Depuis la révélation du Coran, le prénom Issa (ʿīsā, عيسى) demeure une énigme. La compréhension classique en fait un dérivé du prénom Yeshu’a qui s’écrit en hébreu: ישע. Yeshu’a est la prononciation judéenne du prénom Yessu’a. Yessu’a est le diminutif du prénom théophore Yahoussou’a qui signifie « Yah sauve ». Le nom de Dieu dans la Torah, Yah, est raccourci en un simple Yod. Si l’on traduit littéralement Yeshu’a de l’hébreu à l’arabe, le prénom obtenu devrait être proche de Yiss’a, écrit ainsi: يسع. Le ‘ayn’, qui n’a pas d’équivalent en français et qui ne s’entend plus dans l’hébreu moderne, qui est représenté par un ‘ avant la voyelle associé, est donc en fin de mot. Or, à moins de considérer qu’il s’agit là d’une anagramme, en langue sémitique ces deux prénoms ne sont pas similaires. Pourtant, dans le Coran, il n’y a pas d’ambiguïté, de nombreux indices nous indique bien qu’il s’agit du même personnage. En réalité, le prénom ʿīsā n’est pas une anagramme, mais un pseudonyme, donné dans le Coran pour des raisons théologiques. 3 personnages sont renommés pour les mêmes raisons comme nous allons le voir.
3 communautés
Afin de parvenir à la compréhension, il nous faut aborder la question d’un point de vue typiquement rabbinique et citer ce verset:
Si Dieu l’avait voulu, il aurait fait de vous une seule communauté. Mais il a voulu vous éprouver par le don qu’il vous a fait. (5/48)
Mais si le fait d’être divisés en plusieurs communautés constitue une épreuve, c’est aussi un moyen de fractionner la Vérité car aucune communauté ne peut supporter le poids de la compréhension entière de la Révélation et la responsabilité qui lui est attachée. Et ce, malgré ce qu’en pensent les tenants de chaque groupe. Ainsi, pour comprendre la structure de la communauté des gens du Livre, il convient de puiser dans l’histoire des Patriarches. Trois hommes symbolisent chacun une nation: Ismaël, Ésaü(Edom) et Jacob (Israël), paix sur eux.
Genèse 17:20 A l’égard d‘Ismaël, je t’ai exaucé. Voici, je le bénirai, je le rendrai fécond, et je le multiplierai à l’infini; il engendrera douze princes, et je ferai de lui une grande nation.
.
25.16 Ce sont là les fils d’Ismaël; ce sont là leurs noms, selon leurs parcs et leurs enclos. Ils furent les douze chefs de leurs peuples. (…)
.
25.23 Et l’Éternel lui dit : Deux nations sont dans ton ventre, et deux peuples se sépareront au sortir de tes entrailles; un de ces peuples sera plus fort que l’autre, et le plus grand sera assujetti au plus petit.
24 Les jours où elle devait accoucher s’accomplirent; et voici, il y avait deux jumeaux dans son ventre. 25 Le premier sortit entièrement roux, comme un manteau de poil; et on lui donna le nom d’Ésaü. 26 Ensuite sortit son frère, dont la main tenait le talon d’Ésaü; et on lui donna le nom de Jacob.
- Genèse 36 est entièrement dédié à la descendance d’Ésaü.
Ils sont ici cités dans leur ordre d’apparition sur terre, et cet ordre n’a rien de fortuit. C’est donc bien Ismaël qui est le premier, et Jacob le dernier, malgré ce que nous pourrions en déduire de la suite de l’histoire. Il nous faut alors nous remettre en tête que l’ordre historique a été conditionné par la quantité d’informations à transmettre. Lire l’explication sur la parabole des talents (5-2-1).
https://www.stephanpain.com/2015/03/03/la-parabole-des-talents/
Cette inversion de sens est justifiée par le texte. En effet, alors que les deux frères vivent encore sous le même toit,
Ésaü cède son droit d’ainesse pour un plat de lentille. A ce moment il est renommé en Edom.
G 25.30 Et Ésaü dit à Jacob : Laisse-moi, je te prie, manger de ce roux(adom), de ce roux-là, car je suis fatigué. C’est pour cela qu’on a donné à Ésaü le nom d’Édom.
34 Alors Jacob donna à Ésaü du pain et du potage de lentilles. Il mangea et but, puis se leva et s’en alla. C’est ainsi qu’Ésaü méprisa le droit d’aînesse.
Edom évoque Adam, paix sur lui. Cela signifie qu’à partir du moment où cette inversion s’opère il n’est plus sous l’autorité de l’Alliance mais simplement sous celle des fils d’Adam. Jacob demeure donc seul sous l’Alliance, ainsi que les rabbins l’ont compris. Nous verrons plus bas jusqu’à quand. Plus tard, après qu’il a surmonté une épreuve décisive dont la nature demeure entre lui et le Créateur (la description est imagée), Jacob, paix sur lui, se voit renommé en Israël. Ce changement de prénom signifie certainement qu’il a été purifié de ses péchés antérieurs et qu’il se voit endosser le poids de la prophétie.
