Lorsque l’on met les choses en perspective, des singularités apparaissent. Si celles-ci sont initialement liées à des questions géo-politique, leur résolution introduit à terme à une dimension spirituelle. Cet article s’inscrit dans la lignée de tous les précédents et a comme point de départ une nouvelle fois, le lieu de prédication de Jonas, paix sur lui.
Il peut être abordé par ce biais: https://www.stephanpain.com/2024/10/31/le-signe-de-jonas/
La connexion entre Jonas, paix sur lui, et Pétra a pu paraitre ténu et s’appuyant sur des éléments extérieurs à son histoire. Si les connexions entre Yoab et Iyyob, paix sur lui, ainsi qu’entre Elihu et Eliyah, paix sur lui, ont été établis fermement, et d’autre part la mention de al-ahqaf comme la pierre circulaire de circumambulation de Pétra pour Hud, paix sur lui, il serait pertinent d’approfondir le personnage intermédiaire entre ces deux périodes.
Enfance
Avant d’étudier le ministère à proprement parler, évoquons en quelques mots l’enfance du prophète, paix sur lui. Il y a plusieurs hypothèses chez les rabbins. Celle qui me parait la plus interressante est celle du fils ressuscité de la sunamite.
2 Rois 4.32 Elisée entra dans la chambre, et il vit l’enfant inanimé, étendu sur son lit.
33 Il alla fermer la porte sur eux deux, puis invoqua le Seigneur.
34 Il monta sur le lit, se coucha sur l’enfant, appliqua sa bouche sur sa bouche, ses yeux sur ses yeux, ses mains sur les siennes, et resta étendu sur lui; la chaleur revint dans les membres de l’enfant.
35 Elisée quitta le lit, parcourut la chambre en long et en large, s’étendit de nouveau sur l’enfant; celui-ci éternua par sept fois et rouvrit les yeux.
36 Le prophète appela Ghéhazi et dit: « Appelle cette Sunamite. » Il l’appela, elle vint à lui, et il dit: « Emporte ton fils! »
Se sachant redevable de sa vie auprès de son Créateur, le prophète, paix sur lui, aurait pu craindre de la voir reprise en cas d’échec de sa prédication et aurait donc fui son destin. Je n’ai pas d’autre élément pour l’instant.
Les 40 ans et la bénédiction
Un verset nous renseigne sur l’importance de Pétra au début du 8ème siècle dans Edom:
II Rois 14.7 Le même Amacia tua à Edom, dans la vallée du Sel, dix mille hommes et conquit Sél’a par la guerre.
Juda conquiert Sel’a (Sel’a סֶּלַע signifie pierre). C’est dans le même chapitre que nous pouvons situer temporellement Jonas, paix sur lui:
II Rois 14.25. Il rétablit la frontière d’Israël depuis les environs de Hamat jusqu’à la mer de la Plaine, accomplissant la parole de l’Éternel, Dieu d’Israël, énoncée par l’organe de son serviteur Jonas, fils d’Amittaï, le prophète originaire de Gath-Hahêfer.
L’action se situe entre -796 et -767. Ce n’est pas tellement Edom que Juda convoite mais plutôt l’ouverture au commerce maritime dans la mer Rouge. Pour sécuriser le port, le contrôle de Pétra est nécessaire. Juda s’empare du port d’Eilat et profite du commerce maritime. C’est ainsi qu’il est fait mention notamment de l’or provenant d’Ophir par la mer. Nous avons vu dans l’article précédent que la mention de l’or d’Ophir apparaissait dans le livre de Job, et trahissait la réelle temporalité de l’histoire. Edom était sous domination de Juda depuis le règne de David, paix sur lui, jusqu’à -840 environ. Pétra est donc resté rattachée à Edom une quarantaine d’années avant de repartir dans le giron de Juda.
L’encyclopédie Universalis nous rapporte que dans le même temps, les tablettes assyriennes mentionnent le tribut payé par Edom (-796). L’auteur en conclut que le port d’Eilat et Pétra ne sont resté que très peu de temps dans les mains de Juda. Une autre interprétation des données historiques pourrait signifier qu’Edom est divisé entre le pouvoir de Botsra soumis à l’Assyrie d’une part et Pétra et Eilat occupées par Juda d’autre part. « À partir de 734, les Édomites s’emparent d’Eilat et de territoires à l’ouest de l’Arava, mais leur roi, Qōsmalak, devient vassal de l’Assyrie. Le commerce vers Gaza et l’Égypte va bénéficier de la pax assyriaca sous les rois Aiarammu, contemporain de Sennachérib, et Qōsgabri, contemporain d’Assarhaddon. » https://www.universalis.fr/encyclopedie/edom/
https://en.wikipedia.org/wiki/Busaira,_Jordan
Du point de vue des gens de Pétra, cette victoire témoigne de leur bénédiction car la domination de Juda n’était pas dans un but religieux mais commercial. Si nous considérons une période de 40 ans avant qu’elle ne s’accomplisse, alors cela nous place la prédication de Jonas, paix sur lui, vers -774. Ce qui est cohérent avec les données bibliques.
