En ce jour, nous partons pour un long voyage. Son point de départ est la sourate At-Tahrim, traduit par l’interdiction. Placée en 66ème position, elle est relativement courte avec ses 12 versets. Mais son poids théologique est inversement proportionnel à sa taille. Vous allez vite le comprendre. L’avantage d’une courte sourate est que l’on peut observer sa structure par une simple lecture. Le chiasme saute aux yeux. Nous allons nous intéresser à son début et à sa fin:
66.1. Ô Prophète! Pourquoi, en recherchant l’agrément de tes femmes, t’interdis-tu ce qu’Allah t’a rendu licite? Et Allah est Pardonneur, Très Miséricordieux.
2. Allah vous a prescrit certes, de vous libérer de vos serments. Allah est votre Maître; et c’est Lui l’Omniscient, le Sage.3. Lorsque le Prophète confia un secret à l’une de ses épouses et qu’elle l’eut divulgué et qu’Allah l’en eut informé, celui-ci en fit connaître une partie et passa sur une partie. Puis, quand il l’en eut informée elle dit: « Qui t’en a donné nouvelle? » Il dit: « C’est l’Omniscient, le Parfaitement Connaisseur qui m’en a avisé ».
***
10. Allah a cité en parabole pour ceux qui ont mécru, la femme de Noé et la femme de Lot. Elles étaient sous l’autorité de deux vertueux de Nos serviteurs. Toutes deux les trahirent et ils ne furent d’aucune aide pour [ces deux femmes] vis-à-vis d’Allah. Et il [leur] fut dit: « Entrez au Feu toutes les deux, avec ceux qui y entrent »,
11. et Allah a cité en parabole pour ceux qui ont cru, la femme de Pharaon, quand elle dit « Seigneur, construis-moi auprès de Toi une maison dans le Paradis, et sauve-moi de Pharaon et de son œuvre; et sauve-moi des gens injustes ».
12. De même, Marie, la fille d’Imran qui avait préservé sa virginité; Nous y insufflâmes alors de Notre Esprit. Elle avait déclaré véridiques les paroles de son Seigneur ainsi que Ses Livres: elle fut parmi les dévoués.
Bien que le verset 4 semble complémentaire au verset 3, j’ai choisi de conserver cette disposition 3+3. Le verset 3 se suffit à lui-même et le verset 4 peut très bien s’appliquer à l’ensemble des 3 premiers versets sans contexte particulier. On peut aussi remarquer que 1 et 2 fonctionnent ensemble, ainsi que 11 avec 12. Ainsi présenté, le thème qui se dégage nettement est le couple prophétique. Première entorse, la femme du Pharaon n’est pas prophète, mais le Pharaon est omniprésent dans le récit biblique. C’est un peu le « méchant » préféré du Créateur. Comme on peut le constater, le conflit est au coeur du récit. Les hommes et les femmes s’opposent. Certains sont ouvertement condamnés, d’autres non. Il semblerait que nous devions finir le travail de compréhension. Les tafsirs sunnites (Ibn Kathir) et chiites (Allamah Tabatabai) se concentrent essentiellement sur la première partie, et bien qu’adoptant des points de vue différents, s’accordent sur les noms des femmes incriminées par la sourate. Bien entendu, le sunnite est moins rude à l’égard de l’une d’elle car elle est un personnage très apprécié par la tradition sunnite, puisque à l’origine d’un grand nombre de hadiths dont certains sont considérés comme très importants. Malgré cela, son rôle dans les conflits violents entre factions musulmanes ne fait pas débat. Elle est également la cause d’attaque incessante par de nombreux détracteurs de l’Islam au sujet de son age de mariage. Si la tradition n’est pas en mesure de déterminer sa position finale après son jugement personnelle, force est de constater que son nom semble attaché à une sorte de malédiction qui semble révéler une issue néfaste. Comprenons bien le poids que représente ce que je suis en train d’écrire en ce moment-même. Avec tout le recul nécessaire et en ne se laissant pas dominer par sa passion, un ensemble d’indice converge dans une même direction. Les conséquences sont énormes, puisqu’il s’agit ici de remettre en question tout un pan de la tradition sunnite. Les réactions sont parfois violentes en pareil cas. C’est ainsi. Si nous commençons à travailler avec le chiasme, nous remarquons que la fin est composée de deux groupes identifiés par l’opposition mécru/cru. Le premier est composé de deux femmes de prophètes qui ont trahi et ont fini en enfer. Le deuxième, de femmes justes qui ont trouvé leur place au Paradis. Si la première partie ne concerne que deux femmes du Prophète, paix sur lui, c’est ce que précise la forme duel du verset 4, alors il semblerait que l’une soit sauvée et l’autre damnée. L’une se serait repentie, et pas l’autre.
