moqr

רָקַעם

Il faut avancer, coûte que coûte. C’est ainsi.

Il y a quelques temps, nous avions évoqué le travail de certains orientalistes à propos de l’Islam et de la mise en perspective de son aspect légaliste dans une compréhension achevée de la Révélation. Ainsi, par extrapolation, certains émettaient des théories complotistes où des rabbins, fomentant une revanche à l’égard du monde chrétien, seraient parvenu à convaincre des bédouins de se soumettre à une version édulcorée de leur Loi. Pour une grande majorité des chrétiens, les musulmans sont considérés comme de nouveaux pharisiens. Ils se plaisent donc à répéter les invectives évangéliques à leur encontre, tout en omettant consciencieusement d’évoquer également les sadducéens, qui, si on le comprend bien, avaient une capacité de s’associer au pouvoir romain pour obtenir la crucifixion que les pharisiens n’avaient pas. Cela se nomme un point aveugle. Ceci étant dit, dans le monde grouillant de l’internet interreligieux, une autre théorie a rencontré un certain succès. Il s’agit d’une théorie liée à la Mecque, Makkah. Plusieurs orientalistes ont mené une enquête. Certains ont prétendu que la Révélation avait eu lieu ailleurs. D’autres qu’elle n’avait eu lieu que par reconstruction postérieure. En tous les cas, l’archéologie ainsi que la documentation disponible semblent s’opposer à la tradition islamique qui nous dépeint une cité prospère, véritable carrefour civilisationnel. Comprenons bien ici que la vision théologique s’attache au rayonnement de la ville en rapport avec celui de l’Islam en tant que civilisation. La dissymétrie parait révéler une profonde dissonance. Tout d’abord, j’étais assez dubitatif quant au biais d’analyse. Vouloir critiquer la légitimité d’une religion en démontrant l’insignifiance civilisationnelle de son point origine ne me semblait pas pertinent. Ces orientalistes analysent selon le point de vue d’un occidental moderne. Leur seul point de référence est Rome pour la diffusion du christianisme. Rome est critiquable à plus d’un titre, mais ce n’est pas une entité homogène. L’idée que Dieu se serve de la grandeur d’un empire établi, souvent brutal dans son expansion,  pour imposer une religion universelle issue d’une communauté martyr est satisfaisant intellectuellement. L’Islam conquérant des premiers siècles, vu de l’extérieur, et considérant son devenir actuel, fait bien pâle figure pour des universitaires désireux d’appréhender le monde. Comme on peut le ressentir en me lisant, je suis assez en accord avec ce point de vue. Mais nous allons voir que la dissonance n’est pas dans le plan de Dieu, mais dans notre façon de l’analyser. Tout d’abord, il apparait clair que les chroniques sur lesquelles se basent les chercheurs ont été rédigés longtemps après les faits et loin des lieux. Le contexte socio-culturel de rédaction, c’est à dire celui entre Damas et Bagdad, était plus proche du notre. Le récit a donc fait correspondre Makkah avec la narration. Il fallait opposer de méchants riches avec de gentils pauvres. La réalité est beaucoup plus nuancée, puisque les musulmans comptaient des riches et des esclaves. En réalité, tout est une question de référentiel. Être un possédant à Makkah au début de la Révélation, ne devait faire de la personne que quelqu’un de riche relativement à la population locale et non dans l’absolu. Les chercheurs contestent la dimension internationale des familles commerçantes. Les bédouins parcouraient de grandes distances pour aller vendre des produits très particuliers. Il s’agissait d’un marché de niche. Le fait que cela n’est pas laissé de trace dans l’histoire signifie simplement que personne n’a trouvé digne d’intérêt de transmettre ces informations dans le temps. Quant à la vie nomade, elle ne laisse que peu de trace. Ceci étant dit, il a été avancé également que la Cité est très mal située. Loin du bord de la mer,  et au milieu d’un désert, ce qui ne favorise pas l’autonomie alimentaire. Les routes commerciales utilisent le transport maritime depuis des siècles dans cette région. La ville ne représentait aucun enjeu économique ou militaire. Tout le monde reconnait que Makkah était un lieu de pèlerinage, mais sans aucun rapport en rayonnement avec l’image moderne. Seules les tribus polythéistes de la péninsule faisaient le voyage. La région était très peu peuplée et ne pouvait pas enrichir démesurément les gardiens du pèlerinage.
Tous ces arguments sont valides. Et si nous regardons l’histoire de l’Islam, nous constatons que Makkah n’est resté que peu de temps le centre de cette civilisation. Il a été à Damas, puis à Bagdad, ensuite en Turquie. De nos jours, le monde islamique est multipolaire et lorsque des occidentaux cherchent des interlocuteurs représentatifs, ils se tournent généralement vers l’université al Azhar en Égypte, ou vers les émirats pour la diplomatie. L’Iran est un acteur majeur de l’échiquier religio-géo-politique. Il y a l’Islam pakistanais qui exerce une grande influence internationale. Sans compter l’Indonésie et j’en passe. Makkah est resté ce qu’elle a toujours été: une île perdue au milieu du désert. Les pèlerins y viennent en avion et évoluent en espace fermé une fois sur place. Ils sont coupés du monde et cela doit certainement participer de l’expérience spirituelle vécue. Mais ce n’est certainement pas uniquement pour favoriser les conditions de mise en situation des pèlerins que la Cité est ainsi coupée du monde. Cet emplacement a une dimension théologique. Pour comprendre tout cela, nous pouvons nous appuyer sur les textes car tout y est. Tous les outils nous sont fournis pour nous élever. Aidés par notre méthodologie, nous en déduirons certaines choses.

