mardi 7 janvier 2025

Un temps pour tout

Nous restons dans la lancée d’une analyse par préfiguration. Cette fois, le sujet est bien plus complexe et le tableau plutôt restreint dans ses correspondances. Il demande donc un travail plus poussé en réflexion, ce qui entre en résonance avec sa conclusion, comme vous le verrez. Nous allons partir d’un article de début d’année. https://www.stephanpain.com/2024/03/12/elbe-ani/
Il servira de base à cet article par la mise en tableau de ses données.
La partie haute provient de: https://www.stephanpain.com/2023/03/31/eli-et-larche/

Lignée davidique
Fin de la période d’abondance
Lapidation de Zacharie fils de Jehojada
Arche transformée en coffre de collecte
Rupture lignée davidique
Arche et sacerdoce

période des rois
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Lignée
coranique
Onction de David
Onction de Saul
Retour de l’Arche avec deux vaches Signe d’investiture
Malédiction par עפלי
Prise de l’Arche & mort de  ‘Eli Mort de ‘Ali
Rupture de lignée Kohen Gadol Récit mariale Mort des deux
fils de ‘Ali
Défaite contre les Philistins Prise de pouvoir
par les Ummeyades
Mon âme exalte le Seigneur
Annonce d’une rupture dans la lignée du grand-prêtre Annonce de la venue du Messie sans père
Visité une nuit (mention de l’Arche) Visitée une nuit par un ange
Parole adressée à Samuel attestée par ‘Eli Nourriture « céleste » attestée par Zacharie
‘Eli s’occupe de lui Zacharie s’occupe d’elle
Dispute scripturaire
1 Sm 2.12-17
Les qalames sont jetés pour la garde de Marie
Dispute entre prêtres
Mon cœur se délecte en l’Éternel
Naissance de Samuel Naissance de Marie
(le garçon n’est pas comme la fille)
présence de ‘Eli le grand prêtre au Temple de Silo. Il la bénit Zacharie, un proche cousin,  grand prêtre au Temple
Vœu d’Anne d’un fils dédié au Temple Vœu d’Anne d’un fils dédié au Temple
Désespérée de ne pas être  mère Désespérée de ne pas être  mère

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La séquence mariale étudiée est celle qui s’étend du languissement d’avoir un enfant de sa mère jusqu’à la naissance de son fils. En correspondance, nous avons le désespoir d’Anne au début du livre de Samuel, paix sur lui, jusqu’à sa maturité et son interaction avec les événements politico-militaire.

1 Le jeune Samuel servait donc le Seigneur sous les yeux de ‘Éli. A cette époque, la parole de l’Éternel était rare, la vision prophétique peu répandue.

Le fait d’avoir réalisé ce tableau a mis en lumière quelques points. Le premier est que la nourriture céleste attribué à Marie dont témoigne Zacharie, paix sur eux, est préfigurée par la Parole reçue par Samuel dont témoigne ‘Éli, paix sur eux. C’est un point important, car cela permet à ce dernier de se ranger sous son autorité malgré la différence d’age et de statut. Ainsi il accepte la prophétie de la perte de l’Arche liée à sa propre perte et celle de sa lignée. A présent, intéressons-nous à un point qui certainement m’avait incité à ne pas étendre la préfiguration d’avantage: les deux invocations. En effet, la première est une courte prière de remerciement de la part d’Anne, et l’autre est le Magnificat. Comme on peut le constater, ils ne sont pas en face. J’ai fini par comprendre qu’il fallait se focaliser sur cette partie du tableau encadrée par les deux moments de grâce. C’est alors qu’un élément qui paraissait anodin jusqu’alors, à savoir la dispute entre les prêtres pour savoir qui aurait la garde de Marie, paix sur elle, et le jet des qalames, prend une toute autre dimension et s’avère être la clef principale du tableau.  Une dispute et un jet de qalames, cela nous évoque une dispute scripturaire.  En face, le seul élément qui entre en résonance est la prophétie sur la lignée de prêtrise d »Eli. Dans le passage de 1Sm 2.12-17, nous est rapporté le mauvais comportement de ses fils en détail.