Remarquons l’alternance positif/négatif des introductions des versets centraux:
4. Si vous vous repentez à Allah
5. S’Il vous répudie,
6. Ô vous qui avez cru!
7. Ô vous qui avez mécru!
8. Ô vous qui avez cru!
9. Ô Prophète! Mène la lutte contre les mécréants
Tentons à présent de relier les versets un par un. Après observation, il semblerait que nous soyons dans un chiasme en miroir.
1. s’interdire le licite | 12. rester vierge |
2. libération d’un serment | 11. être sauvé de son mari |
3. divulgation d’un secret | 10. trahisons de leurs maris |
La femme de Pharaon souhaite être délivrée du serment de son mariage. Marie, paix sur elle, conserve sa virginité soit parce qu’elle fait le vœu de ne pas se marier, qui lui est licite malgré qu’elle soit consacrée (les prêtres au Temple devaient avoir une famille) soit parce qu’elle se marie mais qu’elle opte pour l’abstinence. Une question se pose alors, et nous y viendrons plus tard. Nous en déduisons que les femmes de Lot et Noé, paix sur eux, ont divulgué un secret que leurs maris leur avaient confié. La Bible ne rapporte rien de négatif à l’égard de la femme de Noé, paix sur lui, au contraire de celle de Lot, paix sur lui, qui meurt dans le péché sans aucun doute possible dans les deux livres. Cependant, le Coran rapporte que c’est le fils qui refuse de monter à bord de l’Arche. La tradition islamique semble préciser que la femme n’est pas monté non plus dans l’Arche. La Bible, en opposition, rapporte que le fils n’a révélé son péché qu’après le retour sur la terre ferme et qu’il s’agit de mœurs. Dans la trahison midrashique, cette femme est nommée et elle est décrite dans de très mauvais termes. Elle est accusée de l’un des pires péchés qui soit, toujours sur la question des mœurs. Il n’est pas possible de vérifier quoi que ce soit par recoupement, mais reconnaissons que ces textes, qui tranchent avec le récit biblique, font écho à ce que rapporte le verset 10. La Bible rapporte une relation incestueuse entre Lot, paix sur lui, et ses filles. Cela ne semble pas compatible avec le Coran. Aussi, étant donné la connexion entre ces deux prophètes par cette sourate, il y a un thème qui se dégage nettement et qui est en lien avec la ville de Sodome, on peut être amené à se demander si le récit biblique de Lot, paix sur lui, ne serait pas une transposition de ce qui aurait pu se passer autour de l’Arche. Plutôt que de se concentrer sur le péché, attardons-nous sur le bienfait.
Miroir
וְנֹחַ, מָצָא חֵן בְּעֵינֵי יְהוָה : Gn 6.8 Mais Noé trouva grâce aux yeux de l’Éternel.
Les biblistes ont fait remarquer le miracle de ce verset. Si Noé, paix sur lui, se regarde « dans les yeux » de Yah, il y trouve « grâce« , comme dans un miroir. En effet, le nom de Noé, paix sur , lui, en hébreu, Noah נֹחַ, est formé des deux lettres Noun et Het. Inversées, ces deux lettres forment le mot ‘Hen, grâce, חֵן. Nous pouvons faire de même avec le nom de Lot, paix sur lui. Cette fois, c’est en arabe que c’est signifiant. Si nous prenons les lettres lam, wa, ṭa, et que nous les inversons, cela donne: طَّوْلِ, l’abondance. Ainsi la grâce et l’abondance sont cachées dans le verset 10. Lot en hébreu signifie « voile ». En effet miroir, nous obtenons le dévoilement. Cet effet miroir dans les deux langues nous renforce dans la volonté d’analyser le miroir de cette sourate où la Bible reflète le Coran. Il nous faut nous mettre au travail car Noé signifie « repos ».