Tout d’abord, posons les bases des trois communautés du Livre. Abraham, paix sur lui, est le Patriarche. De lui sont issus: Ismaël, paix sur lui, père des arabes, puis vient Esaü, renommé en Edom, paix sur lui, et enfin Jacob, renommé en Israël, paix sur lui. La branche ismaélite  se sépare très tôt de la branche principale. Elle  s’établit en nation dans le désert de Paran. Ce dernier désigne la chaine de montagne qui court le long de la mer Rouge. Elle englobe donc Makkah. Les biblistes ont évidemment tendance à limiter Paran à une relativement petite zone tout au nord de l’Arabie. Aucun risque d’y voir un prophète apparaitre là-bas.  La Bible prophétise sur Ismaël, paix sur lui, qui fait face à ses frères. Comprenons par-là qu’il ne se mêle pas à eux dans l’histoire. Les deux civilisations se côtoient autour de la Méditerranée. De l’autre nous avons les deux nations jumelles. La grande est Edom, elle sert la petite. Et attention à ce que signifie servir en langage divin. Il y a des contresens qui amènent au feu. Edom n’est pas l’esclave d’Israël dans la dimension profane. Dans les derniers articles, nous avons vu émerger la cité de Pétra. Bien sur, cette ville n’est pas le centre de la chrétienté, et jusqu’au moment où je l’ai affirmé ici, personne n’aurait supposé l’omniprésence de cette ville dans la Révélation. Tout ceci est beaucoup plus subtil.

Voilà maintenant plusieurs années que je m’attaque régulièrement au Deutéronome. Si effectivement, je rejette l’ensemble du livre, j’affirme également qu’il se base sur une part de vérité. Le tri apparait comme une utopie. Aujourd’hui, nous allons nous pencher sur un verset en particulier. A vrai dire, aucune exclusivité ici, car son contenu a déjà été analysé par des théologiens musulmans et ils ont très bien compris ce qu’il disait:

Dt 33.2
Et il dit: « Le Seigneur est venu au Sinaï,
et il a jailli de Séir pour eux,
il a resplendi depuis la montagne de Paran,
et il est venu avec dix milliers de saints; (guidés) de sa (main) droite,  (avec) la Loi-de-feu pour eux. »