Jo 3.6 Le bruit étant parvenu jusqu’au roi de
NinivePétra, il se leva de son trône, jeta bas son manteau, se couvrit d’un cilice et s’assit sur la cendre
Le roi de Pétra qui s’asseoit dans la centre nous rappelle Job, paix sur lui, ancien roi de la même région. Ces deux hommes sont séparés par 150 ans. Le souvenir du prophète est encore bien vivant dans les esprits. Cela peut expliquer la facilité du repentir.
Muni de ces éléments géo-historiques, nous pouvons en déduire que le port de départ de Jonas, paix sur lui, est Eilat. Le prophète s’est donc embarqué sur la mer Rouge, peut-être en direction d’Ophir. A noter qu’Ophir est sur la même racine que « opher » qui signifie « cendre ». Il ne serait pas étonnant que ce prétendu or soit d’une autre nature que métalique. La mer Rouge est la mer la plus chaude du monde et est une destination pour les adeptes de la plongée sous-marine en apnée ou en bouteille. Près d’Eilat, se trouve un ensemble de cave visitables facilement. Les coefficients de marée sont faibles. Mais, la mer reste un endroit dangereux. Dans l’évangile, il est rapporté que la mer de Galilée met en péril les disciples, alors la mer Rouge, sous ses abords attractifs peut s’avèrer redoutable. Si Jonas, paix sur lui, a été surpris par une très forte tempête qui fait craindre pour la vie des hommes à bord, il est certain que les courants sous-marin devaient être très forts. Une fois jeté à la mer, englouti par une vague, le prophète, paix sur lui, a pu être emporté par un fort courant et perdre connaissance.
Il se serait alors retrouvé, non pas à l’intérieur d’un poisson, mais à l’intérieur d’une grotte sous-marine. Si habituellement les eaux de la mer Rouge sont transparentes, après une tempête, les eaux qui bordent les côtes sont chargés de débris et de sable, la rendant opaque. Si la tempête a cessé, le ciel peut rester d’encre. Jonas, paix sur lui, pris au piège dans une poche d’air de la grotte dans le noir, n’a aucun moyen de savoir de savoir dans quelle direction partir. La cavité peut se trouver à quelques centimètres, il serait incapable de la voir. Quand bien même il le trouverait, progresser en apnée dans le noir sans connaissance du lieu, choqué et avec des capacités physiques amoindries le condamnerait à une mort certaine. La plongée spéléo-marine est une discipline très pointue et les accidents, souvent causés par la panique, sont courants et irréversibles.
Au bout de trois jours, assoiffé et considérablement amoindri, notre prophète, paix sur lui, sent qu’il n’y a plus pour beaucoup de temps. Dehors la tempête s’est calmé et l’eau est redevenue beaucoup plus claire. Un rayon de soleil traverse alors la cavité venant d’un étroit passage au dessus de Jonas, paix sur lui. Le rayon de soleil éclaire le mur et fait apparaitre un dessin: celui d’un poisson. Jonas, paix sur lui, fond en larme. Il réalise alors qu’il y a des milliers d’années, alors que la mer était beaucoup plus basse qu’en son temps, et que la grotte était accessible à pied sec, un homme était venu dessiner un poisson. Ce poisson c’est « comme un souvenir » de nos ancêtres. « Comme un souvenir » se dit en hébreu Kazakar (zakar: se souvenir généralement utilisé pour le souvenir de Dieu). Si nous translittérons d’une manière peu académique Kazakar en breton, cela donne Kozker: le lieu du passé. Cosquer est une variante de ce nom breton. C’est le nom donné à la grotte découverte par un plongeur sous-marin du même nom. Cette grotte est exceptionnelle. https://fr.wikipedia.org/wiki/Grotte_Cosquer Située dans les calanques marseillaise, son entrée se situe à 37 mètres en dessous de la surface. Une fois parcouru une centaine de mètres dans un étroit et dangereux passage sous-marin, on peut alors se rendre dans des salles qui étaient accessibles à nos lointains ancêtres. On peut y voir des mains soufflées sur les murs, et également de nombreux animaux. Parmi ceux-là, quelques animaux marins, puisque nous sommes proches de la mer, dont 4 poissons. L’image en couverture est issue d’une autre grotte. Si nous n’avons pas trouvé plus de dessins de poissons dans le monde, c’est tout simplement parce qu’ils ont tous été effacés par la montée des eaux.