Dans le passage du dialogue entre Noé, paix sur lui, et son fils, voici ce que l’on peut retenir:
Coran 11:46 (Dieu) dit : « Ô Noé! Il n’est pas de ta famille, car il s’est conduit de façon infâme. Ne m’interroge pas sur ces choses dont tu n’as aucune connaissance. Je t’exhorte afin que tu ne sois pas du nombre des ignorants.
47 Seigneur! Je cherche refuge auprès de Toi (contre le péché) de T’interroger sur des choses dont je n’ai aucune connaissance. À moins que Tu ne me pardonnes et me fasses miséricorde, je serai du nombre des perdants.
Il y a bien un secret évoqué dans le récit du déluge, mais le prophète, paix sur lui, est ignorant de son contenu mais pas de son existence ce qui peut constituer une révélation partielle, alors que ses proches, et en particulier son fils, le connaissent. Il y a donc bien un effet miroir entre les versets 3 et 10 par prise en compte d’éléments disponibles ailleurs dans le Livre.
De même, nous avons:
Coran 29: 32 Nous savons parfaitement qui l’habite. Nous le sauverons, lui et sa famille, à l’exception de sa femme, qui sera parmi ceux qui resteront en arrière.
11.81. Alors [les hôtes] dirent : « Ô Lot, nous sommes vraiment les émissaires de ton Seigneur. Ils ne pourront jamais t’atteindre. Pars avec ta famille à un moment de la nuit. Et que nul d’entre vous ne se retourne en arrière. Exception faite de ta femme qui sera atteinte par ce qui frappera les autres. Ce qui les menace s’accomplira à l’aube. L’aube n’est-elle pas proche? «
Ce qui indique que la femme va décider de rester en arrière pour être atteinte avec les autres pour un péché similaire et que Lot, paix sur lui, en est informé au dernier moment, sans plus de précision. Elle disparait donc de sa vie en emportant son secret.
Si aucun tafsir ne nous permet de connaitre les secrets, c’est encore plus compliqué pour le récit biblique. On ne peut que se perdre en spéculations. Il est possible d’avancer des théories, mais cela ne s’avère pas forcément pertinent dans l’absolu. Nous allons plutôt nous intéresser à ce qui a motivé l’écriture de cet article, à savoir le verset 12. Mais peut-être qu’un secret va nous être révélé. Remarquons également qu’un verset central s’adresse à notre époque en particulier:
7. Ô vous qui avez mécru! Ne vous excusez pas aujourd’hui Vous ne serez rétribués que selon ce que vous œuvriez.
Le secret de l’immortalité
En travaillant sur cet article, j’ai été amené à me pencher sur l’épopée de Gilgamesh. Je vais vous exposer ma façon de la comprendre. La bataille entre les dieux symbolise un affrontement entre deux peuples avec leurs croyances pour une même terre, ce qui est une interprétation classique des mythes. Le syncrétisme en est souvent l’issue plutôt qu’une éradication d’une croyance (y compris dans le monothéisme où ce n’est plus forcément le rite qui est affecté mais les croyances). Le combat contre le géant rustre illustre la lutte permanente de l’homme contre ses propres instincts primitifs. Mais aussi le combat pour faire émerger une société plus aboutie du sein de la nature. Cette quête d’immortalité, c’est la volonté de certains grands hommes d’inscrire leur souvenir dans la mémoire de l’humanité. C’est un privilège rare, réservé à une poignée. C’est quelque chose qu’on ne maitrise pas. Seuls les prophètes, ceux sur qui le doigt de Dieu s’est posé afin d’accomplir ses desseins verront leurs histoires toujours étudiées des millénaires plus tard. C’est le cas de Noé, paix sur lui. Gilgamesh, homme générique issu des enseignements des sages ne l’a jamais rencontré. Il contemple son souvenir et sa part d’immortalité. Ce mythe qui appuie sa légitimité sur le déluge et un formidable témoignage de la véracité de la Bible. Le récit du déluge a parcouru le monde et a été déformé localement: constatons qu’ici nous sommes au plus proche de son point origine étant donné la précision de certains détails. Le récit provient du plus profond des ages et, du point de vue de l’époque du récit, ne souffre d’aucune comparaison tant il est impressionnant. En se réappropriant le déluge, les scribes mésopotamiens ont inventés une liste de rois qui inclue ceux qui leur sont connus et remonte jusqu’au temps du déluge. Tout roi qu’il est, il comprend que tout ce qu’il édifiera disparaitra avec le temps. Celui qui prête l’oreille à ce récit est invité à aspirer à l’humilité.