A noter que Loi-de-feu, אשדת, ’êšədāṯ, est en seul mot, ce qui est une anomalie à résoudre. Les saints sont les premiers guerriers musulmans guidés par la main divine. La Loi-de-feu est le Coran. Lorsque l’on est de bonne foi, le verset est explicite. Ce que l’on peut en déduire, et c’est là tout l’importance de ce verset, est qu’il a été à l’origine de grandes forfaitures. Si nous raisonnons et assemblons tous les éléments, nous comprenons que l’apparition du Deutéronome, que l’on peut clairement situer temporellement à l’année près, serait étroitement liée à ce verset en particulier. Tout comme la prophétie messianique d’Ahmad, paix sur lui, issu de l’Évangile, qui a poussé certains à investir le personnage comme nous l’avons maintes fois exposé, d’autres ont convoité d’incarner le Guide à la tête des milliers de saints, plusieurs siècles plus tôt. Il semblerait que le roi RJ16 a jugé pertinent d’endosser le rôle. Peut-être a-t-il reçu une illumination dans le désert de Paran. Les démons sont facétieux parfois. Son armée devait compter ce nombre d’hommes. Quant à la Loi, elle fut trouvé opportunément lors de travaux de réfection du Temple. Il pourrait s’agir d’écritures sur divers supports qui ont été mis de coté par les scribes au cours des siècles. Ils hésitaient à les détruire par peur de s’en prendre aux parties authentiques, mais ils ne souhaitaient pas pour autant les diffuser publiquement et les joindre au corpus. Ils ont donc opté pour ce système de stockage en pensant que personne n’aurait la sombre idée de faire une compilation de tout ça. C’est pourtant ce qu’ils auraient fait. Il s’agit bien d’une loi de feu, mais pas exactement le même que celui qui est décrit dans le verset. Il s’agit plutôt d’un feu qui n’a pas cours ici-bas.
Considérons l’époque moderne et la redécouverte relativement récente des manuscrits dits de Qumran. Il est fort possible que les manuscrits retrouvés dans les grottes ne soient pas en lien étroit avec une communauté isolée. Il s’agirait d’avantage d’un dépôt d’écritures apocryphes ou comportant des défauts de copie qui ont été apportés là pour y être stockées de façon permanente. L’idée d’une transmission vers le futur ne fonctionne pas. Qu’il s’agisse des seuls vestiges de la destruction par les romains est vrai, mais ce n’était pas là la volonté initiale de ceux qui l’ont initié. Il s’agissait d’avantage de tenir ces écrits loin de ceux qui pouvaient les détourner. On peut imaginer que l’épisode pré-exilique a servi de leçon. Le Livre est une matière vivante qui conserve sa vitalité parce qu’il est lu est non stocké à l’écart. Les écritures légitimes vivaient donc dans les lieux d’études. Mais l’homme demeure le support le plus fiable. C’est ce que beaucoup d’orientalistes ignorent.  Tout ce qui précède n’est que déduction, mais une chose est sûre, c’est que le phénomène antique que nous décrivons se reproduit sous nos yeux. Des livres apocryphes contenant une partie de faux enseignements viennent sur le devant de la scène et nourrissent les fantasmes des chercheurs modernes chrétiens qui explorent de nouvelles pistes à la limite de l’ésotérisme, voire s’y complaisant pour certains. Je ne vais donc pas citer d’exemple de livres remis au gout du jour, ni de théories, chacun comprendra pourquoi. Le feu du verset Dt 33.2 est toujours d’actualité.
Imaginons le désarroi des comploteurs pré-exiliques lorsque se pensant à la tête d’une armée dans la main de Dieu, le pseudo-guide s’est vu mourir. Exécuté comme un traitre politique par le Pharaon, et pas sur le champ de bataille. Si on a sauvé la face dans les chroniques, il n’empêche que  tout cela a du avoir des répercussions et provoquer des scissions. Mais tout cela n’est rien en comparaison de ce qui est en cours. Nous sommes dans une toute autre dimension par le phénomène de l’enroulement.
L’utilisation du passé dans le verset 33.2 n’est pas un indicateur pour ce genre de prophétie. Du point de vue divin, au moment où Moïse, paix sur lui, reçoit ce verset, la révélation coranique a déjà eu lieu. Ce qui est d’avantage un indicateur sont les « pour eux » (lamo). Si Dieu est venu au Sinaï, ainsi que le rapportent la Bible et le Coran, Il est venu pour Moïse, paix sur lui. A la différence des autres révélations, où il s’est manifesté autrement et pour autre que Moïse, paix sur lui,  et sa communauté, puisque il est question d’un « eux » dans lequel il n’est pas inclus.

