jeudi 21 novembre 2024

Le Boudisme

Le titre comporte, comme souvent, un jeu de mot. Il ne s’agit pas de Bouddha mais de bouder. Bouder qui? C’est ce que nous allons voir.
Si vous me suivez depuis longtemps, et que vous maitrisez les différentes notions de l’univers spirituel, vous n’apprendrez surement rien de cet article. Il n’est qu’une synthèse où je vais tâcher de gommer mon expérience personnelle pour livrer mes conclusions.
Tout d’abord, il me faut revenir une nouvelle fois sur les principes de transcendance et d’immanence. La transcendance est liée à tout ce qui nous relie avec le Créateur, tandis que l’immanence est liée à tout ce qui nous relie entre créatures et entre les créatures et la création. Ces deux principes ne peuvent se comprendre qu’à partir de la créature, en l’occurrence l’homme, puisqu’il est le seul être doué de cette compréhension, qui se met en situation. Le monde ne peut se voir qu’au travers de nos propres yeux. La transcendance va donc désigner la relation qui s’établit entre cette âme créée et son Créateur et uniquement celle-ci. La transcendance implique nécessairement l’Unicité. La relation transcendante est la base même du tawhid. De même que la créature s’adresse à son seul Dieu, Dieu s’adresse à sa créature personnellement. Pour monter, l’un utilise la prière, tandis que dans l’autre sens, nous pouvons parler d’inspiration. Dans le cas où Dieu désire s’adresser à un groupe de personnes, Il produira un signe. Si le signe peut être observé par toute créature, il y aura une palette d’interprétations. Nous pouvons donc considérer qu’il s’agit ici de s’adresser à chacun de nous personnellement.
Tout croyant sincère cherche à s’élever vers Dieu tout au long de sa vie. Il va donc s’appliquer à trouver et pratiquer les actes d’adoration les plus “efficaces”. Grossièrement, c’est ce que propose les tariqas soufis: l’accès à des connaissances qui vont élever le membre de la confrérie. Il s’agit pour chacun de se conformer aux enseignements d’un maitre, jugé par les autres hommes comme plus proche de Dieu qu’eux. Cette idée de soumission à la voie d’une créature est certainement ce qui dérange les détracteurs du soufisme, comme par exemple les salafistes. Ces derniers vont jusqu’à évoquer le principe d’intercession, voire même d’association, le pire péché en Islam. En effet, l’appartenance à une tariqa implique la soumission au sheikh, et implique également qu’un disciple qui applique la voie de son maitre ne peut par définition le dépasser. Le seul moyen de dépasser un maitre est de “recevoir” ses propres enseignements. Je ne vais pas rentrer dans les détails des enseignements et des modes de réception, ce serait vouloir déterminer la légitimité de ceux-ci. Ce n’est pas mon but ici. Généralement la voie est articulée autour d’un ou plusieurs wird (psalmodie d’une phrase). Un wird est exclusif à une tariqa. Le pratiquant va ainsi répéter la même phrase des milliers de fois par jour. Régulièrement les membres de la tariqa se réunissent pour pratiquer en groupe. Quiconque a assisté à ces réunions pourra attester du bien-être ressenti et de l’apaisement en en ressortant. Malheureusement, moins fréquemment, du mal-être peut être ressenti. Les effets sont donc négatifs. Vous comprendrez par la suite, ce qu’il en est. Quoi qu’il en soit, bénéfiques ou malfaisants, les effets affectent, dans la compréhension de ceux qui suivent la voie dite soufi, le lien qui unit chacun à Dieu.
Or, en réalité, ce n’est pas le cas. Ce qui est en jeu dans la pratique du soufisme n’est pas la transcendance mais l’immanence dans sa majeure partie. Bien sur, évoquer le nom d’Allah, émettre des louanges sont autant d’actes d’adoration qui élèvent vers Dieu. Mais le coeur de la spiritualité du wird n’est pas le sens des mots prononcés. Paradoxalement, les mots ne sont qu’une porteuse sur laquelle va se placer une mélodie. La mélodie peut résulter de la musicalité intrinsèque de la langue arabe, mais peut être aussi une mélodie ajoutée. Dans un ancien article, j’avais mis le focus sur la mélodie chantée par des psalmodieurs du Coran en groupe. La mélodie avait la particularité de tout simplement faire disparaitre toutes les règles du tajwid. Cette pratique est particulièrement vicieuse dans le sens où les individus sont persuadés de réciter le Coran et de ne pratiquer aucune autre forme spirituelle de culte que l’Islam traditionnel. Or, il n’en est rien. Ces gens sont effectivement en train de réciter un mantra. A chaque fois que j’ai pu assister à ce genre de récitation j’ai été malade, tandis que les mantras soufis m’ont toujours apaisé. Le diable est un fin stratège. Évidemment, comme ceux qui le pratiquent n’éprouvent aucune gêne, cela signifie que la pratique par mantra du Coran produit d’autres effets. Quels sont ses effets, je ne saurais dire. Vraisemblablement, comme cela ne peut pas affecter le lien entre la créature et son Créateur, cela va affecter celui entre le pratiquant et son entourage. Ou bien provoquer un dysfonctionnement organique. Le sujet est vaste.