ûtâ napištî signifie: « J’ai trouvé ma vie (sans fin) ».
Solitude
En effet, à la lecture de cette sourate, on ne peut que s’étonner d’une absence remarquable: Marie, paix sur elle, est seule dans son verset. Comme elle est juste, comme la femme du Pharaon, nous en déduisons que nous devons chercher un injuste, ou au minimum un conflit entre un homme et une femme. Le Coran invalide les récits d’enfance du Messie tel qu’ils sont rapportés: Rois mages, crèche, Bethléem, bergers, étoile, etc,
Q 19.16. Mentionne, dans le Livre (le Coran), Marie, quand elle se retira de sa famille en un lieu vers l’Orient. 17. Elle mit entre elle et eux un voile.
20. Elle dit : « Comment aurais-je un fils, quand aucun homme ne m’a touchée, et je ne suis pas prostituée? »
27. Puis elle vint auprès des siens en le portant [le bébé]. Ils dirent : « Ô Marie, tu as fait une chose monstrueuse!
Tous ces sujets ont déjà été traités. Rien de nouveau donc et pas de quoi se chagriner. La Vérité n’a que faire des mensonges païens. Il ne me semble pas que les évangiles fassent beaucoup de concessions de politesse quand il s’agit de dénoncer certaines traditions humaines des pharisiens. Mais peut-être qu’un Messie édulcoré, qui essaie de recomposer une religion de bric et de broc en ménageant les susceptibilités de chacun vous sied d’avantage?
Elle est seule lorsqu’elle part, lorsqu’elle est visitée par un ange, puis accouche. Si elle avait été mariée ou fiancée, il aurait fallu que ses proches connaissent son vœu de demeurer vierge avec un homme à ses cotés. Les chrétiens résolvent la question en suggérant que l’homme était déjà âgé quand il l’a pris sous tutelle et qu’il avait déjà fait sa vie. Mais si elle avait été mariée, la naissance n’aurait pas provoqué cette réaction. Et si elle avait été fiancé, donc qu’elle connaissait déjà l’homme, il lui aurait suffit de se marier dans le secret durant la grossesse. Mais le Coran n’invalide pas la présence d’un homme aux cotés de Marie, paix sur elle, après l’accouchement. Il fallait qu’il soit d’accord pour accepter la situation. Initialement, je n’avais aucun avis sur le personnage cité par les chrétiens au sein de ce qu’ils nomment la Sainte famille. Dans le doute, plutôt que bénir la mémoire (on ne peut demander la bénédiction d’un mort que si il est avéré qu’il est juste, si l’évangile préconise de prier pour ses ennemis c’est parce qu’ils sont vivants et que leurs cœurs peuvent se repentir ce qui n’est pas le cas d’un mort), il vaut mieux s’abstenir que de maudire. Comprenons que maintenant il me faut trancher et que la réponse vient d’elle-même. Mais tout n’est pas si simple. L’homme n’est pas un simple injuste. Le verset précédent parle du Pharaon. Le verset 10 mentionne 2 prophètes importants, liés à deux destructions majeures de la Bible. L’homme que nous recherchons a donc un statut équivalent à celui du Pharaon, roi d’Égypte. Une idée vient en tête: d’Arimathée. Ce dernier appartiendrait à la famille royale d’Adiabène et demande le corps pour le déposer dans la tombe familiale royale. Jusqu’à maintenant, avec ce seul élément, nous pouvions avancer qu’il s’agit d’un simple membre de la famille comme un frère de la reine ou un de ses fils qui n’a pas régné. Mais ce qui me faisait dire qu’il s’agissait du fils ainé était l’importance de ce personnage dans le récit à ce moment crucial et la description du futur roi au sein de la haute société hiérosolymite, notamment sa grande générosité illustrée par des propos qui semblent sortis