèdent/tu possèdes de plein droit”, ce qui signifie que la ou les personnes visées sont esclaves de ceux à qui les versets s’adressent où dont les versets parlent. Il y a des variantes suivantes le contexte, mais il est toujours systématiquement question d’esclavage. Parfois la traduction se contente d’un: ‘les esclaves qu’ils possèdent’. La majorité de ces versets induisent des positions fondamentales en matière de jurisprudence notamment sur le mariage et la licéité des comportements sexuels. Nous nous attaquons donc aux fondements civilisationnels de l’Islam puisque la famille et l’engendrement sont les socles de la communauté des croyants.
A la première rédaction, j’ai attaqué le sujet par le biais de la grammaire. Il fallait plutôt cerner le sujet à l’aide du contexte pour recomposer l’expression correcte. La forme verbale inversée était donc correcte. Pour s’en assurer, il suffit de se référer au verset 8.51 cité au dessus et où “bima qaddamat aydikum” est traduit par “ce que vos mains ont accompli/apporté”, qui est une forme similaire. Malakat, qui est un verbe et ne varie pas, ressemble à la forme à la troisième personne du singulier du féminin. Mais ce n’est pas le cas. Il s’agit d’un cas particulier. Pour ceux qui sont intéressés par le sujet, je les renvoie à l’analyse de la sourate 82: ils pourront constater que les verbes sous cette forme ne varient pas suivant le nombre du sujet. Voici les versets concernés avec les traductions habituelles:
  • 4.3 (koum) Et si vous craignez de n’être pas justes envers les orphelins, il est permis d’épouser deux, trois ou quatre, parmi les femmes qui vous plaisent, mais, si vous craignez de n’être pas justes avec celles-ci, alors une seule, ou des esclaves que vous possédez. Cela, afin de ne pas faire d’injustice.
  • 4.24 (koum) et (vous sont interdites), parmi les femmes, les dames (mariées), sauf si elles sont vos esclaves en toute propriété. Prescription d’Allah sur vous!
  • 4.25 koum Et quiconque parmi vous n’a pas les moyens pour épouser des femmes libres (non esclaves) croyantes, eh bien (il peut épouser) une femme parmi celles de vos esclaves croyantes.
  • 4.36 koum Agissez avec bonté envers (vos) père et mère, les proches, (…) le voyageur, et les esclaves en votre possession,
  • 16.71 houm Allah a favorisé les uns d’entre vous par rapport aux autres dans [la répartition] de Ses dons. Ceux qui ont été favorisés ne sont nullement disposés à donner leur portion à ceux qu’ils possèdent de plein droit [esclaves] au point qu’ils y deviennent associés à part égale. Nieront-ils les bienfaits d’Allah?
  • 23.6 houm et qui préservent leurs sexes, 6. si ce n’est qu’avec leurs épouses ou les esclaves qu’ils possèdent, car là vraiment, on ne peut les blâmer;
  • 24.31 hunna Et dis aux croyantes (…) et qu’elles ne montrent leurs atours qu’à leurs maris, (…) ou aux femmes musulmanes, ou aux esclaves qu’elles possèdent, ou (…)
  • 24.33 koum Et que ceux qui n’ont pas de quoi se marier, cherchent à rester chastes jusqu’à ce qu’Allah les enrichisse par Sa grâce. Ceux de vos esclaves qui cherchent un contrat d’affranchissement, concluez ce contrat avec eux si vous reconnaissez du bien en eux; et donnez-leur des biens d’Allah qu’Il vous a accordés.
  • 24.58koum Ô vous qui avez-cru! Que les esclaves que vous possédez vous demandent permission avant d’entrer,
  • 30.28koum Il vous a cité une parabole de vous-mêmes: Avez-vous associé vos esclaves à ce que Nous vous avons attribué en sorte que vous soyez tous égaux [en droit de propriété] et que vous les craignez [autant] que vous vous craignez mutuellement? C’est ainsi que Nous exposons Nos versets pour des gens qui raisonnent.
