Dernières modifications le 14 janvier 2019·11 minutes de lecture
Vous voyez, ce genre d’article, je ne l’aurais jamais rédigé de moi-même. Mais, un petit coup de pouce du hasard m’y force. Eh oui, à quelques jours de l’ouverture d’un procès historique qui implique le Crédit Lyonnais, voilà que ma propre histoire, apparemment insignifiante, entre en interaction. Tout a commencé en 1994. Je viens de faire mon entrée dans le monde des gadzarts. Ça y est. Je fais enfin parti officiellement de l’élite. Tout le monde me le dit. Le rêve de ma vie s’accomplit. Je vais surement pouvoir m’acheter et porter dignement une Rolex à mon poignet. Mais pour accéder à tout cela et bien plus encore, il va falloir en passer par les usinages. La période des initiations qui dure deux mois et qui prépare au baptême des Fignos. Il me semble, mais je peux me tromper, parce que ce sont des souvenirs qui remontent à plus de 20 ans, que c’est bien durant cette période très particulière des usinages où nous sommes conditionnés mentalement, que toute la promo conscrite fut placée dans l’amphi principal de l’école. Cette fois pas d’enseignements, pas de réprimande, pas de fiesta arrosée. Non, un simple type en costard cravate avec un attaché-case. Ce qu’il a bien pu faire ce jour-là, je ne m’en souviens guère. Il est fort possible qu’il se soit présenté à nous d’un “sal’s conscrits!” (Salut élèves de première année) afin de nous mettre directement en confiance. Il est des nôtres. Eh oui, les gadzarts sont partout, y compris dans les banques. Il suffit d’ouvrir l’annuaire des anciens élèves à la bonne page. Ils sont absolument partout. Pourquoi le Crédit Lyonnais en particulier? Il faudrait s’intéresser à l’histoire de la banque. Désolé, ce n’est pas mon cas. Tout ce qu’il faut retenir, c’est que nous sommes invités à remplir nos dossiers et à les rapporter dûment remplis la semaine suivante à l’un de nous qui s’est proposé pour devenir l’intermédiaire entre la banque et nous. Il ne faudrait surtout pas sortir dehors et croiser des gens normaux. On pourrait avoir envie de penser différemment. Mais je m’égare. Pour quel raison, n’y a t-il pas eu de vote et quel avantage a eu cet individu pour assurer cette tâche ingrate. Encore une fois, je n’en ai strictement aucune idée. Et à l’époque, je ne m’en souciais guère, je ne voyais ici que du confort apporté. Par le fait que je n’avais pas à choisir, le meilleur m’était proposé, et que toutes les démarches m’étaient facilitées.
J’étais donc lié avec le Crédit Lyonnais suivant une convention spécial d’élève étudiant Arts & Métiers. J’imagine que de telles conventions existent dans toutes les banques et pour tous les élèves qui présentent du potentiel. Ainsi, je n’avais aucun frais de tenue de compte, une carte bleue internationale, et surtout une autorisation de découvert très décontractée. Il faut bien comprendre que tant que la convention n’est pas annulée par un des deux parties, elle reste effective, et ce, même si vous n’êtes plus étudiant depuis longtemps. C’est exactement ce qui m’est arrivé. Normalement, au bout de 3 à 4 années, l’élève ingénieur est devenu ingénieur et commence à avoir des entrées d’argent conséquentes. A l’époque, il me semble que l’on pouvait débuter tranquillement avec 20 000 francs par mois net minimun. Cela pourrait être équivalent à 3000 euros, mais la conversion n’est pas aussi simple, le passage à l’euro n’a pas signifié qu’un simple multiplication. Il faut donc envisager beaucoup plus maintenant. Bref. Ce n’est pas le sujet. En tous les cas, à ce moment là, je ne me faisais pas trop d’inquiétude pour mon niveau social dans les 5 ans à venir et la banque non plus.
