Décidément, la marque aux chevrons est à l’honneur ici. Vous allez voir, pour une fois, nous allons vous faire travailler vos méninges. Pas de quoi s’alarmer. Il s’agit juste de passer sous les radars.
Vendredi 3 au soir. Je fais un passage sur le réseau social habituel en vue de savoir où aller le lendemain pour me mettre en jaune. La réponse tombe sous la forme d’une vidéo. Un Gj influent se confie sur sa lassitude. Le corps témoigne de sa souffrance. Le combat semble perdu. Difficile de se livrer ainsi, au risque de donner des billes à l’adversaire. Son combat est orienté contre le pouvoir des médias. Il organise donc régulièrement une marche au pied des immeubles médiatiques de l’ouest parisien. Rendez-vous est donc pris le lendemain en début d’après-midi.
A vrai dire, je ne me rappelle plus depuis combien de temps je n’ai pas porté un gilet. Je n’en ai pas honte, bien sur. Chaque chose en son temps. J’ai bien eu à m’occuper entre temps. Et puis, j’ai toujours gardé un oeil. Un oeil averti. Je vous expliquerai dans quelques lignes. Me voilà sur place. Il y a peu de monde, mais en me posant en retrait et en observant, je constate rapidement que tout le monde se connait. La plupart sont des gens qui n’ont jamais quitté le terrain. Je vois des têtes qui me sont familières. Des gens connus dans le milieu de la « dissidence » qui est un monde très codifié. Bien évidement, personne ne me connait. Je me suis toujours fondu dans la foule. Au sein de ce noyau dur, je suis visible comme un poilu qui sort de la tranchée. Qu’à cela ne tienne, prenons les choses comme elles viennent. Avec les inconnus, c’est toujours plus simple, plus direct. Ils n’ont aucune raison de se méfier. D’ailleurs, autant que les choses soient claires sur le sujet: sur la question des agents des renseignements infiltrés dans ces groupes, ce sont généralement des profils sur le long terme. C’est la condition sine qua non pour être au courant de tout. Tout le monde sait ça, mais que voulez-vous, la méfiance dans ce genre de milieu, c’est la base.
Quelque part, je ne peux pas leur donner tort, en ce sens que je suis effectivement envoyé par une entité extérieure au mouvement. A la différence près que je n’ai aucun besoin d’espionner puisque cette entité connait chacun mieux qu’il se connait lui-même et que je n’ai qu’à me laisser guider pour que les choses se fassent selon Sa volonté.
Trop de souffrance. Trop de souffrance. Il faut que cela s’arrête. Ces hommes et ces femmes n’en peuvent plus de porter toute cette souffrance. Un pays entier derrière eux. Malgré le rejet, l’incompréhension, la violence, les insultes, ils demeurent inébranlables. Certains sont tombés. On ne les reverra plus. Des pathologies lourdes pour certains. Une réelle impuissance. Voilà, c’est ça le plus dur: cette frustration de ne rien pouvoir faire alors que je me trouve dans les mains de Celui qui peut tout. L’éternel « pourquoi? » qui revient me hanter.
La nuit tombe. Le petit groupe se rassemble devant une porte d’immeuble. Mégaphone. Invectives. Mise en garde. Je m’écarte de quelques mètres et me pose sur un muret. Une courte prière. Néanmoins, une sorte de vibration me parcourt les bras. La troupe repart. Dernière ligne droite vers Charles Michel. Ce devait être Cambronne. Les oreilles qui traînent. J’entends parler d’eschatologie. L’homme est un membre influent d’un groupe dont le slogan est « Montez des équipes ». Les initiés sauront de qui je parle. J’ai suivi un grand nombre de leurs courageuses actions avant qu’ils ne disparaissent. Je l’aborde et la conversation s’oriente rapidement sur ce groupe. Vous imaginez bien que votre serviteur, avec pareil interlocuteur, avait soif d’échange religieux. Jusque là, je n’avais qu’effleuré le sujet. Toutefois, je décèle un léger malaise. Il a besoin de se raccrocher à ses amis. Que voulez-vous, je sais bien à quel point mon angle d’approche peut déstabiliser. A vrai dire, je suis là pour ça. Il est pas question de tourner le robinet d’eau tiède et de regarder bêtement le filet d’eau en louchant.
En ce samedi soir, il n’est pas évident de trouver un endroit pour accueillir la trentaine que nous sommes. Après un petit instant de flottement, nous nous engouffrons dans l’arrière salle d’un bistrot. Nous sommes entre nous. Je ne peux m’empêcher de lâcher un « on est dans le Saint des Saints ». Vous m’excuserez cette audace. Des tables se forment. Ne connaissant personne, je reste debout. Mais vous allez voir. C’est là où le Créateur est un virtuose de l’écriture. Il se trouve que la dernière personne que j’ai abordé est un cameraman permanent. Si je l’ai abordé à ce moment là c’est surtout parce qu’il a cessé de diffuser en direct et que l’on ne risque pas de m’entendre. Il est là depuis 2018. Il a toujours été au coeur. Toujours là pour capter les personnalités de chacun. C’est vraiment quelqu’un d’incontournable. Et tout le monde le connait. C’est impressionnant. C’est lui qui a été mon « oeil » durant toutes ces années. Mon oeil et mon oreille, bien sur. Puisque ce sont surtout des tranches de vie qui sont partagées. Et si je vous disais que le Créateur est un virtuose, ce n’est pas en vain. En effet, cet homme dédié à la cause, qui est devenu mes yeux et mes oreilles avec les jaunes émerveillés, je le connaissais de ma vie d’avant. C’était au moment où je venais de sortir le clip « 2 women ». Je l’avais rencontré dans un bar du coté de Belleville. Il animait un site de promotion de courts métrages. Il avait donc relayé mon travail et rédigé une fiche avec synopsis. Nous étions resté en contact de loin. Lorsque le mouvement social a débuté, son travail est alors apparu naturellement sur mon mur. 10 ans étaient passé. Le lien en sommeil était ravivé. Sans pour autant qu’il ne le réalise car je ne m’étais jamais manifesté. D’un coup, ce soir là, j’apparaissais en pleine lumière. Peu à peu la mémoire lui revenait.