Qu 4.164. Et il y a des messagers dont Nous t’avons raconté l’histoire précédemment, et des messagers dont Nous ne t’avons point raconté l’histoire – et Allah a parlé à Moïse de vive voix –

N’en déplaise aux chrétiens qui affirment que Dieu s’est incarné sur terre. Ce verset dit l’inverse. Puisque nous en venons à ces derniers, il n’y a pas eu de révélation à Séir. Et c’est là où cela devient compliqué. En recomposant l’histoire, nous avons vu que nous pouvons remonter le fil de la prophétie en Edom. Ainsi, nous avons Job, Jonas, Hud, Salih, paix sur eux. Cependant, il semblerait que la fondation de la Cité d’Edom se soit faite au moment de l’Exode. Selon l’archéologie, outre des traces de présence humaine dans la région de Pétra depuis des milliers d’années, il est rapporté que la ville naitrait aux alentours du début de l’age du fer vers -1200. Si des traces archéologiques existent, des traces bibliques aussi. Tournons-nous vers le chapitre 20 du livre des Nombres. Il s’agirait du dernier chapitre valide de la Torah. Jusque là, deux montagnes ont été le lieu de la Révélation: Sinaï et Horeb. De par le contenu du Livre, nous en déduisons que ces deux montagnes désignent la même. Dans le chapitre 20, il s’agit d’une troisième montagne: Hor. Dans une lecture rapide, nous pourrions croire qu’il s’agit d’une version raccourcie du nom Horeb.

Nb 20.1 Les enfants d’Israël, toute la communauté, arrivèrent au désert de Cîn, dans le premier mois, et le peuple s’arrêta à Qadêch.

Qadech évoque la sainteté. C’est un premier indice du lieu véritable. Mais, étant donné le contexte d’analyse, il faut rester prudent. Il faut bien comprendre que ce n’est pas le nom officiel du lieu au moment où se déroule le récit, mais d’avantage un nom intemporel qui parfois est attribué plus tard dans le récit comme c’est bien souvent le cas dans la Genèse.

2 Or, la communauté manqua d’eau, et ils s’ameutèrent contre Moïse et Aaron;
7 Et l’Éternel parla ainsi à Moïse:
8 « Prends la verge et assemble la communauté, toi ainsi qu’Aaron ton frère, et dites au rocher (hasela), en leur présence, de donner ses eaux: tu feras couler, pour eux, de l’eau de ce rocher, et tu désaltéreras la communauté et son bétail. »
11 Et Moïse leva la main, et il frappa le rocher de sa verge par deux fois; il en sortit de l’eau en abondance, et la communauté et ses bêtes en burent.
14 Moïse envoya, de Qadêch, des députés au roi d’Edom: « Ainsi parle ton frère Israël: tu connais toutes les tribulations que nous avons éprouvées.
22 Ils partirent de Qadêch, et les enfants d’Israël en masse arrivèrent à Hor-la-Montagne

Rocher est hasel’a, הַסֶּ֛לַע. C’est à dire Sel’a, rocher mais avec un préfixe ha. On pourrait penser à l’article ha utilisé devant les nom hébreux, mais cela peut aussi être ‘has’ הַסֶּ֛ qui est une injonction au silence accolé à la racine principale pour en compléter le sens. Nous avions vu cette forme particulière avec Histofef, qui signifiait circumambuler en silence. Étant donné que ce rocher serait le point central de circumambulation à Pétra, cela prend tout son sens. Cela explique pourquoi ce lieu est appelé par ce nom plutôt que par le nom de la ville.
Ce geste est analogue à celui qui est fait au moment de l’établissement des tribus au sein d’Israël:

Nous les répartîmes en douze tribus, (en douze) communautés. Et Nous révélâmes à Moïse, lorsque son peuple lui demanda de l’eau : “Frappe le rocher avec ton bâton !” Et voilà qu’en jaillirent douze sources. Chaque tribu sut où s’abreuver. Nous les couvrîmes de l’ombre d’un nuage, et fîmes descendre sur eux la manne et les cailles : “Mangez des bonnes choses que Nous vous avons attribuées.” Et ce n’est pas à Nous qu’ils ont fait du tort, mais c’est à eux même qu’ils en faisaient.

Il s’agit ici de déclarer la sainteté du lieu d’origine d’Edom. Mais Moïse, paix sur lui, n’y fait pas établir de tribus. Cette tâche incombe à Job, paix sur lui, bien plus tard. Le roi d’Edom est à Botsra, beaucoup plus au nord. Ce sont des régions peu peuplées et Pétra n’existe pas en tant que cité à ce moment là. Cette eau qui jaillit symbolise la bénédiction divine initiale. Le verset utilise d’ailleurs le verbe jaillir. Ce verbe est sur la racine ZRH. Notons que la racine ZR’ est utilisée pour décrire une filiation comme dans le verset polémique Ps 22.31.

Cela peut paraitre spéculatif, mais nous allons nous diriger vers l’étymologie pour résoudre nos questionnements.
Le point de départ est la fuite de Moïse, paix sur lui, après la dispute. Dans ce genre de situation, pour fuir la mort, on se raccroche au peu qu’il nous reste. Ce qui reste au prophète, c’est le souvenir vivant de ses ancêtres. Il se dirige donc vers le nord en quête du puits des récits des Patriarches et non vers le sud inconnu. C’est ainsi qu’il arrive au puits de Madyan. Cela est attesté à la fois dans la Bible et dans le Coran. Nous avons déjà traité du sujet. Lorsqu’il part en Exode avec son peuple, Moïse, paix sur lui, revient à Madyan. Et c’est à coté de cette cité qu’il reçoit la Révélation. Jusqu’ici, je posais que Madyan est construit à partir de la racine MDD, מָדַד, commune à l’hébreu et à l’arabe, qui signifie s’étendre. Madyan devenait donc le point origine d’où s’étendait Israël. Son point central, à l’intérieur de ses terres et non en dehors. Au centre de l’Israël antique se trouve Sichem, comme le montre les cartes. Dans le cadre de ma recherche pour rédiger cet article, je tombais sur une autre étymologie de Madyan, cette fois basée sur la racine DYN, 1779. Elle a son strict équivalent en arabe: DYN. Dans les deux cas, elle prend plusieurs significations: religion ou jugement parmi d’autres (yawmi din: Jour du jugement). Madyan signifierait alors le lieu du décret/la Loi selon les biblistes. Mais, il ne s’agit pas de faire un choix: Madyan est la ville de la Loi et de l’extension. Le nom est un assemblage des racine MDD qui perd son double D et DYN: MDYN: Madyan.
Fort de cette compréhension, penchons-nous sur le véritable nom de Pétra. Selon les sources, la Cité reprise par les Nabatéens, se nommerait Raqmu ou Reqem. La racine RQM dans la Bible, est lié à la broderie, à la multicouleur. Poétiquement, cela évoque la pierre locale et sa variété de couleurs. Mais Pétra est aussi issue d’un assemblage. Il s’agit des racines RQ’ et ‘M. Cela donne RQ’M, en faisant tomber le double ayn. Ce qui signifie RQ’ רְקָעֵֽ: s’étendre comme dans:

Es 44.24 Ainsi parle l’Éternel, ton libérateur, qui t’a formé dès le sein maternel: « Je suis l’Éternel, L’auteur de toute chose, je déploie (rōqa‘) les cieux à moi seul, j’étends la terre, et personne ne me seconde.