tout droits des évangiles. Dans l’article précédent: mes os et ma chair, nous comprenions que cette volonté d’effectuer une double inhumation d’un corps était une désobéissance et trahissait la nature profonde de celui qui l’effectuait (car nous aurions pu nous dire que l’homme était un juste au milieu d’une famille injuste). Ainsi, le père adoptif et le membre influent au Sanhédrin serait une seule et même personne. Cette compréhension est facilitée par un même prénom. L’encadrement de la sourate est un indice également: la sourate précédente 65 est le divorce (répudiation) et la suivante, la 67, la royauté. Ce qui est raconté dans les évangiles ne vient pas de nul part cependant. Ils nous racontent que le roi de la région craignait pour son pouvoir et aurait fait mettre à mort des enfants ciblés à la suite de la visite de personnages importants venus d’orient. La famille de Marie, paix sur elle, se serait alors enfuie en Égypte. Ce récit n’est pas cohérent. Le choix de Bethléem comme lieu de naissance est un choix théologique et est toujours sujet à débat de nos jours. Il parait curieux qu’un roi d’Israël croyant dans les écritures, et donc attendant la venue du Messie, se sentent menacés par sa venue, et encore plus alors qu’il est dans sa vieillesse. Reconnaissons que ceux qui lui livrent l’interprétation à priori du lieu de naissance sont plus forts que tous les théologiens depuis 2000 ans. D’ailleurs le choix de Bethléem selon son étymologie « maison du pain » ne prend son sens que lorsque l’on connait l’importance que prend le pain dans les évangiles. L’histoire, quant à elle, nous rapporte des faits similaires en Adiabène. Certains auraient demandé à ce que l’on élimine physiquement une bonne partie des princes héritiers afin d’assurer la stabilité de la couronne. La reine s’y serait opposé. On peut alors imaginer que le prince héritier ainé, que nous soupçonnons comme étant caché derrière ce personnage, se soit enfui vers l’ouest, pour éviter de supporter le poids de ces intrigues de pouvoir, mais sans pour autant renoncer à la noblesse de son statut. Voilà pourquoi le Coran rapporte que Marie, paix sur elle, se serait dirigé vers l’est avant d’avoir sa révélation auprès de l’ange. Si le verset 66.1 indique l’interdiction d’une chose licite, le verset 2, quant à lui, rapporte que le Créateur ordonne de rompre le vœu qui va dans ce sens. Si les deux versets peuvent fonctionner séparément, à l’instar des versets 11 et 12, ils sont cependant liés. La femme de pharaon reste mariée, mais se détourne de son mari. Elle rompt son vœu puisqu’il n’a pas été fait sous l’autorité divine. Marie, paix sur elle, doit également rompre son vœu pour rester sous l’autorité divine. Elle doit donc se marier et puisqu’un fils lui est déjà né, alors elle doit consentir à consommer le mariage avec son mari. C’est ainsi que le Messie a des frères, dont Jacques. La fonction de Messie dans les évangiles selon la compréhension chrétienne est une royauté spirituelle. Il est légitime de se demander pourquoi insister sur la filiation du Messie par son père adoptif. A moins que la royauté temporelle ne soit pas tout à fait abandonnée. Surtout lorsque l’on considère que les listes fournies par les deux synoptiques ne sont pas cohérentes entre elles et comportent des erreurs. Le symbolique a primé sur la volonté de vérité, et cela dessert le propos au final. Ceux qui affirment que les évangiles ne sont pas corrompus face à ces indices évidents, sont tout simplement dans le déni.