Mais il devait partir. Juste au moment de quitter il me serre donc la main en dernier et me recommande au groupe noyau dur à l’intérieur du noyau dur. Me voilà libéré de mes dernières contraintes. La barrière vient de voler en éclat. Ils me font confiance. Et si je commence doucement, je finis par monopoliser l’attention. Que voulez-vous? Comment voulez-vous que quelqu’ un comme moi, avec tout ce que j’ai pu amasser comme connaissance et compréhension et avec tout ce temps passé à ne pas pouvoir me lâcher véritablement sur le sujet, puisse arriver à se brider? Impossible. J’ai donc abordé certains sujets traités ici. Tous sauf un: une exclusivité qui leur était réservée.
Mais comme je suis taquin, je vais vous parler voiture de collection. Et pas des moindres: j’ai nommé la BX. Si vous êtes un peu malin, et je sais que vous l’êtes, vous aurez tôt fait de comprendre le choix porté sur cet engin.
Si la BX était sorti quelques années plutôt, peut-être que le destin du monde eut été différent. Imaginez, nous voilà en 1962. Nous filons plein sud. A ce moment là, le contribuable français n’a pas encore financé les autoroutes. Nous allons passer beaucoup de temps sur la route. La Cote d’azur. Et puis voilà la frontière. Nous sommes chez nos voisins. Nous poursuivons notre route jusqu’à la capitale. Dans cette capitale, il y a une autre capitale. Des gens en robe traversent une place. Une pièce de théâtre. Deux jours plus tard, ils s’assoient pour discuter. Quelques uns se lèvent. A croire qu’ils ont vu la BX, et il est temps pour eux. Le pouvoir vient de changer de main. Il était vertical. Il ne l’est plus. Dans la coulisse, leurs camarades sortent des loges pour les soutenir. La pièce de théâtre tourne à la parodie. L’ordre des scènes est inversé. La représentation va durer plusieurs mois. Le spectacle va s’exporter. Si c’est un franc succès, c’en est fini de la troupe initiale.
Et tout cela à cause d’une BX.
On pourrait croire que l’altération ne concerne que la troupe de théâtre classique. Mais notre BX va nous emmener vers le théâtre de guignol. Cette fois, nous avons fait un bond dans le temps. Un bond de 44 ans. Nous sommes en 2006. Pas de doute, c’est bien la BX qui nous a emmené jusque là, dans ce pays lointain, ce pays du soleil. Ou plutôt, juste à coté du soleil pour être précis. Ce n’est que quelques années plus tard que le soleil sera vraiment de la partie alors qu’il constituait le principal objectif initial. Tout droit sorti d’un conte pour enfant, des nains font la fête. Ils font la fête pour se rappeler le bon vieux temps où leurs ancêtres prétendaient que leur maître devait régner sur la terre et rendre tous les humains heureux. Ils ont gribouillé un truc ensemble pour marquer l’instant. Je crois bien que c’est à ce moment là qu’ils ont vu la BX. Leur mère ne s’en est pas remis. Une attaque au coeur.
Mais ça va. J’ai pu repartir.
Par contre, je pense qu’à l’heure qu’il est, nos camarades en robe et nos amis les nains vont avoir quelques problèmes de logement.
Il est 1444.
Un moment de flottement. Je tourne la tête vers le caisson derrière le siège. Il y a des cartes et des sous-bocks. Machinalement, j’en attrape un et le fais jouer dans mes doigts. Ma vie s’arrête. Là, comme ça.
Sur le chemin du retour, je vérifie sur le Coran. Nous y sommes.
Avant cela, il ne s’agit pas d’un oiseau de proie mais d’un phénix. C’est un oiseau de feu qui brûle sans se consumer. Ardet nec consumitur est le slogan de la marque inscrit sur les bouteilles.
Rappel: l’oiseau surgi du feu
https://www.stephanpain.com/2019/12/20/netivot-olam/
Une fois à la maison, je décode le nom de la marque. C’est une ville allemande.
Grim renvoie à grimm, la colère/fureur. Ayant à peine quelques notions d’allemand, je crois reconnaître une variation sur le mot montagne. La montagne de colère. Aie. Ça va piquer.
Mais il n’en est rien. Bergen signifie plutôt le sauvetage/l’abri/le secours/la protection. Le tout devrait donner:
Le secours de la Colère
Et le verset 11.28, nous allons l’emprunter à Noé, paix sur lui, qui attend patiemment ce jour depuis plusieurs milliers d’années:
11 : 28 – Il dit : « Ô mon peuple,
ne voyez-vous pas que je m’appuie sur une preuve de mon Seigneur
et qu’Il m’a accordé une miséricorde de Sa part,
mais vous y êtes aveugles?
Devons-nous vous l’imposer alors que vous y répugnez ?
Notes
Voir: Au cœur de l’Histoire: Le – – II (Franck Ferrand) Le choix de la date est évident