Et ‘M עַם: peuple/tribu/assemblée comme dans:

Gn 11.6 et il dit: « Voici un peuple (‘am) uni, tous ayant une même langue. C’est ainsi qu’ils ont pu commencer leur entreprise et dès lors tout ce qu’ils ont projeté leur réussirait également.

Le nom établi par Dieu par Moïse, paix sur lui, pour la Cité sainte en Edom serait donc:

Raqa’am: רָקַעם

Plus tard, le ayn est tombé à l’oral comme dans de nombreux mots hébraïques, donnant le nom Raqam que nous connaissons. Ceux qui ont fait de cette ville leur capitale ignoraient le sens initial. Il s’agit du titre de cet article, écrit en paléo-hébraïque: mooqr.
Mais le récit ne s’arrête pas là. Ce n’est pas depuis Pétra (du grec Petros: Pierre) que la communauté chrétienne s’est étendue en tant que peuple à part entière, mais depuis un homme:

Mt 16.18 Et moi, je te dis que tu es Pierre et que sur ce rocher je construirai mon Église,
et les portes du séjour des morts ne l’emporteront pas sur elle. 

Église: ἐκκλησία / ekklēsía, « assemblée »  ⇔’am, עַם
Au moment où le christianisme s’empare de la tête de l’empire, en 363 à la mort du dernier empereur païen, Pétra disparait. La transition de la Pierre minérale à la Pierre humaine s’est achevée.
Mais Pierre est son nouveau nom. Juste avant nous avons:

17 Jésus reprit la parole et lui dit: «Tu es heureux, Simon, fils de Jonas, car ce n’est pas une pensée humaine qui t’a révélé cela, mais c’est mon Père céleste.

Le fils de Jonas n’est pas une simple filiation: Pierre est descendant du prophète Jonas. Simon cache un secret. Car Simon en hébreu est Shim’on ou Sim’on. Il y a un ayn caché, depuis longtemps aussi tombé à l’oral. Mais il est toujours là. Simon signifie « celui qui écoute ». Cela s’écrit ainsi: שִׁמְעוֹן. Il se construit autour de la racine SM’, la même que celle d’Ism’aël, paix sur lui. A la différence que Simon n’est pas un nom théophore malgré certaines interprétations. La racine SM’ est accolé au suffixe ‘on’.
https://en.wikipedia.org/wiki/Suffixes_in_Hebrew
Le suffixe וֹן‎  peut signifier deux choses différentes: soit le coté « petit », comme pour סֵפֶר ‎ sefer (livre) → סִפְרוֹן ‎ sifron (livret). Ce sens est certainement le sens initial, c’est le nom d’une des tribus d’Israël. Mais il peut aussi prendre un autre sens: מִלָּה ‎ mila (mot) → מִלּוֹן ‎ milon (dictionnaire (une collection de mots)), celui de collectif. Ainsi  si Simon,  au départ,  est le petit qui écoute, il devient l’assemblée qui écoute. Simon Pierre signifie alors « La Pierre (de fondement) de l’assemblée qui écoute« .  Fascinant, non? Ce n’est pas fini. Simon Pierre n’est toujours pas un nom théophore. Et c’est à ce moment que nous revenons au sujet initial de l’article, à savoir la raison du curieux emplacement de la Cité de Makkah.
Il faut comprendre que l’Église offre un fondement de par sa Pierre qui l’enracine, mais elle a délaissé la Torah au profit d’une loi faite de main d’hommes. L’Église se nourrit de l’Esprit et non de la Loi, et c’est ce qu’évoque Yonah (Jonas), puisque ce prénom signifie ‘Colombe’. C’est bien sous la forme d’une colombe que l’Esprit apparait au moment du baptême au Jourdain.  En début d’article, nous remarquions que l’expression pour désigner le Livre était Loi-de-feu, אשדת, qui est en un seul mot. Ici aussi, Baryonah est en un seul mot grec: Βαριωνᾶ. La complémentarité de la Loi et de l’Esprit s’exprime dans les deux mots fusionnés de part et d’autre.
Si nous séparons Bar et Yonah, nous pouvons prendre bar selon deux sens plus courants en lien avec l’agriculture: graine et champ. Dire que Pierre est « les graines de la Colombe » pourrait signifier qu’il est destiné à répandre ce qui nourrit l’Esprit, autrement dit à être un semeur de la parole divine et du souffle spirituel. Cette interprétation pourrait résonner avec la parabole du semeur, où la graine représente la parole de Dieu qui tombe dans divers types de sols. L
e champ de la Colombe pourrait désigner un lieu où l’Esprit descend et agit. Dans cette optique, Pierre n’est pas seulement le fondement statique de l’Église, mais le terrain vivant où la présence divine s’exprime.