  • 33.50ka Ô Prophète! Nous t’avons rendu licites tes épouses à qui tu as donné leur mahr (dot), ce que tu as possédé légalement parmi les captives [ou esclaves] qu’Allah t’a destinées, Nous savons certes, ce que Nous leur avons imposé au sujet de leurs épouses et des esclaves qu’ils possèdent, afin qu’il n’y eût donc point de blâme contre toi.
  • 33.52 ka Il ne t’est plus permis désormais de prendre [d’autres] femmes, ni de changer d’épouses, même si leur beauté te plaît; – à l’exception des esclaves que tu possèdes.
  • 33.55hunna Nul grief sur elles au sujet de leurs pères, leurs fils, leurs frères, les fils de leurs frères, les fils de leurs sœurs, leurs femmes [de suite] et les esclaves qu’elles possèdent.
  • 70.30houm et n’ont de rapports qu’avec leurs épouses ou les esclaves qu’ils possèdent car dans ce cas, ils ne sont pas blâmables,
Il se dégage un sentiment malsain de ses versets. Jusqu’ici, à chaque fois que je passais sur certains d’entre eux et que je réagissais, je me contentais de poursuivre sans chercher à polémiquer plus avant. Il est essentiel de traiter chaque sujet l’un après l’autre. Le Coran semble alors légiférer en matière d’esclavage sexuel. C’est pour le moins déconcertant. Le summum est atteint au verset 4.24, où il est question que la femme esclave et mariée est autorisée à l’homme croyant.
Poursuivons notre analyse. Dans le Coran, la racine ‘mlk’ prend diverses significations suivant le contexte: la possession, le pouvoir et l’autorité. A nous de suivre la bonne voie. Ensuite, aymanu est traduit par ‘de plein droit’, dans le sens que l’action est licite puisque relative à la main droite. Avec la main droite, nous prêtons serment. C’est ce deuxième sens dans le Livre, qui nous intéresse. Voici donc une traduction alternative pour ‘wa ma malakat aymanukum’: ‘et celle/celles sur qui vos serments vous ont donné autorité’. Le sens s’éloigne radicalement d’esclave. Ce qui serait en question ici, semblerait plutôt être une interaction entre un homme et une femme qui n’est pas le mariage. Il semblerait ainsi que le Coran légifère ici sur la question de ce que l’on pourrait nommer des fiançailles. C’est à dire le temps qui sépare la demande en mariage, de la cérémonie. C’est une période de transition où les deux jeunes gens ne sont plus disponibles pour autrui et se sont promis l’un à l’autre. Généralement, c’est l’homme qui demande la main. On peut dire qu’il prête serment. En Islam, l’homme a autorité sur la femme (4.34). Avant de nous pencher sur chacun de ces versets, en voici un qui pourra confirmer cette interprétation, puisque l’ambiguïté de malakat ne rentre pas en compte:
  • 4.33 A tous Nous avons désigné des héritiers pour ce que leur laissent leurs père et mère, leurs proches parents, et ceux envers qui, par vos serments, vous vous êtes engagés/liés (wa alladhina ‘aqadat aymanukum), donnez leur donc leur part, car Allah, en vérité, est témoin de tout.
Le verbe aqada est utilisé dans le cas de l’établissement d’un mariage: 2.235 ‘uqdata l nikah. Il est à la même forme verbale que malakat et qaddamat.
Ceci étant dit, voyons si cette interprétation alternative s’insère correctement dans ces différents contextes afin de valider l’idée: Les versets 23.6 et 70.30 nous apprennent alors qu’il est permis aux fiancés d’avoir des rapports sexuels. Est-ce plus choquant que de déclarer légaux des rapports avec des esclaves? Je vous laisse seuls juges. Il est à noter d’ailleurs qu’il y a un ‘ou’ entre les deux propositions. Il est difficilement concevable d’imaginer que Dieu pousse les croyants à se soulager avec leurs esclaves si ils ne sont pas mariés. En effet, si ils sont mariés, le ‘ou’ n’a aucun sens. Il y a fort à parier que ces deux versets sont à eux seuls une source de motivation pour un grand nombre d’aspirants djihadistes, qui, avant de partir dans l’au-delà pourront pratiquer le repos du guerrier avec toutes sortes de femmes qu’ils auront déclarées comme leurs esclaves dans le cadre de leur prises de territoires (d’autres sources scripturaires serviront en cela). Ou bien peut-être que cela a inspiré des Christian Grey en puissance dans les milieux intellectuels musulmans de nos contrées? Le rapport du maitre à l’esclave étant alors purement sexuel. Que l’on se rassure, le Talmud est une bonne source d’inspiration pour d’autres. Ainsi que le “aimez-vous les uns les autres” débarrassé de “tu aimeras ton Dieu de toutes tes forces” placé obligatoirement avant. Soyons équitables.