1Sm 3.11 Alors le Seigneur dit à Samuel: « Je vais accomplir une chose en Israël, à faire tinter les oreilles de quiconque l’entendra.

Les trois versets suivant relient ce qui est annoncé dans ce verset à la famille sacerdotale. Le lecteur comprend que c’est une conséquence de ce qui est décrit au chapitre précédent. Par la suite l’Arche va être perdue (c’est ce qui est annoncé ici). Cette perte va être accompagnée de la mort des deux fils de ‘Eli et de sa propre mort par le choc de l’annonce. Mais ce n’est pas la fin de sa lignée, puisque un petit-fils lui est né, qui va endosser la fonction. Plus tard, un homme dont nous tairons le nom va massacrer tous les prêtres. Il n’en resterait alors qu’un seul qui survit: c’est Abiathar. Ce dernier, selon les textes, aurait prolongé son sacerdoce sous Salomon, paix sur lui. Mais celui-ci l’aurait démis de ses fonctions au profit d’un certain Tsadoq qui appartient à une lignée sacerdotale différente. C’est à cette lignée que vont se rattacher les futurs Sadducéens que l’on retrouve en bonne place dans les évangiles. Comme chacun sait, une partie de la rédaction des écritures est sous la responsabilité des autorités sacerdotales. Ce que nous lisons a donc été écrit par des prêtres tsadoquines.

Qu 3:44 Ce sont là des nouvelles de l’Inconnaissable que Nous te révélons. Car tu n’étais pas là lorsqu’ils jetaient leurs qalames [et tiraient au sort] pour décider qui se chargerait de Marie! Tu n’étais pas là non plus lorsqu’ils se disputaient!”

Visiblement le fait que Samuel, paix sur lui, prophète clef de cette période, soit sous la garde d »Eli, paix sur lui, semble déranger fortement les rédacteurs. Cette garde devient le prétexte d’une malédiction qui va prendre sa pleine dimension lors de l’arrivée sur la scène de Tsadoq. Si j’écris son nom, c’est parce que je pense qu’il s’agit d’un Juste dont la mémoire et la lignée ont été instrumentalisées pour de basses manœuvres de pouvoir. Ces rédacteurs étaient-ils seulement de sa lignée?
Cette méthodologie va être confirmée par un passage des évangiles qui a toujours fait polémique:

Mc 2.24 Les pharisiens lui dirent: Voici, pourquoi font-ils ce qui n’est pas permis pendant le sabbat? 2.25 Jésus leur répondit: N’avez-vous jamais lu ce que fit David, lorsqu’il fut dans la nécessité et qu’il eut faim, lui et ceux qui étaient avec lui; 2.26 comment il entra dans la maison de Dieu, (du temps du) souverain sacrificateur Abiathar, et mangea les pains de proposition, qu’il n’est permis qu’aux sacrificateurs de manger, et en donna même à ceux qui étaient avec lui!

Dans le livre de Samuel, paix sur lui, le récit est rapporté avec le prêtre Ahimélék. Tous les théologiens se sont accordés pour donner la primauté sur les écrits antérieurs et ont opté pour conclure que la mention d’Abiathar était soit une erreur des rédacteurs évangéliques, soit qu’il fallait la comprendre comme  une référence temporelle. Le prêtre, dans le récit original, n’est pas un simple marqueur temporel, mais entre en interaction avec David, paix sur lui. C’est justement cette interaction qui va provoquer le massacre. David, paix sur lui, se repentit de cela. Ce récit a lieu avant l’investiture du roi. Si l’on en croit les textes, il aurait été démis de sa fonction par Salomon, paix sur lui, soit plus de 40 ans après. Nous comprenons donc que ce désaveu est un mensonge. Abiathar était prêtre avant l’investiture de David, et il a surement du aller au bout de sa charge sous son règne. C’est surement son fils, innocent du complot à l’encontre de Salomon, paix sur lui, qui côtoya Tsadoq dans ses fonctions. Si nous mettons tout bout à bout, nous comprenons que nous tenons là la scission originelle entre Samarie et Juda. Les rédacteurs sacerdotaux ont mis l’accent sur une querelle politique, mais en réalité, c’est bel et bien une querelle de pouvoir sacerdotal qui a précipité le schisme. La lignée de ‘Eli, qui s’est prolongé par Abiathar, n’a pas pris fin, puisqu’elle n’a subi qu’une rupture, et s’est prolongé dans la descendance d’Abiathar (descendant de Ithamar) au Temple de Samarie. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter la liste des grands-prêtres Samaritains: la lignée est issue d’Ithamar depuis 1624. https://fr.wikipedia.org/wiki/Samaritains#cite_ref-Tsedaka-High_Priest_78-0  En Juda, on pourrait  dire simplement que la lignée davidique a régné. Mais si l’on se réfère à un ancien article de janvier 2018, le trône des rois, tel qu’il est enseigné dans le Coran, est posé sur un cheval. Les rois sont avant tout itinérants, à l’image des rois de France pendant de nombreux siècles. https://www.stephanpain.com/2018/01/26/hijaboun-habibi/