Baryonah translittéré en arabe donne بَرِيءٌ . Baryoun (barīūn) revient plus d’une douzaine de fois dans le Coran. Il prend le sens de se désavouer/se dissocier/être innocent/. Le terme est quasiment toujours associé à des prophètes qui se désavouent de leur négateurs/associateurs. Une variante du mot, barāatun, traduit par désaveu, introduit la sourate At tawba qui est la seule sourate du Coran qui ne comporte pas de Basmallah. بَرِيئُونَ, barīūna, apparait sous cette forme une seule fois, et c’est aussi le verset où le mot apparait deux fois: Qu 10.41:

Sourate 10.41 Et s’ils te traitent de menteur, dis alors : « A moi mon œuvre, et à vous la vôtre. Vous êtes irresponsables بَرِيئُونَ de ce que je fais et je suis irresponsable بَرِيءٌ de ce que vous faites ».

Pierre est aussi celui qui va se désavouer du Messie par trois fois. Il y a une dualité dans ce personnage.
C’est la destruction de Pétra qui va marquer la victoire de Pierre sur l’empire.

  • D’un côté, l’attraction, représentée par Esedat, qui unit la Loi et le Feu de  l’Esprit dans une force créatrice, fondatrice et cohésive.
  • De l’autre, la répulsion, symbolisée par Baryonah/Barīʾūn, qui marque la nécessité de se dissocier de tout ce qui contredit ou affaiblit la vérité ou l’ordre divin.

La communauté d’Ismaël, paix sur lui, contient en elle que la Ummah écoute la Parole divine contenue dans le Coran. Pour s’accomplir, le croyant authentique doit s’enraciner dans la foi et s’élever dans la Parole. Ceci explique pourquoi la Ummah parait déracinée aux yeux du monde. Makkah n’a pas pour vocation à enraciner la Ummah dans le monde. La Makkah des premiers temps est invisible à ses yeux.

Il me semble que pour illustrer le principe de déracinement, rien de mieux que d’illustrer le propos grâce à un récit vécu. Il y a de cela de nombreuses années, j’étais professeur suppléant en construction mécanique. J’avais donc un professeur de tutelle et je l’assistais dans ses cours. Ce jour-là il s’agissait de travaux pratiques en modélisation sur ordinateur. Les élèves devaient étudier les mouvements d’un bras de robot. Il devait exécuter une tache et il fallait rédiger le programme de  commande. Le sujet décomposait point par point le processus et à la fin les élèves lançaient la simulation. Un binôme était désemparé. Ils avaient suivi scrupuleusement toutes les étapes, mais les mouvements du robot étaient désordonnés. Le professeur s’approche et vérifie qu’ils ont bien suivi le déroulé de l’exercice. Il est perplexe. Je m’approche et regarde les mouvements. C’était un problème de référentiel: les élèves avaient travaillé correctement mais ils avaient oublié la base de la simulation de mouvement sur ordinateur: la fixation d’un point de référence. Le programme avait donc pris une référence par défaut: le bout du doigt du robot. Les mouvements étaient donc tout à fait correct du point de vue de ce doigt. De nos jours, si nous voulions reproduire le phénomène, nous placerions une mini-caméra à l’extrémité du doigt. Dans les images, nous verrions le support du bras voler en tout sens.
L’Islam moderne, c’est cela: des enseignements appliqués à la lettre mais qui produisent des effets indésirables parce que déconnectés du fondement de la foi. Il suffit d’écouter les commentaires des observateurs du comportement des jeûneurs durant le mois de Ramadhan. Un exemple parmi tant d’autres. Comme je dis toujours, le concept des hassanats est une plaie mortelle. Il n’y a rien de plus périlleux que de se lancer dans l’explication de cela avec un musulman.

