jeudi 21 novembre 2024

Dans nos obscurités

En ce 17 novembre, il me semble que la rédaction de cet article peut servir à commémorer la mémoire des Gilets jaunes.

Les ourîm et les toummîm

Entrons directement dans le vif du sujet. Le point d’entrée dans cet article est « les ourîm et les toummîm ». Ces deux éléments sont décrits dans le chapitre 28 de l’Exode. Ils font parti du pectoral porté par le Kohen Gadol qui est décrit des versets 15 à 30. L’élément central est l’ensemble des 12 pierres figurant les 12 tribus d’Israël que le Kohen doit porter sur son coeur.

Ex 28.29 Lorsque Aaron entrera dans le sanctuaire, il portera sur son coeur les noms des fils d’Israël, gravés sur le pectoral du jugement, pour en conserver à toujours le souvenir devant l’Éternel.

C’est dire l’importance rituelle de cet objet. La description s’achève donc sur ceci:

Ex 28.30 Tu ajouteras au pectoral du jugement les ourîm et les toummîm,
(נָתַתָּ אֶל-חֹשֶׁן הַמִּשְׁפָּט אֶת-הָאוּרִים וְאֶת-הַתֻּמִּים)
pour qu’ils soient sur la poitrine d’Aaron lorsqu’il se présentera devant l’Éternel. Aaron portera ainsi le destin des enfants d’Israël sur sa poitrine, devant le Seigneur, constamment.

La présentation mentionnée dans ce verset semble être celle qui se produit une fois par an pour le jour du Kippour. Les deux éléments sont étroitement liés aux 12 tribus, et prennent leur signification pour cet instant de jugement. En Islam, selon l’avis majoritaire, ce jour serait la nuit du Destin. Contrairement à la Torah, ce jour est mobile. Le rôle du grand-prêtre est tenu par l’imam de chaque communauté locale qui vient présenter les invocations de celle-ci devant le Créateur au coeur de la nuit. Si le jugement de l’année écoulée tombe, les décrets pour la suivante sont émis. Généralement les croyants ont l’opportunité de connaitre l’issue du jugement dans les jours qui suivent l’Aïd. A ces invocations viennent s’ajouter les prières individuelles de chacun, qui pour la majorité ne sont pas prononcées à haute voix. Il n’est pas coutumier que les croyants utilisent des objets pour favoriser leurs invocations ou pour les conditionner.

Ceci étant dit, penchons-nous sur le sens de ces deux mots. Commençons par le deuxième car son sens est plus clair. En effet, Toummim est le pluriel de Toum qui évoque la pureté, l’intégrité et l’innocence. Un mot extrêmement positif. Replacé dans le contexte, il s’agit de juger les 12 tribus. Nous repensons alors à l’Alliance passée sur les deux monts. Sur le mont Garizim sont prononcées les bénédictions et sur le mont Ebal, sont prononcées les malédictions. Le verset provient du 5ème livre de la Torah, mais fait parti de la tradition prophétique authentique qui a servi de caution à ce qui a été introduit et est confirmé par le verset Js 8.33.

De 11. 29 – Et lorsque l’Éternel, ton Dieu, t’aura fait entrer dans le pays dont tu vas prendre possession, tu prononceras la bénédiction sur la montagne de Garizim, et la malédiction sur la montagne d’Ebal.

Lorsque le jugement tombe, nous avons donc une opposition entre le positif et le négatif. Si Toummim représente le positif, alors Ourim doit être pris dans un sens négatif. Ourim est un pluriel. Il peut prendre le sens de lumières ou bien flammes. Que ce soit dans la Bible ou le Coran, la Lumière divine est toujours évoquée au singulier. Si bien que nous serions plus enclin d’interpréter ce mot comme décrivant des flammes. Les flammes de l’enfer ou de la Purification. Les premières sont la conséquence du jugement final, tandis que les flammes de la Purification sont la conséquence d’un jugement intermédiaire. Les Ourim et Toummim décrieraient donc la séparation parmi  les 12  tribus, entre ceux qui sont purs et ceux destinés aux flammes.

Urim (les flammes / la purification) ↔ Ébal (les malédictions, la punition).

Thummim (l’innocence / la félicité) ↔ Garizim (les bénédictions, la fidélité).