Si nous avons établi un pont miraculeux entre le Kozker et l’hébreu, nous allons maintenant nous pencher sur les écritures et comprendre que tout cela prend du sens.
Jo 2.4 Le flot me ballottait au cœur des mers, et les courants m’enveloppaient; toutes tes vagues et toutes tes lames passaient sur moi.
6 Les eaux m’investissaient, menaçant ma vie, j’étais cerné par l’Abîme, les algues étreignaient ma tête.
7 Précipité jusqu’à la racine des montagnes, la terre me fermait ses barrières pour toujours… Tu as sauvé ma vie de la perdition, Eternel, mon Dieu.
Ces versets confirment que Jonas, paix sur lui, est immergé avec sa seule tête hors de l’eau. L’Abîme est le trou en dessous de lui qui mène dans un boyau. Les montagnes sont au-dessus de sa tête mais la terre ne lui offre pas de sortie.
Jo 2.2 Jonas adressa une prière à l’Eternel, son Dieu, depuis le ventre du poisson (מִמְּעֵי, הַדָּגָה)
4578. meeh, le mot traduit par ventre, désigne également dans la Bible, un lieu spirituel et est traduit par âme, coeur, entrailles, sein. En établissant un pont entre ce verset et le récit de l’évangile, nous comprenons que le prophète, paix sur lui, est dans le sein de la terre. Ce sein est surnommé le sein du Poisson, car c’est ainsi qu’il est orné. Le terme coranique baṭnihi est équivalent: il est utilisé pour Mecca (48:24).
Qu 68. 48. Endure avec patience la sentence de ton Seigneur, et ne soit pas comme l’homme au Poisson qui appela (Allah) dans sa grande angoisse.
Ce qui est traduit par homme est en réalité « compagnon ». Il faut lire « comme le compagnon du Poisson ».كَصَاحِبِ الْحُوتِ. L’expression Kasahibi l-ḥūti utilise un préfixe Ka comme dans l’expression Kazakar. En hébreu zakar prend aussi le sens d’homme. Ce double sens souvenir/homme de zakar prend tout son sens dans le Coran! Cela a été ainsi traduit car dans la compréhension usuelle, Jonas, paix sur lui, est à l’intérieur du poisson et ne risque pas d’être son compagnon. Quand on comprend que la grotte s’appelle Poisson car elle contient un poisson alors ce poisson est bien compagnon du prophète, paix sur lui. Ensuite nous avons ce qui est traduit par:
Qu 37.142. Le poisson l’avala alors qu’il était blâmable.
Le verbe est fal-taqamahu. Si vous allez consulter un lexique de l’arabe, il sera certainement affirmé que le verbe taqama prend le sens de avaler. Mais en réalité, il s’agit de raisonnement circulaire, car ce sens a été produit par l’exegèse coranique. Si nous revenons au sens initial du verbe, qui a son strict équivalent en hébreu, taqama est la forme jussive du verbe quwm. Nous passons de « se lever » à « se relever »: le sens est renforcé. Ainsi le verset se traduit correctement par:
37.142. Le poisson le releva alors qu’il était blâmable.
Le poisson a été la cause de son relévement. L’interprétation initiale explique que le poisson l’aurait avalé pour le punir de son comportement. En réalité, c’est le contraire, le poisson est un signe positif, de relévement. Dans cette compréhension, la symbolique du poisson dans le récit de Jonas, paix sur lui, trouve un écho favorable dans les évangiles et non une opposition.
Ce poisson n’est pas un symbole de réssurection ou de malheur, mais d’avantage le Signe de la trace laissée par nos lointains prédécesseurs. Nous nous inscrivons dans leur pas et prolongeons leur action et non dans la volonté d’un perpétuelle renouveau, d’une religion du progressisme qui verrait le futur comme systématiquement plus lumineux que le passé. Bien entendu, il ne faut pas verser dans le passéisme non plus. La foi est avant tout une question d’équilibre.