Ma’nu et la légende d’Abgar
« Monobaze était déjà vieux et comprenait qu’il n’avait plus guère de temps à vivre ; aussi voulut-il voir son fils avant de mourir. Il le fit donc venir, l’embrassa avec beaucoup d’affection et lui donna le pays dit de Carrhes (au sud d’Édesse, à la frontière turco-syrienne) cette terre est très propre à produire en abondance de l’amome (une plante avec laquelle étaient fabriqués des onguents). C’est là également que se trouvent les restes de l’arche où, dit-on, Noé échappa au déluge, restes qui, jusqu’à nos jours, sont montrés à ceux qui veulent les voir. Uzayr vécut donc dans cette région jusqu’à la mort de son père. » Antiquités judaïques, Livre XX II – 2
Selon les antiquités judaïques, Uzayr apparaitrait comme un personnage important, voire un roi, à Édesse entre +21 et 30. Édesse appartient à l’Osroène, pays voisin de l’Adiabène. Ses souverains les plus connus portent le nom d’Abgar (11 rois). Cependant un autre nom apparait dans la liste: Ma’nu (9 rois). Il est fort possible que la couronne d’Adiabène soit issue d’une branche Ma’nu. En effet, les rois portaient un nom de couronnement composés à partir du nom de l’aîeul. Hellénisé pour se conformer à la culture dominante dans la noblesse, un nom composé à partir de Ma’nu (translittération du nom Ma’nu en grec: Μανού) aurait pu donner Monobaze Μονόβαζος (Ma’Nu Bazos). C’est ainsi possible que le qualificatif « Monogene », μονογενῆ, ( antiquités judaïques livre XX chapitre 2) donné à Uzayr soit une traduction en jeu de mot (pour signifier l’Unique en grec afin de changer sa position d’héritier à la couronne) d’un nom composé à partir du nom Ma’nu. La légende d’Abgar proviendrait donc initialement de la présence d’Uzayr à Edesse alors qu’il vient de passer la semaine Sainte en Judée. La lettre serait en réalité la transcription de la version du récit selon Uzayr afin de se légitimer à la cour d’Édesse. Un portrait aurait été peint et se serait transmis au travers des générations de rois. La légende a ensuite évoluée pour nous parvenir.
Le quatrième évangile donne ce qualificatif en jeu de mot au Messie: μονογενῆ, monogení.
https://www.stephanpain.com/2023/04/06/cinq-gens-du-doigt/
Résumé des indices
Coraniques directs
- Marie est seule quand elle part vers l’est et quand elle accouche
- Ses proches sont horrifiés
textuels indirects (par déduction)
- Elle s’interdit ce qui lui est licite (Q66)
- Dieu lui demande de rompre son vœu (Q66)
- Mercenaires envoyés pour prendre d’assaut le Temple (E)
- La tour du palais proche de Siloé s’effondre durant sa construction (E)
Évangéliques (par translation pour certains)
- Crainte d’un roi pour sa succession
- Commande d’un massacre pour éliminer les prétendants
- Fuite vers l’ouest pour y échapper
- Interprétation d’une prophétie de la venue d’un descendant de David
- Importance de la lignée royale par le père adoptif pour deux auteurs
- le père adoptif et le personnage noble qui demande le corps porte le même prénom
- la mort du père adoptif n’est pas mentionnée
- Une femme riche oint le Messie avec du parfum après la décision du Sanhédrin
Autres écrits rabbiniques
- Omniprésence de la reine d’Adiabène dans le récit. Disciple puis négatrice. Elle fait chercher le corps. (Toledot Yeshu)
- Les Monobaze sont considérés comme les exilarques d’Israël
- La famille est louée pour sa grande générosité
- Plaque en or sur le Temple offert par la reine suggérant qu’elle était accusée d’adultère
Historiques
- Naissance miraculeuse du cadet: monogene (Antiquités judaïques)
- La couronne d’Adiabène située dans l’est est troublée par des questions de succession (massacre éventuel de princes héritiers)
- La famille se convertit au « judaïsme » vers +30
- Le fils ainé ne règne pas en premier, mais seulement à la mort de son cadet
- La famille est omniprésente en Judée et possède des palais dans sa capitale (proche de Siloé) mais aussi à Tarichée (Magdala)
- Elle possède un tombeau familial au nord ouest des remparts qui comporte une pierre roulante et dont la construction vient de débuter
- L’ossuaire de la reine a été identifié par son nom en provenance de ce tombeau
- La couronne envoie des troupes combattre aux cotés des insurgés zélotes en +66.