Ce rite de présentation du Kohen s’est poursuivi pendant des siècles. Selon l’archéologie récente, les sacrifices d’animaux destinés à réparer les péchés des croyants avaient lieu sur le mont Ebal. Cela signifie que la structure du Miskan aurait été scindée en deux entités à partir de l’instant de l’Alliance. Jusqu’au jour où les Judéens ont été déportés à Babylone. Comme nous l’avons vu précédemment, c’est à ce moment là que l’Ordre des oiseaux de proie a rencontré celui du feu. L’Ordre du feu est composé essentiellement des prêtres zoroastriens à ce moment là. Le feu est sacré pour eux. Les mages se servent de ce feu pour faire de la divination. Or, la divination est proscrite aux enfants d’Israël. Les sorciers du feu vont s’emparer de la Révélation afin de la détourner à leur profit selon un processus attendu en pareil contexte. Ils vont donc se montrer très intéressés par ces deux éléments portés sur le coeur du grand-prêtre. C’est ainsi qu’ils vont transformer le sens initial du mot Ourim. Celui-ci va décrire les flammes de leur feu sacré dans lequel ils lisent le destin. Qu’importe la nature de l’objet initial, il devient alors un objet utilisé pour la divination. Cette divination est cependant réservée à une seule personne. Mais comme cette personne est celle qui représente tout Israël devant le Créateur, l’amener à désobéir de la sorte en pratiquant l’un des pires péchés qui soit, fait chuter le peuple dans son entier. Si le livre du Deutéronome a été compilé à l’aide d’éléments de la tradition orale et d’éléments issus de la superstition païenne par le roi qui régnait quelques années avant l’exil à Babylone, il nous faut à présent nous pencher également sur le livre précédent, à savoir le livre des Nombres.

Il est illusoire de s’imaginer parvenir à déterminer avec précision les moments d’introduction des différents passages. En raisonnant sous forme de bloc, nous pouvons supposer que nous pouvons conserver en l’état les chapitres 1 à 19 du livre des Nombres et délaisser toute la fin du livre.

Cependant, pour entrer plus dans le détail, voici ce que nous pourrions garder:

  • dénombrement des tribus (titre du livre en français)
  • préparatifs d’installation en Canaan (et non d’entrée puisque le Sinaï en est le coeur)
  • consécration des lévites pour la prêtrise
  • lois de la mise à l’épreuve de l’épouse accusée d’infidélité (sotah)
  • naziréat
  • consécration du tabernacle
  • seconde Pâque
  • plaintes du peuple
  • port des tzitzit
  • envoi des 12 espions (Josué, psl, s’affirme comme guide fidèle)
  • condamnation à errer sur la terre
  • révolte de Koré
  • génisse rousse (‘Houkat HaTorah)
  • répartition des tribus
  • villes pour les Lévites
  • meurtriers et villes de refuge

Éléments principaux à rejeter:

  • épisode de l’eau et refus d’entrée en Terre Promise fait au prophète
  • rébellion de la sœur de Moïse, psl (cette rébellion s’est déroulé lors de l’épisode du veau d’or)
  • serpent d’airain (introduction du culte d’Asclépios, repris par l’auteur du 4ème évangile)
  • Balaam (ceux qui citent cet épisode, notamment dans l’Apocalypse, trahissent leur inspiration diabolique)
  • récits de combat contre d’autres peuples/massacre de Madian

Afin de résoudre une question en particulier, servons-nous des Ourim et Toummim, qui remplissent alors d’une certaine manière leur fonction de rendre le jugement, c’est à dire de trancher. Car nous les retrouvons en bonne place dans la fin de Nombres.

Nb27.21 Il devra se présenter devant le pontife Eléazar, qui interrogera pour lui l’oracle des Ourîm devant le Seigneur: c’est à sa voix qu’ils partiront, à sa voix qu’ils rentreront, lui-même aussi bien que tous les enfants d’Israël et toute la communauté. »

Remarquons que le mot Toummim a tout simplement disparu. Pour les mages ce mot n’a aucun intérêt. Seules les flammes comptent. Il est clair qu’à partir du moment où le texte de la Révélation a incorporé ce passage, le Temple et le grand-prêtre ne semblent plus remplir leur fonction. L’un et l’autre sont donc condamnés. Constatons avec effroi que la divination par les Ourim, qu’Allah nous en préserve, ne souffre d’aucune critique à notre époque malgré toutes les avancées en matière de compréhension de la religion. Si la fonction de Kohen Gadol devait être réinstaurée dans un futur, la pratique de ce rite serait d’actualité. Nous comprenons qu’il ne peut en être ainsi. Il ne peut donc y avoir de Kohen Gadol en l’état actuel des choses. Il est impossible de faire des compromis sur ce genre de sujet.