Dans les versets 24.31 et 33.55, nous sommes face à une tournure curieuse. A aymanu est accolé le possessif hunna qui signifie ‘leurs’ au féminin pluriel. Cela semble accréditer la thèse de l’esclave. Il faut alors se tourner vers les mots précédents, c’est à dire ‘aw nisaihinna’. Ce qui signifie littéralement ‘leurs femmes à elles’. Il n’est bien sur pas question de mariage gay ou de pacs. Dans un verset, cela est traduit par femme musulmane, c’est à dire de même rang, et dans l’autre par femme de suite (servante non esclave). Selon moi, il s’agit seulement de désigner toutes les femmes de la famille sans les énumérer comme les hommes. Ces femmes ne sont sous l’autorité direct des croyantes dont ces versets parlent, mais plutôt sous celle du clan familial auquel elles appartiennent. De même ‘ma malakat aymanuhunna’ désigne celle qui est liée par un serment avec un des membres de la famille donc conséquemment avec tous les membres de la famille. On discerne bien qu’il s’agit d’un statut intermédiaire entre l’appartenance et la non-appartenance au clan.
Le verset 33.52 est un verset totalement contextualisé. Il s’adresse au Prophète, paix sur lui. Si il ne lui est plus permis de se marier avec une nouvelle femme, il a le devoir d’honorer le serment qui est en cours au moment de la descente du verset. Ce verset ne nous concerne pas, mais il a pour fonction de clarifier la sira et dément formellement l’idée d’un harem de femmes captives. Il était un piège destiné à tous ceux dont le cœur malade poussait à la calomnie pour les mécréants et à la perversité pour les hypocrites qui se disent croyants et prétendaient en cela appliquer la Sunna. Dans le verset 33.50, situé juste avant, le texte place les femmes qui possède le serment juste après les femmes qui ont leur dot et avant les femmes de la famille étendue du Prophète qui lui sont licites pour le mariage (cousines), puis enfin toute croyante. Cette licéité concerne le mariage et non la sexualité.
Dans le cas du fameux verset 4.3, il est question du mariage jusqu’à 4 femmes supplémentaires. Je rappelle au passage qu’il s’agit non pas de se marier avec 4 vierges, mais bien de donner un père de substitution à des enfants orphelins de père suite à une guerre. Il ne s’agit pas d’un droit accordé aux hommes mais un droit accordé aux orphelins et donc un devoir aux hommes. Le devoir premier étant la justice, il est donc déconseillé aux hommes incapables de prendre en charge des enfants supplémentaires de le faire. Si l’aspect matériel est important, il est évident que la maturité de l’homme est ce qui est primordial pour gérer au mieux les conflits résultant de cette situation exceptionnelle. Je rappelle que dans un pays en paix comme le notre, et où il n’y a pas de mortalité masculine particulière, et c’est le cas de la quasi totalité des pays musulmans, la polygamie est donc de fait totalement anormale. Elle ne doit pas être autorisée sous prétexte de tolérance religieuse. La vie de jeunes femmes sous influence est en jeu. Ceci étant précisé, la suite du verset invite donc à abandonner l’idée d’un mariage avec une veuve, donc le nombre final est réduit à 0 veuve, si l’homme est déjà engagé par serment avec une jeune femme, donc jamais marié. L’inexpérience est ici en cause. Cela signifie également qu’il n’y a pas de période de “fiançailles” avec une veuve. Ce qui est normal puisqu’elle a déjà eu des enfants et qu’il ne s’agit pas ici de fonder un foyer mais bien d’en agrandir un existant. Selon moi, dès lors qu’un homme a connaissance d’un autre homme célibataire dans son entourage, il lui est donc impossible de convoiter une autre union. Il est important d’être extrêmement ferme sur cette question. Nous comprenons alors la position radicale des évangiles qui consiste à sceller les couples: c’est la conséquence d’une recherche de piété absolue. Petite parenthèse ici en ce qui