A présent je vais exposer toute ma théorie, en incorporant tous ces éléments.
Le roi et la reine d’Adiabène naissent respectivement vers -45 et -35. Un premier garçon nait de leur union vers -20. La reine devait avoir une quinzaine d’années. Quelques années plus tard, vers -15, nait Marie, paix sur elle. Le garçon est le fils ainé de la famille royale. Il est appelé à avoir un grand destin. Très jeune, ses parents lui expliquent que la famille est originaire d’un pays lointain, très riche et très convoité. Mais ce pays a perdu sa souveraineté et le roi au pouvoir n’est pas légitime car issu d’une lignée étrangère à ce pays et nommé par les réels souverains, les romains. Eux, ils pensent être de sang royal, issus d’un branche exilée lors de la conquête assyrienne de -722 et caressent le rêve de reprendre le pouvoir un jour. A la cour, il y a beaucoup de dissensions. Certains demandent l’élimination physique d’une grande partie des princes héritiers afin de stabiliser la couronne. Ils s’inspirent en cela de pratique courante de l’époque. La reine s’oppose à cela. Le garçon ne supporte pas cette pression car il est l’ainé et premier héritier. Il se dit qu’un autre de ses frères serait plus à même de concrétiser le rêve de ses parents. Il choisit de s’enfuir loin de là. Ironiquement, ses pas le mènent non loin de la Terre Promise. Marie, paix sur elle, s’enfuie seule vers l’est pour accoucher. C’est alors qu’ils se rencontrent. Elle vient d’accoucher, et lui est perdu sans endroit où aller. Il est un peu surpris de tout ce qu’elle raconte, mais il comprend tout l’intérêt qu’ils ont de rester ensemble. Lorsqu’elle rentre chez elle, les gens sont hostiles. La situation est délicate. Ils conviennent alors d’un pacte. Elle élève son fils avec un homme pour la protéger, tandis que l’homme peut s’installer et vivre de son travail en contrepartie. Il adopte le bébé comme son propre fils. Pendant ce temps là, en Adiabène, nait un autre enfant à la reine. C’est sur lui que vont se concentrer désormais tous les espoirs de la famille royale. Nous l’appellerons Uzayr. Plusieurs années passent. La famille royale finit par retrouver le prince héritier. Il est sommé de revenir à la raison. Pour le convaincre, le récit de l’adoption par le Pharaon de Moise, paix sur lui, est un très bon argument. Tout comme le célèbre prophète, il peut revenir à son peuple à un age avancé. L’homme répudie Marie et disparait de sa vie. Toutefois, il rapporte le récit de la naissance du Messie à sa famille. Ceux-là perçoivent le potentiel de cette histoire. Il faut bien comprendre que pour prendre le pouvoir, il faut de la légitimité et que des soldats sont prêts à se sacrifier pour vous. Il faut donc savoir se vendre. Uzayr a pris la place de son frère aîné. On va donc répandre la légende de sa naissance miraculeuse. Comme il n’est pas le premier né, pour expliquer son statut spécial, on va inventer le concept de « monogene », l’unique. C’est ainsi que sa naissance est rapportée par le célèbre chroniqueur juif du premier siècle quelques décennies plus tard. Le Messie entame son ministère vers la fin des années 20. La famille royale suit son ministère de prêt. A tel point que la reine, incognito, se fait vite remarquer au milieu des disciples. Mais le Messie ne semble pas briguer le pouvoir politique. Qu’importe. Ses paroles sont convaincantes. Il annonce un prophète à venir après lui sans préciser l’échéance de temps. Voilà de quoi étoffer les légendes autour de la famille royale, à laquelle ce prédicateur original est attaché par adoption.