 

A présent, penchons-nous sur la double malédiction. En effet, les rédacteurs ontétabli que la responsabilité de David, paix sur lui, dans le massacre des prêtres, devait être vengée. C’est ainsi qu’ils expliquent le massacre de la famille royale alors qu’Élisée, paix sur lui, vient de prendre son ministère. Nous sommes alors vers -840. Cela fait maintenant plusieurs années que je tente de comprendre ce qui s’est passé dans cette période précise. Cela correspond exactement au ministère d’Élisée, paix sur lui. De -850 à -800. Sous Élie, paix sur lui, donc avant -850, le pays est donc divisé en deux. Deux rois, deux Temples, deux assemblées de prêtres. Mais, il n’existe qu’une seule Arche. J’ai longtemps cru qu’elle se trouvait au Temple de Samarie auprès de ses prêtres. Je me dois de réviser ma position. Car voici ce que dit le Coran:

 

Qu  2:248 Et leur prophète leur dit: « Le signe de son (roi) investiture sera que le Coffre (tabout) va vous revenir; objet de quiétude inspiré par votre Seigneur, et contenant les reliques de ce que laissèrent la famille de Musa (Moïse) et la famille d’Harun (Aaron). Les Anges le porteront. Voilà bien là un signe pour vous, si vous êtes croyants ! »

La mort de ‘Eli, paix sur lui, associée à la perte de l’Arche, indique que le sacerdoce et l’Arche était intimement liés. Ce verset indique qu’à partir de ce moment là, l’Arche, qui symbolise la présence et l’action du Créateur sur terre, est reliée à la lignée royale. Le Livre va en ce sens, puisqu’après le livre de Samuel, paix sur lui, vient le livre des Rois. Ainsi, malgré la mise en garde faite à Samuel, paix sur lui, à l’annonce de la venue d’un roi à la tête d’Israël, David et Salomon, paix sur eux, eurent un statut de roi-prophètes. Il semblerait que cette bascule du sacerdoce à la royauté a été occultée au profit de la malédiction d’une lignée sacerdotale. Le mobile désigne les coupables.

Le massacre royal montre une nouvelle bascule. L’Arche va de nouveau changer de statut. Elle n’a pas été perdue, du moins, pas de la manière à laquelle on pense. Car nous la retrouvons en bonne place:

2 Roi 12.9 Alors le sacrificateur Jehojada prit un Coffre (aroun), perça un trou dans son couvercle, et le plaça à côté de l’autel, à droite, sur le passage par lequel on entrait à la maison de l’Éternel. Les sacrificateurs qui avaient la garde du seuil y mettaient tout l’argent qu’on apportait dans la maison de l’Éternel.
10 Quand ils voyaient qu’il y avait beaucoup d’argent dans le coffre, le secrétaire du roi montait avec le souverain sacrificateur, et ils serraient et comptaient l’argent qui se trouvait dans la maison de l’Éternel.

