jeudi 21 novembre 2024

Amour à mort

Nous connaissons tous une histoire d’un couple ensemble depuis une cinquantaine d’années. L’un des deux est atteint d’une maladie incurable  et en souffre physiquement ou bien est en train de perdre son esprit petit à petit. Un jour plus dur que les autres, un cap est franchi car la douleur est insoutenable ou le fil ténu de la connexion entre les deux êtres est rompu. Ce jour là une idée vient en tête de celui qui accompagne. Une idée simple pour mettre un terme à la souffrance ou bien vouloir demeurer avec le souvenir intact de la personne aimée. En voulant balayer plusieurs possibilités, on se rend compte qu’en réalité c’est un mélange de tout cela. Ou se situe cette limite? A quel moment tout bascule dans la tête de celui qui reste? Il est clair qu’il n’y a aucune règle. Ce qui peut paraitre insupportable pour les uns est le quotidien pour les autres. La foi a t’elle une influence sur la résilience? Est-ce un révélateur des tréfonds de nos âmes? Le Coran affirme que nous supportons des épreuves à la hauteur de nos âmes.

Et puis, il y a l’amour. L’amour, ce mot utilisé à toutes les sauces. Celui que l’on entend dans les chansons de ces millionnaires corrompus  qui divertissent les masses. Assurément, nous n’en avons pas tous la même définition. C’est cet amour qui fait confondre tolérance et laxisme, ouverture d’esprit et corruption de l’âme. Poussé dans ses retranchements, cela fait dire de Dieu qu’il ne serait qu’amour. Punir par amour c’est éviter un mal. Lorsque l’on a pas encore les armes pour faire face à certaines situations, il est normal qu’une autorité s’interpose et décrète un interdit. Très tôt l’enfant décrète qu’il doit comprendre le pourquoi de l’interdit et ne supporte pas la frustration. Il y a des choses que l’on peut laisser l’enseigné apprendre par lui-même dans la douleur. Et puis, il y a certaines choses qui sont impossibles à abandonner car elles laisseraient de trop profondes séquelles physiques ou/et psychologiques. Il y a là aussi un curseur à placer. Le placement de ce curseur c’est la plus grande responsabilité de l’enseignant. Si il y a des variations dans ce placement, reconnaissons que certaines limites sont universelles. Récemment j’étais dans un kebab et une fratrie jouait à quelques mètres de moi. Sur les trois enfants, deux présentaient des signes de surpoids. Le plus jeune avait moins de 10 ans. Alors, on pourrait argumenter sur la maladie, l’hérédité  ou tout un tas d’arguments plus ou moins valides. La seule chose qui me vint en tête fût la maltraitance. Une nourriture déséquilibrée ou en trop grosse quantité, ou le laisser-aller/capitulation aux caprices est le symptôme d’un cruel manque d’éducation. Le manque d’éducation serait-il le révélateur d’un déficit d’amour? Peut-être.

Mais nous voyons bien que l’excès de rigueur à l’égard de l’enseigné n’est pas la conséquence d’un trop plein d’amour. A quel moment peut-on percevoir que l’amour s’est transformé en haine? Quels sont les marqueurs? Peut-on d’ailleurs avec un oeil extérieur, déceler que quelqu’un a basculé de l’autre coté? Car c’est bien de cela dont il est question: aimer son prochain, c’est déceler les indices d’un égarement et le signaler à l’intéressé à des fins de résolution. Comprendre n’est pas résoudre, et si nous ne maitrisez pas la correction, vous risquez d’envenimer les choses ou bien de casser la corde qui vous lie avec la personne. Un animal qui préfère un ami, voire un inconnu, à son maitre, est déjà une situation de tension. Mais lorsqu’il s’agit d’enfant, elle devient ingérable. Céder un animal de compagnie s’envisage, céder un enfant ne l’est pas. Pourtant la république s’alloue ce droit sur la base de ses propres critères qu’elle considère comme absolus. Ainsi, de nombreuses familles de parents considérés comme radicalisés se sont vues déchoir de leur droit de garde. Qui juge de la radicalité de la république en matière de mœurs? Reconnaissons que ce sont bien souvent ceux qui n’ont que le mot « facho » à la bouche qui s’avèrent être les plus radicaux. Il y a le bon radical et le mauvais radical. Il y a celui qui appartient au camp du bien et celui qui appartient au camp du mal. Impossible de savoir en quelles proportions, mais il me semble qu’un grand nombre de gens sont en train de sortir de leur léthargie et de comprendre l’escroquerie de l’humanisme. Maintenant, ce n’est pas parce qu’il y aurait une majorité de gens qui aurait pris conscience du réel que cela signifierait pour autant que nous serions tirés d’affaire. Pour cela, il aurait fallu que le mot démocratie ait eu un sens. Nous savons très bien, et c’est le propre de tous les régimes autoritaires, qu’il suffit d’une minorité pour terroriser le reste de la population. Remarquons que lorsque ces minorités prennent la forme d’un parti politique, elles utilisent le terme populaire dans leur dénomination ou bien un mot revendiquant leur légitimité à représenter la majorité afin d’avoir les coudées franches pour mieux distordre le réel. En religion, on pourra employer le terme universel. Mais je suis taquin.