Grammaticalement, le sujet de וַיָּקֵא (wayyaqê) pourrait être Dieu, puisque c’est Lui qui agit tout au long du récit. La phrase précédente en Jonas 2:11 dit :
וַיֹּאמֶר יְהוָה לַדָּג וַיָּקֵא אֶת-יוֹנָה אֶל-הַיַּבָּשָׁה
Jo 2.11 « Et l’Éternel parla au poisson, et Il expulsa Jonas sur la terre ferme. »
et
Qu 37.145. Nous le jetâmes sur la terre nue, indisposé qu’il était.
C’est bien Dieu qui agit directement pour le sauver.
Après avoir imaginé une petite histoire autour de la création initiale de ce dessin, je me suis ravisé. Je ne sais que trop le poison qu’est l’imagination parfois quand elle vient interférer avec les écritures. C’est donc à chacun d’imaginer cette histoire. Pour que ce poisson soit comme le souvenir de nos ancêtres. Vous pouvez également imaginer comment Jonas, paix sur lui, a été sauvé miraculeusement grâce à la présence du dessin du poisson. Vous pouvez explorer la piste de Moïse, paix sur lui, qui suit un poisson dans un rocher au bord de la mer.
Voilà qui réconcilie la foi et la science ainsi que la préhistoire et les écritures.
Paix sur Jonas, paix sur les Justes
Complément: correction du livre
Un verset diffère entre la version rabbinique et la version chrétienne: le verset 2.1/1.17. De plus, selon ma compréhension, sa traduction pose problème. Il s’agit d’un véritable casse-tête. Selon mon analyse, ce qui a motivé le déplacement par les chrétiens de ce verset comme conclusion du chapitre 1 au lieu de l’introduction du chapitre 2 est la forme grammaticale du verbe way-man: Conj-w | V-Piel-ConsecImperf-3ms. La forme imparfait du consécutif indique une action antérieure, or en début de chapitre, il ne peut y avoir d’action antérieure. Conclusion ce verset est bien situé à la fin du chapitre 1. Ceci est d’ailleurs confirmé par la structure du récit. Comme nous l’avons vu le verset introductif du chapitre 3 répond à celui du chapitre 1: « La parole de l’Eternel ». Une fois le verset 1.17 à sa place, il répond alors au dernier verset du chapitre 2. Le premier décrit un emprisonnement, le deuxième une libération.
C’est alors que quelque chose me saute aux yeux: le livre de Jonas est structuré en 4 chapitres de 10 versets!
Si nous nous débarrassons des versets d’interaction avec les marins, alors le récit reprend sa forme initiale. Il faut donc supprimer les versets 8,9,10,11,12 et 14. Le verset 13 ne décrit pas une interaction mais il est mal positionné.
Initialement le texte parle d’un prophète qui est envoyé à Pétra en Edom. Cela signifie que la prophétie passe dans les mains de la branche d’Esau.
En faisant des marins des gens qui se soumettent au Dieu d’Israël directement, on place les fils d’Israël comme uniques intercesseurs. L’ouverture aux nations est corrompue: elle ne se fait pas selon la volonté de Dieu mais selon la volonté des scribes.
Nous avons alors 10 versets dans le premier chapitre. Ensuite, nous devons remettre les mentions géographiques correctes: Ninive⇒ Pétra; Tarse⇒ Ophir; Jaffa⇒ Eilat.
Une fois tout cela fait, nous pouvons revenir sur ce problématique verset 1.17. Je me permets de le réécrire:
וַיְמַן יְהוָה אֶת-יוֹנָה; וַיְהִי יוֹנָה בִּמְעֵי הַדָּג, שְׁלֹשָׁה יָמִים וּשְׁלֹשָׁה לֵילוֹת
Jo 1.10 Et l’Éternel désigna Jonas. Et Jonas fut dans le ventre du poisson trois jours et trois nuits.
Le verbe manah doit être traduit par désigner car il est la conséquence du tirage au sort.
Pourquoi avoir inventé cette histoire de gros poisson qui avale Jonas alors que les scribes savaient surement la vérité: pour faire de ce récit quelque chose de trop irrationnel pour être accepté par les nations. C’est la seule explication rationnelle. Je n’envisage pas de la bêtise de leur part.
L’orgueil, mes chers amis, l’orgueil.
En annexe: version corrigée du livre de Jonas:
https://www.stephanpain.com/le-livre-de-jonas/