Gn 32:28 Il dit encore: ton nom ne sera plus Jacob, mais tu seras appelé Israël; car tu as lutté avec Dieu et avec des hommes, et tu as été vainqueur.
C’est donc bien l’ordre réel des Patriarches et non la chronologie de la Révélation qui lui est postérieure qui détermine la hiérarchie spirituelle. Cette hiérarchie se traduit par l’autorité sur les écritures ainsi qu’entre les écritures elles-mêmes. Le Coran et ceux qui jugent selon sa loi, ont autorité sur tous les autres. Cela ne confère pas l’infaillibilité. Ces trois communautés, si elles sont basées chacune sur une partie du Livre différente, n’en sont pas moins toutes dans l’Alliance que Dieu a passé avec Abraham, paix sur lui. Si la communauté d’Ésaü n’est à ce moment la de la Révélation, pas dans l’Alliance, il n’en demeure pas moins que Job, paix sur lui, un prophète majeur, puisqu’il amène la compréhension essentielle que l’épreuve est une miséricorde dans l’élévation spirituelle au travers de la Révélation (et non une punition), est un descendant direct de Ésaü. Ésaü sert Jacob car il lui cède son droit d’ainesse. Dans ce qu’on appelle la civilisation judéo-chrétienne, c’est clairement la communauté juive qui fournit une grande partie de l’élite dans tous les domaines intellectuelles. Bien souvent, les juifs s’en enorgueillissent, en pensant que Dieu les a favorisé plus que tous les autres. Ils y voient là une preuve de l’élection divine. Ce n’est qu’une place dans la société, rien de plus. Cela ne conditionne en rien le salut, ni la diffusion de la connaissance qui lui est liée. A un haut statut correspond une haute responsabilité.
Toutefois, dans la théologie chrétienne, notamment johannique, aidée en cela par le concept d’un Dieu qui se serait incarné sur terre, les chrétiens ont tendance à considérer Dieu comme un ami. Cette appréhension du divin nuit à la relation transcendante, donc à l’Alliance établie avec Dieu. Mais il ne s’agit pas là d’une généralité, et un grand nombre de chrétiens respectent la relation transcendante, surtout dans les communautés orthodoxes.
Ésaü
Ceci étant dit, penchons-nous cette fois sur le prénom Ésaü. En hébreu, il s’écrit עשו (‘ishou/’issou). Le ‘ayn’ est alors en début de mot, tout comme dans ʿīsā. La traduction en arabe est عيسو. Le prénom est donc basé sur une racine sémitique similaire à ʿīsā عيسى: ‘ayn’ ‘sin’. Nous comprenons alors que ce que fait le Coran, c’est qu’il confirme le rôle fondateur effectif du Messie d’une communauté à part entière parmi les gens du Livre, qui se place hiérarchiquement comme Ésaü. Considérer la mission messianique comme un échec et la “nation” chrétienne comme égarée dès sa naissance est une erreur théologique en désaccord avec la Torah. Ne la considérer égarée qu’à partir de la descente du Coran parce que devenue « obsolète » est également une erreur.
Josué
Il existe un lien homonymique entre deux Yeshu’a: Josué et Jésus, paix sur eux. Le premier Yeshu’a, Josué, paix sur lui, fut le successeur de Moïse, paix sur lui, à la tête de sa communauté. L’Alliance fut renouvelée à Sichem. Israël existait alors pleinement en tant que nation. Il y a à ce moment là une continuité d’autorité dans la prophétie. Si le premier était considéré comme l’émancipateur, le deuxième était le fondateur. Le prénom Yeshu’a dans toutes ses variantes est resté pendant longtemps un prénom très populaire car il signifiait la vaillance au combat et la guidance.
Dans la compréhension chrétienne c’est ainsi le deuxième Yeshu’a qui vient renouveler l’Alliance, dans la lignée de Moïse, paix sur lui. L’Alliance avec tous les gens du Livre, celle d’Abraham, paix sur lui, n’est elle, jamais rompue. Il fonde, ou plutôt ses disciples, une nouvelle communauté. Malgré la rupture, il y a tout de même une sorte de continuité qui est symbolisée par la conservation du nom.
Mais cette continuité est marqué par une querelle insoluble sur la question fondamentale de l’Alliance. Remarquons que dans les évangiles, le Messie est nommé également fils d’Adam, traduit généralement par fils de l’homme et qui nuit à la compréhension de ce qui est exposé ici, ce qui renforce son lien avec Edom. La Révélation traverse plusieurs siècles d’une période de transition.
D’accomplisseur à fondateur
Le changement de prénom effectué par le Coran indique un changement de statut pour le Messie.