Si la dictature du laxisme se met en place, ne négligeons pas pour autant la dictature de la rigueur. Nous l’avons vu dans l’article « Lionne ». Nous abordions la difficile question de la terrible rencontre entre la rigueur et la foi. Aujourd’hui, nous allons connecter rigueur, foi et amour. Annoncé ainsi, nous avons tous les ingrédients pour fonder une secte, Dieu nous en préserve. Les mouvements sectaires sont difficiles à combattre mais présentent le point faible d’être facilement identifiables physiquement. L’emprise familiale ou amicale est beaucoup plus compliquée à combattre. Les symptômes peuvent ressembler étrangement à des comportements intra-familiaux que l’on peut considérer comme normaux. Mais tout ceci se complique lorsque la famille est dysfonctionnelle à l’origine. Traumatismes enfouis, secrets gardés peuvent se transmettre au travers des générations. Un même individu peut être la cause de la perpétuation de ces noeuds ou de leur renouvellement. Si personne ne brise la chaine du malheur celui-ci perdurera. Et pour briser cette chaine, il faut briser la loi du silence. Comprenons bien que l’emprise s’appuie essentiellement sur le silence de la victime. Le souci ici est que, dans le cadre de la foi, parler sur les autres est un péché majeur. Comment se sortir de l’emprise sans parler de la personne? Il est impossible de rester évasif ou d’utiliser le pronom générique pour décrire les mécanismes d’une relation d’emprise. Tous ceux qui vous expliquent que l’on ne doit se confier qu’à Dieu seul ou bien à un confesseur, voire à un psy, ne réalisent pas le poids de culpabilité qu’ils font porter à la victime. C’est la double peine. Alors bien sur, se taire est la marque de l’élévation, de la grandeur d’âme. Et bien sur, que tout croyant aimerait posséder cette capacité d’absorption des épreuves. Mais nous sommes des humains avec nos failles, et si l’on est pas capables soi-même d’endurer dans le silence de telles épreuves, et on ne peut réaliser notre incapacité qu’au moment où on y est réellement confronté, il est anormal de vouloir imposer cela aux autres. Oui, Dieu est là, à nos cotés. Mais combien de fois je lui ai dis qu’Il  ne sera jamais à notre place. Comprendre la faiblesse et la frustration lui est impossible dans ma perception. Alors bien sur, les chrétiens ont basé une partie de leur croyance sur le fait d’adorer un Dieu qui aurait enduré leurs souffrances. Ce n’est qu’un vœux pieux. Nous savons qu’il n’en est rien. Seul un humain peut savoir ce dont il s’agit. Voilà pourquoi la miséricorde dépassera toujours la rigueur. Pour définir une norme, notre Créateur se sert des Justes. C’est une sorte de jurisprudence dans le jugement divin. Ce qui a été possible pour l’un d’entre nous, est donc possible pour tous. Après il y a une gradation qui s’établit.