Seulement voilà, le destin en a décidé autrement et mon chemin s’est dérouté de cette voie considérée comme royale. Je ne suis jamais devenu archi. Archi est le titre du gadzart qui a quitté le système scolaire et qui est établi en tant qu’ingénieur ou équivalent dans le monde du travail. Le titre archi était donc donné au Crédit Lyonnais, comme vous avez pu le constater. Cette échec dans ma vie a été un grand traumatisme. Il vous faut bien comprendre qu’on n’est pas jeté dehors des Arts uniquement pour des questions de travail, de discipline ou de compétences. Oubliez tout cela. Il s’agit d’opérer un ultime filtrage, pour ceux qui auraient passé les barrières de la classe prépa et du concours. O, bien sur, il ne reste que très peu de monde à filtrer, mais c’est ce filtrage qui va faire toute la différence. Il faut bien 3 ans pour cela. Et puis, il se passe tellement de choses dans l’enceinte de cette école. On nous rebat les oreilles, à nous dire que l’administration est hostile à la Fraternité. Avec le recul, je n’en crois pas un mot. Ce n’est qu’une posture. Les directeurs de centre sont souvent d’anciens gadzarts eux-mêmes. Il est impossible de renier la confrérie en en étant aussi proche. Et s’opposer dans le fond et non simplement dans la forme aux usinages est impossible à un frère. Mettez-vous bien ça dans le crâne. Je ne veux même pas savoir ce qu’il se passe dans l’ombre, dans les réunions de responsables. Mais étant donné l’omerta qui règne déjà au niveau de simple élève étudiant, imaginez ce qui se passe dans les coulisses du monde de cette fraternité. Il est fort possible qu’ils n’aient jamais vraiment perdu de vue mes activités. Juste un oeil posé. Et de temps en temps, l’un d’eux vient se rappeler à mon bon souvenir, en feignant la nostalgie du bon vieux temps. En attendant, je me souviens très bien que le jour où j’ai reçu la lettre me signifiant mon exclusion, cela avait également signifié ma mort gadzarique. Mon téléphone pouvait en attester. O, j’ai bien reçu un jour, une lettre de l’un de mes petits-petits-conscrits m’invitant poliment pour la gala des Fignos. Vous savez c’est un peu comme ces lettres qu’on donne à écrire aux enfants pour un parent éloigné qu’ils n’ont jamais vu. Preuve que j’étais encore quelque part dans un annuaire. Mais c’est tout. J’insiste, cela à voir avec mon esprit. Je ne cadrais pas à l’esprit gadzart. Malheureusement, ou heureusement selon le point de vue, pendant des années, j’ai mis cet échec sur ma capacité de travail. Je m’étais donc mis dans la tête que j’étais un bon à rien. Et ça me poursuit encore maintenant. Pour couronner le tout, la femme qui partageait ma vie à ce moment là, me le disait ouvertement: “Tu es un raté.” La fin des années 90, a donc été le début d’une longue descente aux enfers… sociales.
Je ne me plains pas. J’expose la vérité. Brute. Que ceux que cela choque ou désintéresse, passe leur chemin.
Alors évidemment, avec tous ces facteurs accumulés, je me suis vite retrouvé en découvert permanent comme tout un tas de monde. D’un avenir assuré au sein de l’élite, j’étais devenu alors un bon à rien sans aucun avenir et surtout sans aucun diplôme. Trop érudit pour des postes de Bac+2 et pas assez fiable pour des postes Bac+5. Alors comme j’étais toujours en convention spéciale avec le Lyonnais, je n’avais pas trop de souci d’agios. Un jour, j’atteignais la somme de 9000 francs et ma carte fut avalée. Une fois l’affaire régularisée, je reçus une nouvelle carte. Aucune question me fut posée et aucune modification apportée à mon contrat. Ce compte fut mon compte d’usage pendant un grand nombre d’années. Avec la carte bleue associée et tous ses avantages. J’étais alors au RSA. Mon cas était réellement atypique. Les assistantes sociales ne savaient pas trop comment gérer mon dossier. En réalité, tout le monde, moi y compris, comprenait bien que le problème principal était d’ordre psychologique. Dans ce domaine, il n’y a pas beaucoup d’argent investi et tout ce que l’on m’a proposé ne m’a jamais permis d’infléchir ma route. J’imagine qu’avec l’appui d’un médecin complice, j’aurais pu constituer un dossier afin de percevoir une pension d’invalidité. Je sais que cela existe, surtout avec un profil comme le mien. Je ne l’ai jamais fait. Quand j’ai aspiré à une carrière de photographe artiste, on m’a même encouragé. Je n’en avais pas les épaules. C’est extrêmement dur la vie d’artiste. Cela demande un grand équilibre. Je ne comprends pas que l’on puisse encourager tant de gens dans ces voies là alors qu’ils ont juste un profil de traumatisés du système scolaire. Profil qu’il faudrait prendre en charge autrement. Il s’agit là d’un réel problème de compétences des services sociaux de l’état. Le pire, c’est que les acteurs du social sont conscients eux-mêmes de leur situation. Mais voilà, comme toujours, les décideurs ne sont pas sur le terrain. Ils ne comprennent rien. Les gens ne sont que des chiffres sur des papiers. Des arguments politiques. Je n’étais pas parti pour raconter tout cela, mais si c’est arrivé alors c’est que cela devait être ainsi.