concerne les évangiles. Il est dit que nul ne peut défaire ce que Dieu a uni car ce serait mettre la répudiée en position d’adultère. La raison est simple: lorsque le mariage est rompu de manière unilatérale par l’homme, cela induit que la femme a toujours des sentiments à l’égard de son conjoint. Sentiments qu’elle conservera alors qu’elle tentera de refaire sa vie. Ce n’est pas le cas si la femme a été répudiée pour cause d’infidélité puisqu’elle aura déjà prouvé que ses sentiments n’étaient pas assez forts. Ou bien qu’elle ne craignait pas Dieu et que ce mariage ne s’était pas établi sous l’autorité divine. Le sujet est fort délicat, je le concède. Verset 4.24. Dans le verset précédent, une liste est dressée de toutes les femmes à lesquelles les croyants ne peuvent se marier pour des raisons de proximité familiale. Ce verset le poursuit. Ce sont les femmes extérieures à la famille. Sont interdites les ‘muhsanat’. Ce mot est sur la racine ‘HaSadNun’ qui signifie forteresse. La traduction classique est dame mariée. Les femmes mariées étant des forteresses imprenables pour les croyants, cela pourrait paraitre juste. Mais le verset se poursuit par ‘sauf si elles sont vos esclaves’. Ce qui induit que le croyant aurait le droit de déposséder un homme esclave de sa femme. Outre le coté choquant de cette prescription, cela entre en contradiction avec des versets qui invite le croyant à préférer une compagne esclave croyante plutôt que libre mais polythéiste. D’un coté une violente hiérarchisation des êtres, et de l’autre, l’équité dans la foi. Il est clair que le verset 4.24 est une preuve du mauvais sens donné à cette expression. Pour redonner son sens correct à muhsanat, lisons le verset suivant, 4.25. Il y prend un sens totalement différent puisque le voilà traduit par femmes libres (non-esclaves) et chastes. Il n’est donc plus question de femmes mariées. Il y est accolé le mot mu’minat, qui indique qu’il s’agit de femmes croyantes, mais cela n’influe pas sur le statut d’esclave. Ce mot est opposé à fatayat qui lui aussi est accolé à mu’minat. On apprend que si l’homme n’a pas les moyens d’une muhsanat l mu’minat, il lui est permis une fatayat l mu’minat. Il nous faut alors comprendre sur quel point s’articule l’opposition. Il ne peut s’agir de la foi. Fatayat peut parfois prendre le sens de la jeunesse. Cependant ici, une opposition de maturité ne fonctionne pas. Il ne reste qu’une opposition de statut social puisque subordonnée à un manque de moyens. Il faut prendre fatayat dans son sens de servante désargentée. Il s’agirait en réalité bien d’une esclave. Cela confirme que ‘muhsanat’ indique une forteresse dans le sens où la femme est libre et non esclave. Pour conclure sur le verset précédent, c’est donc bien parmi ces femmes chastes que le croyant va pouvoir faire son choix et prêter serment. La femme convoitée sera alors licite et ce sera la seule et unique. Voilà la prescription d’Allah, poursuit le verset 4.24. Il est à noter que 4.25 comporte la formule famin ma malakat aymanukum min fatayatikumu l mu’minat. Si l’on traduit selon l’habitude, cela donne littéralement vos esclaves parmi vos esclaves. Les traducteurs n’ont d’autre choix que d’écrire une femme parmi vos esclaves en escamotant l’expression que nous analysons. Cette formule trahit le fait que ces deux expressions n’ont pas le même sens. La suite du verset lit: “ Si, une fois engagées dans le mariage, elles commettent l’adultère, elles reçoivent la moitié du châtiment qui revient aux femmes libres (non esclaves) mariées.“ Cela renvoie à ceci 24.33: Et dans votre recherche des profits passagers de la vie présente, ne contraignez pas vos femmes esclaves à la prostitution, si elles veulent rester chastes.“. Le statut d’esclave conditionne une fragilité sexuel. Allah exhorte donc à être plus clément. Ce n’est pas pour rendre licite l’esclavage sexuel d’autre part.