Le Messie est un homme de son temps. Il n’est pas le premier ni le dernier à prophétiser sur le Temple, sur sa chute, sur la corruption des élites et des prêtres. La plupart des pharisiens se désavouent de l’ancien roi. Beaucoup considèrent que le Temple n’est pas légitime. De plus, l’homme n’invite pas à la révolte armée, et ceux qui le suivent sont des gens pauvres et fragiles pour la plupart. Il ne constitue pas une menace pour Rome. Dans ce genre de cas, il suffit d’ignorer le prédicateur. Il y a suffisamment à faire avec tous ces meneurs de révolte, suffisamment de sang à faire couler. Lorsque le prédicateur s’en prend au Temple et à ces prêtres, une grande partie du peuple se détourne de lui. Pas de quoi constituer une menace pour le préfet romain. Seulement voilà, le lendemain, la reine, pensant que l’heure est venue puisque la malédiction sur le Temple a été proférée, et voulant profiter de l’émotion créée, ordonne à ses mercenaires de prendre le Temple d’assaut. Le préfet, mise au courant, va faire périr les insurgés. Il comprend qu’il va falloir mettre fin à tout cela. Il ne faut pas simplement tuer le prédicateur instrumentalisé par la famille royale, mais il faut surtout les humilier. Il fait donc disparaitre le corps. L’évangile Johannique doit être recomposé selon cette donnée. Il s’agit de sortir par le haut de la crise. Dans les synoptiques, le père adoptif disparait du récit pudiquement. Si il réapparait en membre du Sanhédrin, c’est tout simplement parce que les apôtres et les disciples ne connaissent pas cet homme qui se présente devant eux comme leur allié. Lorsqu’il rapporte qu’il a obtenu le corps du Messie, ils ne se posent pas plus de question que cela. C’est un homme important, voilà tout. Mais le coup d’état avec l’aide des zélotes va finir en bain de sang et par la destruction du Temple en +70. C’est surement à partir de ce moment là que les récits étrangers ont été introduits dans les évangiles. Uzayr règne sur l’Adiabène jusqu’en 55, tandis que son frère ainé, l’homme au centre de nos recherches, lui succède, et est donc bien un personnage royal, et meurt en 68. Certaines sources prétendent qu’il était encore vivant lors de la révolte qui a débuté en 66, ce qui est cohérent. Il est attesté par ailleurs que la couronne adiabènienne a fourni des soldats pour lutter contre Rome au cours de l’insurrection.
L’évangile johannique sert de base narrative pour réinventer la doctrine afin qu’elle explique l’échec contre les romains. Il devient plus spirituel, mais il pose aussi la base d’un règne à venir pour un lointain descendant. C’est ce qui va donner naissance à des théories modernes sur le Graal. L’ambition politique se révèle au travers de nombreux courants du christianisme, et surtout le catholicisme, où on peut clairement déceler la présence d’une confrérie agissant dans l’ombre sur des siècles.
Nous pouvons aussi nous dire que le Coran est un miroir et que les interprétations que nous en donnons en disent plus long sur nous-mêmes que sur les protagonistes. C’est ainsi que nous serons jugés comme nous avons jugés. J’imagine bien ne pas faire exception et que toutes les théories émises sont un reflet de mon âme. Cela offre une porte de sortie à ceux qui liront et ne seront pas convaincus. Tout est histoire de cohérence globale. Si les uns et les autres peuvent être meurtris par tel ou tel points de théologie, l’important est la Révélation et ses dogmes fondamentaux. Il faut viser l’absolu quitte à faire des erreurs.
Paix.
Notes
https://www.coran-en-ligne.com/Sourate-066-At-Tahrim-L-interdiction-francais.html
https://mechon-mamre.org/f/ft/ft0106.htm
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