Puis 2012 est arrivé. Ma vie a basculé. Et voilà que quelques temps plus tard. Combien? Je ne m’en rappelle plus. Le Lyonnais s’est rappelé à mon bon souvenir. 15 ans après mon départ de l’école, voilà qu’il me reproche de bénéficier d’une convention étudiant. J’ai rendez-vous avec mon banquier pour la résilier. Il m’en propose une nouvelle. Un truc magique. Je suis débité de mon service de carte bleue tous les mois, mais de l’autre, je suis recrédité de la même somme. En deux fois. Un montage classique pour ce conseiller. Une formalité. Ma mère, qui a travaillé dans la banque toute sa vie, apprenant la nouvelle, s’emporte: “Tu t’es fait anarquer! Il va t’avoir d’une manière ou d’une autre: c’est un banquier”
Et en matière de banque, ma mère s’y connaissait. Elle travaillait au crédit documentaire en relation avec les pays du golfe. La riba (usure en langage coranique)? Qu’est-ce que c’est que ça la riba? Les pays arabes font parti de nos meilleurs clients monsieur!
Par contre, je n’avais plus droit à aucun découvert. Et un jour, est arrivé ce qui est arrivé. J’ai été en découvert de 2 euros. Carte bloquée. Je dois aller me faire humilier une nouvelle fois à l’agence. Cette fois, c’est décidé, je ne veux plus entendre parler d’eux. Je brandis ma pièce de 2 euros sur le comptoir et déclare faire un dépôt. Mon compte est alors à 0. Je considère ne plus rien devoir. Je n’utilise plus le service de carte bleue. Il serait donc frauduleux de me facturer ce service.
Plus de nouvelles d’eux pendant toutes ces années. Et puis voilà que je rédige mon dernier article. Je déclare que je me dois d’être irréprochable pour ne pas être attaquable légalement. Il est alors 14h. 16h30 mon portable sonne. Un message est laissé. Un huissier de justice m’informe de mon contentieux avec l’archi crédit Lyon’s. C’est urgent! Je viens d’appeler. Je dois 247 euros à cette banque.
Voici la page 247 du Coran:
96 Puis quand arriva le porteur de bonne annonce, il l’appliqua (la tunique) sur le visage de Ya’qoub (Jacob). Celui-ci recouvra (aussitôt) la vue, et dit : « Ne vous ai-je pas dit que je sais, par Allah, ce que vous ne savez pas ? »
97 – Ils dirent : « Ô notre père, implore pour nous la rémission de nos péchés. Nous étions vraiment fautifs. »
98 – Il dit : « J’implorerai pour vous le pardon de mon Seigneur. Car c’est Lui le Pardonneur, le Très Miséricordieux. »
99 Lorsqu’ils s’introduisirent auprès de Youssouf (Joseph), celui-ci accueillit ses père et mère, et leur dit : « Entrez en Egypte, en toute sécurité, si Allah le veut ! »
100 Et il éleva ses parents sur le trône, et tous tombèrent devant lui, prosternés. Et il dit : « Ô mon père, voilà l’interprétation de mon rêve de jadis. Allah l’a bel et bien réalisé … Et Il m’a certainement fait du bien quand Il m’a fait sortir de prison et qu’Il vous a fait venir de la campagne, (du désert), après que le Diable ait suscité la discorde entre mes frères et moi. Mon Seigneur est plein de douceur pour ce qu’Il veut. Et c’est Lui l’Omniscient, le Sage.
101 Ô mon Seigneur, Tu m’as donné du pouvoir et m’as enseigné l’interprétation des rêves. (C’est Toi Le) Créateur des cieux et de la terre, Tu es mon patron, ici-bas et dans l’au-delà. Fais-moi mourir en parfaite soumission et fais moi rejoindre les vertueux.
102 Ce sont là des récits inconnus que Nous te révélons. Et tu n’étais pas auprès d’eux quand ils se mirent d’accord pour comploter.
103 Et la plupart des gens ne sont pas croyants malgré ton désir ardent.
La tunique