Eh oui! L’Arche perdue que l’on cherche depuis des siècles, là voilà!  Le roi, mécontent de l’attitude des prêtres, leur ordonne de participer aux travaux de réfection du Temple. Le grand-prêtre, qui est le seul à savoir à quoi ressemble l’Arche, va, certainement sous l’ordre de Dieu, la sortir de sa cachette, et l’exposer au grand jour. Elle devient un coffre de collecte. Pourquoi cet ordre, comparable à la prophétie annoncée à Samuel, paix sur lui, de perte de l’Arche? Lisons la suite:

11 Ils remettaient l’argent pesé entre les mains de ceux qui étaient chargés de faire exécuter l’ouvrage dans la maison de l’Éternel. Et l’on employait cet argent pour les charpentiers et pour les ouvriers qui travaillaient à la maison de l’Éternel, 12 pour les maçons et les tailleurs de pierres, pour les achats de bois et de pierres de taille nécessaires aux réparations de la maison de l’Éternel, et pour toutes les dépenses concernant les réparations de la maison.13 Mais, avec l’argent qu’on apportait dans la maison de l’Éternel, on ne fit pour la maison de l’Éternel ni bassins d’argent, ni couteaux, ni coupes, ni trompettes, ni aucun ustensile d’or ou d’argent : 14 on le donnait à ceux qui faisaient l’ouvrage, afin qu’ils l’employassent à réparer la maison de l’Éternel. 15 On ne demandait pas de compte aux hommes entre les mains desquels on remettait l’argent pour qu’ils le donnassent à ceux qui faisaient l’ouvrage, car ils agissaient avec probité. 16 L’argent des sacrifices de culpabilité et des sacrifices d’expiation n’était point apporté dans la maison de l’Éternel: il était pour les sacrificateurs.

La présence divine prend une toute autre dimension, bien plus proche du peuple. La Révélation n’est plus restreinte à une caste de héros, dont les récits résument toute l’histoire d’Israël. Cela devient une histoire collective. Jehojada a surement du comprendre cela et l’a enseigné à son fils avant de mourir. Son fils, persuadé qu’il était temps de partager cela avec toute l’assemblée, ne fit qu’attirer la colère contre lui et il finit lapidé. C’est ce qui est rapporté ici:

Luc 11.49 C’est pourquoi la sagesse de Dieu a dit: Je leur enverrai des prophètes et des apôtres; ils tueront les uns et persécuteront les autres, 11.50 afin qu’il soit demandé compte à cette génération du sang de tous les prophètes qui a été répandu depuis la création du monde, 11.51 depuis le sang d’Abel jusqu’au sang de Zacharie, tué entre l’autel et le temple; oui, je vous le dis, il en sera demandé compte à cette génération. 11.52 Malheur à vous, docteurs de la loi! parce que vous avez enlevé la clef de la science; vous n’êtes pas entrés vous-mêmes, et vous avez empêché d’entrer ceux qui le voulaient.

Il s’agit de Zacharie, fils de Jehojada, comme certains le suggéraient. Cela marque la fin de l’époque des prophètes tout-puissants. Comme nous l’avons vu précédemment, dans l’épisode de la Transfiguration, celui qui incarne parfaitement la fin de cette forme de prophétie, c’est Élie, paix sur lui, sachant que Élie et Élisée, paix sur eux, sont indissociables. Élie, paix sur lui,  crée l’école des prophètes, dans laquelle vont œuvrer des figures qui n’ont pas pris le devant de la scène.
Ensuite, un dernier siècle de royauté va perdurer. Et c’est l’exil et la perte de souveraineté. Le sacerdoce et la royauté sont alors au même niveau d’échec. Remarquons que toutes les déviations ultérieurs, conséquentes aux réécritures par les uns et les autres, révèlent que c’est bien le refus d’accepter cet état de fait de perte de pouvoir qui a mené à ces falsifications.

Le meilleur enseignement que nous pouvons tirer de tout cela, est que les épreuves servent aussi à construire le collectif. Le peuple est constamment en tension entre conservatisme et progressisme. La paix est une conséquence de l’équilibre entre ces deux forces antagonistes. Si l’un des camps, pensant agir pour le bien, force pour accéder au pouvoir plutôt que de l’obtenir légitimement, nous en subissons les conséquences. La force peut aussi passer par la ruse, le mensonge, la manipulation, l’entretien de l’ignorance.
Projeté dans la dimension spirituelle, nous revenons naturellement dans la tension entre prédestination et libre-arbitre, qui est un thème récurrent dans ces articles depuis 2012.

Paix sur les âmes de bonne volonté.