Revenons-en au texte des Nombres. L’introduction de ce rite interdit par des mages dans le texte de la Révélation nous informe que le reste du passage qui lui est lié est également étranger au texte divin. Voici le passage:

27.13 Quand tu l’auras contemplé, tu iras rejoindre tes pères, toi aussi, comme l’a fait Aaron ton frère;  parce que vous avez contrevenu à ma parole dans le désert de Cîn, lors de la querelle soulevée par la communauté, au lieu de faire éclater devant eux ma sainteté par les eaux. » Ce sont les eaux de Meribath-Kadêch, au désert de Cîn.
15 Alors Moïse parla à l’Éternel en ces termes: 16 « Que l’Éternel, le Dieu des esprits de toute chair, institue un chef sur cette communauté, 17 qui marche sans cesse à leur tête et qui dirige tous leurs mouvements, afin que la communauté de l’Éternel ne soit pas comme un troupeau sans pasteur. »
18 Et l’Éternel dit à Moïse: « Fais approcher de toi Josué, fils de Noun, homme animé de mon esprit, et impose ta main sur lui. 19 Tu le mettras en présence d‘Eléazar le pontife et de toute la communauté, et lui donneras ses instructions devant eux. 20 Tu lui communiqueras une partie de ta majesté, afin que toute l’assemblée des enfants d’Israël lui obéisse.

L’inauthenticité de ce passage vient confirmer que la mort de Moïse, paix sur lui, avant d’entrer en Terre Promise, est un mensonge. La raison invoquée par le texte ne semble pas tenir dans l’absolu. Le mobile de ce mensonge semble être la volonté d’imposer un narratif d’un peuple guerrier qui s’impose à tous ses adversaires. Mais surtout de sortir le Sinaï de Terre Promise, ainsi que son lien géographique étroit avec la Cité sainte, afin de faire de la ville concurrente et trois fois maudite, sa capitale. De nos jours, la même dynamique de légitimation de l’occupation de la Terre et de sa capitale supposée, par un passé réinventé se base d’avantage sur une réinterprétation des textes et un révisionnisme historique. Ironie quand tu nous tiens. Le Coran, s’il omet à dessein, afin de confondre les coupables des différents partis, de préciser que le prophète accompagne son peuple, mentionne de nombreuses fois une entrée en Canaan et notamment dans l’enceinte de la Cité Sainte, qui s’avère être humble (entrée en se prosternant). Ceci vient confirmer les hypothèses soutenues dans divers articles durant ces dernières années.

Qu 2.58 Et [rappelez-vous] lorsque Nous dîmes: «Entrez dans cette ville, et mangez-y à l’envie où il vous plaira; mais entrez par la porte en vous prosternant et demandez la «rémission» (de vos péchés); Nous vous pardonnerons vos fautes si vous faites cela et donnerons davantage de récompense pour les bienfaisants.

4.154  Nous avons élevé au-dessus d’eux le Mont, pour prix de leur engagement, Nous leur avons dit: « Entrez par la porte en vous humiliant », et Nous leur avons dit: « Ne transgressez pas le Sabbat ». Nous avons contracté avec eux un pacte solennel.

Néanmoins, l’influence néfaste de l’Ordre du feu ne s’arrête pas là. Elle se poursuit également dans la tradition chrétienne bien entendue (rois mages par exemple), mais surtout dans la tradition islamique. C’est d’ailleurs le sujet de la sourate al Masad, qui nous parle d’un dénommé Abu Lahab (lahab signifie flamme et est invariable, il peut donc décrire un pluriel). Ceci est un surnom coranique qui parodie le nom utilisé dans les collections de hadiths pour désigner un rapporteur qui occupe une place démesurément grande. Nous comprenons que ce nom est une sorte de fourre-tout destiné à accorder une légitimité à des hadiths introduits dans la tradition prophétique originale. Ne tombons pas dans les travers du coranisme  qui consiste à balayer sans discernement toute la tradition pour ne pas avoir à trier. La majeure partie de ces hadiths ont été introduits par des adeptes de l’Ordre du feu, des prêtres zoroastriens prétendument convertis à l’Islam, durant le premier siècle abbasside.