De successeur et d’accomplisseur de Moïse, paix sur lui, dans l’Alliance de la Torah (Yeshua dit fils d’Adam), le Messie va devenir le fondateur effectif de la communauté d’Ésaü dans l’Alliance de l’Évangile (‘Isa). Nous en déduisons que la nation d’Edom revient à son nom initial aussi à ce moment là. Elle entre dans sa pleine dimension comme nous l’avions vu au travers de l’étude du Psaume 84.
https://www.stephanpain.com/2022/02/02/84/
De même, il y a un changement de nom pour les gens de la Torah, puisque le Coran les nomme Yahoud, du nom d’un des 12 fils de Jacob, paix sur lui.
https://www.stephanpain.com/2015/08/24/des-bani-israil-aux-yahood/ Ils perdent donc l’Alliance qui lui est spécifique et sont désormais sous celle d’Abraham, paix sur lui. Si Yahoud est en hébreu Yehouda et signifie « celui qui loue Yah », le nom arabe coranique signifierait d’avantage « guidé par Yah », ce qui indique l’autorité de la Torah.
Le basculement du ‘ayn’ depuis la fin jusqu’au début du mot traduit un basculement théologique.
(Il faut bien garder en tête que ce changement de statut n’est compréhensible alors que par Dieu lui-même. Il n’a besoin de personne pour témoigner de lui-même). Rappelons au passage que ayn est un mot à part entière et signifie œil. Nous comprenons que l’oeil est passé de l’arrière à l’avant. Il indique dans quelle direction nous devons regarder. La vision est omniprésente dans les écritures, notamment elle est souvent le support de transmission. Avec la venue du Coran, la communauté chrétienne acquière sa pleine dimension et il ne s’agit donc plus de tourner son regard vers le passé, la Torah, mais vers le futur, le Coran. Attention à veiller à ne pas ôter son caractère éternel à la Torah.
Quant à l’Alliance avec la communauté d’Ismaël, elle est implicite à la révélation du Coran. Elle est marquée par la circoncision propre à cette communauté. Dans la Bible, le prénom Ismaël, paix sur lui, n’apparait que pour décrire le prophète-Patriarche. Ses descendants sont nommés fils de Qedar (traduit Kédar), du nom d’un de ses fils. Nous trouvons des traces du royaume du même nom:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Royaume_de_Q%C3%A9dar
Il n’y a donc pas de processus de changement de nom. Observons qu’au moment où les fils d’Israël deviennent les Yahood, les Qédar deviennent les fils d’Ismaël (c’est là aussi implicite).
Les deux communautés principales, chrétiennes et musulmanes, ont suivi deux voies complémentaires et insolubles. La foi et la Loi. Nous sommes à l’Heure de la convergence des communautés. Il s’agit pour chacune d’arriver au même stade. Les parties malades et irréconciliables n’ont pas d’autre issue que la guerre frontale et sans merci. Ces parties malades sont le sionisme d’une part (nier à l’Homme sa véritable position de calife et croire en la prédestination unique absolue), et l’humanisme (autrement nommé maçonnisme) d’autre part (placer l’Homme au centre de tout, Dieu est relégué au simple rôle de Grand Architecte, croire en un libre-arbitre absolu). Respectivement Gog et Magog. L’attentat du Vendredi 13 a été fomenté par Gog (minoritaire, agressif et désespéré), et la réaction sécuritaire nationale et militaire internationale est typique du comportement de Magog, dominant sur la planète mais tout autant agressif et désespéré.
Dans le Coran, le prénom ‘Issa apparait 25 fois. La 26ème fois, il est cité par le prénom qu’il porte à son retour. Ce prénom révèle sa fonction théologique et le verset concerné décrit son action. Celui qui trouve ce prénom a trouvé le royaume.
Notes:
shin hébreu ש sin arabe س
Le shin hébreu est l’équivalent du sin arabe et non du shin arabe. Le shin arabe n’a pas de réel équivalent en hébreu. Il faut savoir que le shin hébreu peut aussi se prononcer comme un S. La preuve se situe dans l’histoire du schibboleth. Les Éphraïmites, qui sont une des 12 tribus, ne savaient pas prononcer le son ‘sh’. Ceux-ci prononçaient donc le prénom de Yeshu’a (Josué ou Jésus), Yessu’a.
La parasha de la semaine: Le Vendredi 13 correspond à la Parasha où Esau prend pour femme Mahalat, la fille d’Ismaël (Gen 28.9). Le prénom Mahalat semble construit autour de la racine halah qui signifie malade. C’est donc l’alliance entre Esau et Ismaël, par sa partie malade. Ce qui correspond véritablement à la situation des djihadistes qui sont le produit de l’alliance monstrueuse entre le monde occidental et l’Islam. Le rav qui voit dans le nom du groupe du Bataclan une anagramme de Edom, la patrie d’Esau, et y voit là la mort de l’empire occidental, n’a curieusement pas, à ma connaissance, livré la même interprétation avec l’anagramme de Charlie qui est Israël. L’important n’est pas ce qui semble mort ou vivant à nos yeux. Mais ce qui est aux yeux du Créateur.