Un Psaume est inclus dans le livre de Samuel. Assurément, il est de la main de David, paix sur lui. Il commence ainsi:

2 Samuel 22.2 Il dit: Seigneur, tu es mon Rocher (sal‘î: סַלְעִי ) et ma Forteresse, un Libérateur pour moi;

C’est un Psaume de délivrance.

3 Mon Dieu tutélaire en qui je m’abrite, mon bouclier et mon puissant sauveur, mon rempart et mon refuge; mon protecteur, qui m’assistes contre la violence!

Cette traduction rabbinique  est incorrecte. Voyons la traduction chrétienne:

3 Dieu est mon Rocher (Tsuwri: צוּרִי), où je trouve un abri, Mon bouclier et la force qui me sauve, Ma haute retraite et mon refuge

Le mot Rocher apparait donc sous deux formes différentes: sel‘a: סַלְעִ et Tsuwr: צוּרִ.
Nous avons vu plus haut que Sel’a est la forme utilisée à Hor, qui serait la montagne de Pétra du chapitre 20 de Nombres. Voyons ce qu’il en est pour le mot rocher lors de la même scène d’Exode  17 au pied du Sinaï (Horeb ici dans le texte):

Ex 17.6 Je vais t’apparaître là-bas sur le rocher (hatsur: הַצּוּר), au mont Horeb; tu frapperas ce rocher (betsur: בַצּוּר) et il en jaillira de l’eau et le peuple boira. » Ainsi fit Moïse, à la vue des anciens d’Israël.

Le mot utilisé pour le mot rocher est Tsuwr au Sinaï, Sel’a à Pétra. Ceci afin de distinguer les deux lieux, les deux actions et les deux montagnes. Les biblistes s’accordent pour affirmer que Tuwr טוּר (2906) est l’araméen pour Tsuwr  צוּר (6697).
L’araméen Tuwr
donnerait, selon moi,  l’arabe Ṭūr  طور utilisé pour le mot Sinaï dans le Coran. Les versets 52.1 et 2 relie ensemble At Ṭūr et le Livre révélé (kitabin mastur).
Voir: https://www.stephanpain.com/2015/03/19/la-phase/

צוּר ⇔ טוּר ⇔  طور

Sur la question de la violence:

3 Mon Dieu tutélaire en qui je m’abrite, mon bouclier et mon puissant sauveur, mon rempart et mon refuge; mon protecteur, qui m’assistes contre la violence!
49
 Qui m’arraches à mes ennemis, me fais triompher de mes agresseurs et échapper aux hommes de violence.

Il est écrit littéralement « de l’homme des violences » חֲמָסִ֖ים est le pluriel de חֲמָסִ֖ ḥămās.  Troublante coïncidence.
Mais si David, paix sur lui, dénonce la violence d’autrui, pourquoi trouve-t-on dans ce texte un verset aussi violent que le 43? Il faut envisager une traduction alternative.

écrase en poussière ⇒ tamise comme la poussière
fange/boue ⇒ argile
je les broie ⇒ affine
erqā‘êm (RQ’): je les étale ⇒ je les éparpille/déploie

43 Je les tamise comme la poussière de la terre;
comme l’argile des espaces sauvages, je les affine,  les déploie.

Ceci afin de mener le combat dans les pas de David, paix sur lui.

Paix sur les âmes de bonne volonté