Plus proche de nous temporellement et géographiquement, nous ne pouvons pas ignorer la proximité entre le mot Ourim et le nom du mouvement philosophique qui a donné naissance au monde moderne qui semble l’accomplissement de la contre-révélation. Remarquons au passage que ce mouvement est nommé localement avec un terme au singulier en anglais, allemand, italien, espagnol et turc. Le moyen-age, la ʳenaissance, la révolution industrielle, le romantisme, le modernisme, décrivant également des courants protéiformes utilisent le singulier pour décrire une dimension universaliste. Seul le mouvement qui nous préoccupe emploie le pluriel. Interrogé sur le sujet, le chat d’IA me répond qu’il s’agit là d’une spécificité du français. Je lui fais alors remarquer qu’il aurait été tout aussi logique de nommer le mouvement précédent par les renaissances, puisqu’il décrivait un retour à l’antiquité également dans plusieurs domaines. Récemment, je visionnais des vidéos de présentation d’un frère trois-points. Il soutenait que malgré les accusations, le groupe auquel il appartient n’est pas une religion. Dans le même temps, il nous explique que les activités communes sont essentiellement des rites et qu’elles se déroulent dans un temple. Bien entendu, tous les objets présents dans le temple, dont les frères sont très friands, n’auraient selon eux qu’une fonction symbolique. De nombreux éléments sont empruntés à la tradition biblique, comme les deux colonnes (ce sont leurs ancêtres spirituels qui ont introduit ces éléments) ou la pierre brute (de l’autel initialement). Il est envisageable que l’existence de certains éléments soient cachée aux profanes. Ou bien qu’ils soient présents mais que leur usage rituel est limité à un groupe restreint. Nous pourrions imaginer un objet utilisé dans un culte annonçant le futur. Ses adeptes auraient alors « l’intuition » de la direction à suivre pour le futur, au mieux, la révélation par des entités, au pire. Rappelons-nous au passage le gout prononcé du monarque élyséen des années 80 pour les prédictions. Depuis, l’intelligence artificielle a pu remplacer avantageusement ces pratiques. Ce n’en est pas moins de la divination.

Paix sur les âmes de bonne volonté

 

Notes

Prophétie des deux Ordres (réactualisé pour l’occasion):
https://www.stephanpain.com/2020/02/02/du-nil-a-leuphrate/

La conquête de Canaan: une nouvelle perspective
https://www.stephanpain.com/2018/01/07/go-down-moses/ f
Le livre de Josué, paix sur lui, revu
https://www.stephanpain.com/2024/04/17/tawaf/

La Cité sainte et la cité maudite
https://www.stephanpain.com/2015/12/06/salem-et-gomorrhe/

Invention du Deutéronome: la deuxième Loi: abrogation de la souveraineté
https://www.stephanpain.com/2023/04/14/pessah/
Exil à Babylone: rencontre des deux Ordres
https://www.stephanpain.com/2023/04/06/cinq-gens-du-doigt/

Menace du feu
https://www.stephanpain.com/2020/02/04/khorassan/
Rapporteur de faux hadiths
https://www.stephanpain.com/2017/11/28/abu-lahab/

La carte de l’enfer:
accomplissement des hadiths du feu
https://www.stephanpain.com/2013/07/17/le-hadith-de-moulinsart/

L’archéologie atteste de l’existence d’un personnage mythique appartenant à la tradition religieuse polythéiste cananéenne du début du premier millénaire avant notre ère. Ce n’est pas pour autant qu’il soit légitime de le retrouver mentionné dans la Torah. Son nom a été emprunté afin d’illustrer l’opposition entre les prophètes de la Révélation et ceux d’autres cultures religieuses. Comme bien souvent il s’agit d’une histoire inventée initialement à des fins méthodologiques, puis qui se diffuse dans la population, puis finit par être considérée comme légitime pour être admise dans le canon biblique.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Inscriptions_de_Deir_Alla