Ce qu’il est primordial de comprendre c’est que la pratique du mantra, issue des enseignements des philosophies spirituelles asiatiques, n’élève personne vers Dieu. Lorsqu’un soufi prétend donc, s’élever spirituellement, ou affirme suivre un sheikh qui était très proche de Dieu, il fait un contresens. En réalité, il ne s’agit pas de s’élever spirituellement mais de s’étendre spirituellement. Le mouvement est ici horizontal. Cette expansion correspond à cette sensation de bien-être qui accompagne la pratique du mantra seul ou en groupe. Bien évidemment, la pratique en groupe est bien plus efficace, puisque le moteur de la spiritualité immanente est l’inter-relation. Le regroupement en confrérie est donc naturel. Si le maitre a une vie saine, il lui sera révélé un mantra sain. Il est difficile de simuler une vie saine. Une voie immanente bénéfique peut être facilement constatée de visu. Au fond, il n’est pas étonnant que les mantras maléfiques se cachent dans des mélodies coraniques puisque celles-ci peuvent être diffusées en dehors des confréries. L’auteur, celui qui aura pactisé avec des entités, n’aura ainsi pas forcément besoin de témoigner de par sa vie.
Il nous est alors facile de percevoir le lien entre la pratique spirituelle immanente et la musique. La musique est une forme plus complexe et plus aboutie de spiritualité. Les mantras sont nombreux et assemblés. Ce n’est plus la répétition qui va agir dans la durée mais la succession des morceaux. On parle alors d’univers musical. Nul ne pourra démentir le vieil adage: ”la musique adoucit les moeurs.” Car les bienfaits de la musique peuvent être ressenti par la majorité des gens. Ses méfaits aussi. Il suffit d’observer les comportements et surtout l’esprit qui anime la foule lors de certains concerts. Aussi, c’est tout à fait logiquement que les musiciens ou danseurs se sentent attiré par l’univers du soufisme. Malheureusement, comme je le déplorais dans un article sur la trance, là où un grand bien est, le mal rôde.
Aussi, il était tout à fait normal de tenir les croyants soumis loin de la musique et de la danse. La compréhension de l’univers spirituel était encore loin d’être arrivé à maturation et il aurait été impossible à des êtres purement guidés dans la transcendance d’avoir une vision éclairée immanente. Certains s’y sont risqué, tels des aventuriers. Des enseignements ont été produits tout au long de ce dernier millénaire. Le bon et le mauvais se côtoie. Le concept fondamental de la relation de maître à élève au sein d’une tariqa demeure une brèche ouverte à l’association. Et vous savez ce qu’il en coûte.
Par la grâce d’Allah, j’ai pu pénétrer au sein d’une tariqa. Comme toujours, tel un alien. Je suis bien conscient que ce que je dis va heurter certaines personnes, notamment celles qui ont placé leur confiance en moi. La vérité est à ce prix. Pas de compromis. Outre les différents récits de vie de sheikhs assez curieux que j’ai pu entendre, nous sommes dans le domaine du “magique”, et il n’y a donc pas lieu d’argumenter, j’ai retenu une chose symptomatique: l’un des fondateurs d’une tariqa ne pratiquait plus la salat. La raison? Sa déraison. Il en aurait été dispensé par le Sheikh lui-même. Jusqu’ici tout va bien. Là où cela pose problème, c’est lorsque l’on me dit que ce disciple a eu ses propres disciples, qu’il a laissé des enseignements. Nous arrivons à un paradoxe: comment un homme dénué de raison et donc dispensé de salat tel que c’est légiféré dans le Coran, peut prodiguer un quelconque enseignement et avoir des disciples? C’est tout simplement impossible. Et hélas, ce genre de boniment réussit à convaincre des gens intelligents. Car si certains se sont éloignés aisément du piège djihadiste taillé sur mesure pour des populations peu instruites et de basse couche sociale, ce sera pour tomber dans une autre forme d’égarement. Le résultat final sera donc le même.
Il y aurait un grand nombre de choses à dire, mais pour ceux qui sont dans une démarche sincère de recherche, il me semble que le sujet a été traité en profondeur par des savants salafistes. Évidemment, et c’est assez curieux de le constater, les salafistes ne sont pas épargnés non plus par la superstition, il suffit de constater les nombreuses dérives de la roqya. Le fait est que la “sunnah” a été détournée de son propos initial et sert à cautionner un grand nombre d’interprétation qui n’ont qu’un lointain rapport avec la connexion transcendante. Le littéralisme ne fait qu’amplifier le phénomène.
Ce n’est donc qu’en accumulant une grande sagesse, que l’on peut sereinement investir l’univers de la musique et de la danse. Tout en gardant bien à l’esprit qu’à ces moments là, nous “boudons” Dieu.
Anecdote Pour illustrer la superstition dans le salafisme, je vais citer un hadith que l’on ma raconté il y a peu de temps. L’homme voulait illustrer la ferveur des premiers musulmans. Ces hommes étaient si pieux, si proches d’Allah, qu’ils récitaient sans cesse des invocations. A ce point que lorsqu’ils devaient se rendre aux toilettes, ils étaient contraints de se munir d’un bâton en bois et de le mettre entre leurs dents afin de s’empêcher de psalmodier. L’homme me dit cela avec une grande admiration et les yeux émerveillés. Bien loin d’être impressionné, je fus au contraire outré, car cela signifiait que leur récitation est devenu totalement automatique et qu’il n’y a donc plus aucune intention transcendante qui l’anime. Il m’apparaissait que ce hadith ne pouvait être qu’une invention comme il en existe tant. (ou quand les hadiths authentiques sont détournés de leur signification première) Il du avouer avec dépit que j’avais raison. Il a promis de réfléchir à la question.