Frère Jacques, acte II

L’article initial prend fin vers début juin, il me semble. Depuis, il a été décidé que la fratrie se retrouverait pour s’occuper de la maison et des objets. Le rendez-vous fut donc pris pour le 19 au 21 juillet. Je redoutais donc l’arrivée de cette date. Il me fallait retourner là-bas et interagir avec eux. Comprenons bien qu’entre temps, j’ai accédé aux deux téléphones et que beaucoup d’éléments me sont connus. Il parait difficile de me cacher certaines informations ou d’inventer une réalité alternative. La paix s’achète au prix de mon silence. C’est aussi simple que cela. Mais, en réalité, ce silence n’est pas un silence imposé. Il fait parti de ma stratégie. J’attends le moment opportun pour briser le silence. Et puisqu’il est question des objets à se séparer, certains objets ont clairement une autre dimension. Arrivé le jeudi soir, j’apprends une triste nouvelle sous la forme d’une simple anecdote: le fils de la voisine est décédé dans un accident il y a environ un mois. Lorsque j’ai échangé longuement avec elle, nous avons décidé de ne pas échanger nos coordonnées. Le lendemain, j’en apprends un peu plus. Le garçon a été trouvé pendu et selon les gendarmes, il ne s’agirait pas d’un suicide mais d’un « défi internet » qui aurait mal tourné. Si pendant quelques temps, je suis dans le déni, une idée affreuse me vient en tête. Mais plutôt que de ressasser dans mon coin, je décide d’aller voir la voisine. Profitant d’un retour de la déchetterie, je manœuvre pour garer le véhicule et m’éclipse sans prévenir personne. Je lui présente mes condoléances. Nous échangeons un long moment. Elle décrit son fils comme quelqu’un de stable. Un travail, une famille. De bonnes relations avec ses parents. C’est d’ailleurs son père qui l’a retrouvé pendu et qui doit vivre avec cette image en tête. A un moment, je n’y tiens plus, et malgré la conscience que je suis face à la douleur d’une mère qui a perdu son fils, je ne peux m’empêcher d’évoquer une connexion entre les deux affaires. A posteriori, il me semble tout de même qu’elle semblait m’attendre dans cette cuisine. Et que si l’idée lui est venue en tête de cette connexion, c’est surement du à ce que les gendarmes lui ont offert comme résultat de leur enquête. Car si dans mon cas, aucune enquête n’a été ouverte par le parquet, une enquête qui est ouverte mais qui est volontairement orientée dès l’origine dans une mauvaise direction donnera au final le même résultat, à savoir l’ignorance des causes réelles de la mort. Comme je ne l’ai pas vu depuis le début du mois de mai, je peux lui exposer les éléments déterminants en ma possession. Elle accorde beaucoup d’importance à cette histoire de log dans l’historique du navigateur du téléphone secondaire en date du 20 avril. Il faut dire qu’elle focalise sur la date de dépôt du colis. Muni des mails du transporteur, je peux affirmer qu’il s’agit du 26, mais elle reste persuadée que c’était bien le 19 qu’elle a déposé ce colis.

En sortant, un peu sonné, je décide d’appeler pour parler à une personne extérieure. Téléphone en main, je croise alors les trois frères. Ils sortent de chez l’autre voisin et plaisantent lorsque nous nous croisons sur le chemin. L’appel fini, je reviens me joindre à eux. Il me faut faire face. L’instant est crucial. Une sorte de joie artificielle s’empare alors de moi. Une joie inversement proportionnelle à mon bouleversement intérieur. A la question posée, je réponds alors que je viens de passer deux heures avec la voisine à discuter. Me connaissant, il est impossible d’imaginer que je puisse avoir une conversation aussi longue dans ce contexte sans comprendre que je suis allé au fond des choses. Le plus âgé d’entre eux est troublé. Il déclare qu’il a un coup de fatigue et disparait pendant une bonne demi-heure.

Pourquoi avoir peur d’un échange entre deux personnes qui souffrent?

Plus tard dans la journée, il vient me voir. Il déclare qu’il n’apprécie pas trop que je sois parti de mon coté pour aller voir la voisine. Il juge préférable d’y aller tous ensemble et annonce que nous le ferons dimanche matin puisque la fermeture de la déchetterie nous condamne à rester sur place. Dimanche matin est arrivé. Nous avons bien parlé de tous les objets et la répartition semble partir sur des bases équitables. Le problème de fond n’est pas matériel. A un moment, ce qui devait arriver arriva et le sujet des téléphones vint sur la table. Si jusqu’à présent, j’étais resté calme, je me suis instinctivement levé et exposé le déroulé des faits. Pourquoi ressasser une nouvelle fois cette histoire que tout le monde veut oublier? me dit-on. Je les regarde alors un à un dans les yeux et leur déclare ouvertement qu’il voulait nous déshériter. Alors oui, il est clair que la compréhension des faits est essentielle dans le contexte de la séparation des biens et des objets qui lui appartenait. Que si son projet était allé au bout, cette situation n’aurait jamais eu lieu et que sa compagne aurait continué à vivre dans la maison. Certaines questions devraient être posées. Clovis sait que je sais qu’il était en froid avec son père. Tous trois savent donc très bien que je ne dis pas tout. La question de ce jour est: connaissez-vous le numéro secondaire? J’ai fait mouche. Ils sont déstabilisés. La politesse et la volonté de paix se sont souvent lézardées ces trois jours. Mais tout cela peut s’expliquer par le deuil. Ce qui peut s’avérer révélateur ce sont des instants et des sujets très précis. Des salves guidées par informatique.