Poursuivons donc avec le verset 24.33. Il est question, soi-disant, de la demande d’affranchissement par les esclaves. En réalité, ce qui est traduit par demande d’affranchissement (kitaba) renvoie à ce même mot en 4.24, qui est le décret d’Allah non pas sur “l’esclave” mais sur le croyant (kitaba Allah aleykoum). Eh oui, c’est l’homme qui donne son serment. C’est lui qui s’engage par décret d’Allah. Il s’agit de la demande de la part de la femme à un homme de lui prêter serment. L’homme accepte s’il reconnait du bien dans cette femme comme il est recommandé au verset précédent ( 32. Mariez les célibataires d’entre vous et les gens de bien parmi vos esclaves, hommes et femmes. S’ils sont besogneux, Allah les rendra riches par Sa grâce. ). Ensuite il est dit: et donnez-leur une part de vos biens qu’Allah vous a accordés. Cette explication parait plus logique.
Le verset 4.36 n’apporte pas d’élément significatif. En effet, la liste donnée n’est pas ordonnée par proximité affective puisque le voisin éloigné est cité avant le compagnon à nos cotés.
Nous arrivons à ce curieux verset 16.71. Il est question des bienfaits d’Allah: rizq. Si nous prenons le verset 67.15 par exemple, il est question de manger de ce rizq. Il s’agit donc bien des bienfaits matériels en ce bas monde. Or, le verset 16.71 invite celui qui a reçu une quantité de bienfaits supérieur aux autres, à le partager à égalité avec la personne qui lui est liée par son serment. Comment cette personne pourrait-elle être l’esclave de l’autre? Cela n’a pas de sens. Il s’agit de son futur conjoint.
Le verset 24.58 nous indique que les “fiancés” ne dorment pas ensembles puisque les trois moments indiqués sont ceux aux extrémités de la nuit et du début de la sieste.
Verset 30.28. Je propose la traduction suivante:
Il vous a cité une parabole de vous-mêmes: Avez-vous associé celle qui est sous votre autorité par votre serment à ce que Nous vous avons attribué comme bienfaits (en ce bas monde) de sorte que vous soyez tous deux égaux en bienfaits et que vous la craignez comme vous vous craignez vous-mêmes? C’est ainsi que Nous exposons Nos versets pour des gens qui raisonnent.
Ainsi l’homme et la femme doivent respecter la parole de l’autre suivant ses compétences et ce qu’il apporte au couple. Par exemple, si l’un des deux possède une grande connaissance et une profonde analyse en matière religieuse, l’autre doit faire confiance et adapter son propre discours public en conséquence. Et vice versa, bien sur. Enfin, dans un autre domaine comme la couture ou le repassage par exemple. Mais je m’égare. Chose que vous me pardonnerez aisément si vous êtes parvenus à ce point de lecture.
En bonus final, le verset 5.89: 89. Allah ne vous sanctionne pas pour les vaines paroles prononcées dans vos serments (comme des engagements que vous ne tiendrez jamais), mais Il vous sanctionne pour le sujet du serment. L’expiation en sera de nourrir dix pauvres, de ce dont vous nourrissez normalement vos familles, ou de les habiller, ou de libérer un esclave. Quiconque n’en trouve pas les moyens devra jeûner trois jours. Voilà l’expiation pour vos serments, lorsque vous avez juré. Et tenez à vos serments. Ainsi Allah vous explique Ses versets, afin que vous soyez reconnaissants!
Note: cet article a été rédigé en réaction à cette vidéo. Elle est une très bonne synthèse de la question de l’esclavage dans le khalifa.