La question du mobile d’un hypothétique homicide m’est souvent posée. Alors oui, l’argent peut entrer dans l’équation. L’argent fait parfois tourner la tête. L’argent est d’ailleurs ici le moteur d’une partie de l’affaire puisque c’est la volonté de profiter d’un coté et la volonté de punir en privant d’héritage de l’autre qui vont amener deux personnes à entrer en interaction. Mais ce qui va faire basculer une sordide affaire d’abus de faiblesse/vengeance inversée en une affaire d’homicide, c’est l’amour filial. Je dirais qu’à vouloir avoir le contrôle de tout le monde et de vouloir cadrer l’entourage proche dans sa vision de la foi, on peut imaginer que quelqu’un en vienne à se persuader que écourter la vie de la personne aimée va lui interdire de se corrompre avec une femme sur laquelle on va rejeter toutes les fautes ou bien plutôt de comprendre que le problème vient de la personne en elle-même et qu’en la supprimant, on supprime le problème. On peut alors fantasmer une sorte de rédemption post-mortem. Comprenons bien que l’emprise implique que la victime n’est envisagée que dans le prolongement du bourreau. En voulant purifier la victime, le bourreau se purifie lui-même. Cela peut paraitre incroyable et difficile à comprendre pour la plupart des gens, mais certains esprits fonctionnent d’une bien drôle manière. Alors évidemment, dans ce cas précis, la victime a aussi été bourreau par le passé. Je dirais que si elle a changé de statut, c’est tout simplement par la mort de son fils « préféré ». Exposé dans toute sa vulnérabilité, esseulé par l’abandon de tous ses proches et amis, il a sombré dans une sorte de spirale d’auto-destruction.

Lorsqu’il s’agit d’un vieil homme qui étouffe sa femme dans son sommeil à l’aide d’un oreiller au crépuscule de leurs vies, il est clair que l’on peut admettre que  ceux qui comprennent puissent fermer les yeux. La justice instituée n’est pas la justice des hommes. Mais lorsque quelqu’un refuse de se taire, alors c’est le signe que tout cela n’est pas normal.

Tuer n’est pas de l’amour.

Nous voilà alors face au sujet brulant de l’euthanasie. Il est important de noter, que ce fameux jour de décembre 2011 où je tombais sur Claire dans le métro, la discussion s’était orientée vers ce sujet car elle est gériatre.

Si la justice instituée ne remplit pas son office, la Justice divine elle, ne souffre d’aucun manquement.

Car la trompe a sonné par deux fois.

 

Shine bright like a diamond

by Willie Spence, God has Mercy (original 2017)

 

Remarque: Le titre est révélateur de l’état d’esprit du lecteur car il peut prendre deux sens. Soit l’amour jusqu’à en justifier  la mort de l’être aimé. Soit l’amour de l’autre jusqu’au sacrifice de sa propre vie. Égocentrisme vs altruisme.

Ajout 29/07:

Par un concours de circonstances, je suis tombé sur la sauvegarde texte d’une discussion Wa. Elle a été effacée ainsi que les photos qui sont mentionnées dans la conversation. Ce texte est l’unique trace d’une relation qui a duré presque 4 mois. Lorsque j’ai vu Jacques à Paray, il était donc en plein milieu. Le texte témoigne d’une relation dissymétrique entre une femme mariée qui passe du temps avec ses enfants et qui accorde à son amant des bribes de son emploi du temps. Lui, au contraire, est prêt à toutes les concessions pour passer du temps avec elle. Lassée, elle met un terme à la relation  à la fin  de l’été. A ce moment là, il est encore dans la poursuite d’une relation suivie entre deux adultes sans la dimension transmission du patrimoine ou vie en commun. Il est donc bien encore à Paray lorsqu’il présente cette femme à son fils. Nous comprenons alors que ce dernier est devenu son confident. Il est logique de penser que c’est également vers lui qu’il s’est tourné lorsqu’elle lui a brisé le cœur. Cet épisode n’a certainement pas eu l’effet escompté et Jacques a   ‘perdu’ alors son dernier fils entre août et décembre. Que s’est-il passé? Pour l’instant impossible de savoir. Mais début janvier 2024, sa quête de l’âme sœur s’est muée en punition sur sa descendance. Une autre conversation brille par son absence sur WA en 2024: celle entre Jacques et Erik.

Il me semble opportun de dévoiler un élément essentiel. A savoir que cette femme, en date du 21, alors qu’elle pense s’adresser à Jacques, lui envoie des mails sur différentes adresses en plus de la conversation WA. J’ai donc retenu ce mail:

Je l’ai bien évidemment questionnée de vive voix à ce sujet. Elle m’a répondu qu’elle avait contacté l’un par WA et l’autre par FB. J’en avais donc déduit qu’elle ne pouvait pas s’être trompée. Il n’y a donc que deux solutions: soit elle ment soit elle est dit la vérité. Si elle ment, cela voudrait signifier qu’elle dit cela dans le but de mettre dans la difficulté les deux fils. Ce serait un scénario extrêmement tordu. Si elle dit la vérité, cela signifie donc bien que deux fils savait que cette femme s’inquiétait le lendemain de la date de mort supposée.