Couverture: les pieds de Rhoda Scott
mercredi 19 octobre 2016
De toutes les personnes que j’ai rencontré dans ma vie, la plus connue fut Rhoda Scott. C’est aussi la personne la plus naturelle et la plus généreuse. Rares sont les gens qui sont capables de communiquer le bonheur de manière universelle. La musique de Rhoda touche toutes les âmes. Je crois que c’est la dernière personne en vie de l’école des grands Patrons.
https://www.stephanpain.com/2016/10/12/lecole-des-grands-patrons/
Elle a côtoyé les plus grands sur scène. Ce qui m’a marqué surtout, c’est qu’en voyant les photos que j’avais fait d’elle, elle me demanda simplement: “Combien veux-tu?” Contrairement à tous les autres qui cherchent à louvoyer, à parlementer, à m’expliquer en quoi prendre des photos d’eux était une opportunité pour me faire connaitre (Dieu que j’ai entendu cette maudite phrase), elle a tout simplement reconnu mon travail pour ce qu’il était. Elle m’a valorisé, là où tous ne faisaient que contribuer à me faire douter. Ensuite, elle m’a mis en relation avec un de ses amis et collègue organiste, Stefan Patry, qui récupéra les fichiers numérique pour assurer la promotion de la dame. Il me semble que nous sommes alors en 2006.
Rhoda au Caveau de la Huchette – 2006 – elle avait donc 67 ans
Retour en 2012, au printemps. A ce moment là, je fréquentais encore les Indignés. J’avais suivi un groupe qui se rendait à la réunion de la commission spectacle vivant (Oui, ça sent bel et bien le think tank socialiste même chez les saltimbanques). Cela promettait de changer des ennuyeuses réunions informatiques, tractages, et compagnie. Je me disais que j’allais assister aux répétitions de la prochaine action. Et puis, être avec des artistes m’est naturel. Nous pénétrons dans le théâtre de Ménilmontant. Tout au fond. Un escalier. Une petite pièce où tout le monde s’entasse. Nous n’allons donc pas pouvoir rester trop longtemps. Qu’à cela ne tienne, avec les Indignés, on ne s’ennuie jamais. Nous voilà reparti vers de nouvelles aventures. Mais, en passant, je remarque une affiche dans le hall. Le théâtre est surtout connu pour une pièce qui s’y joue depuis 80 ans: La Passion. La saison est sur le point de reprendre comme chaque année pour 4 week-ends au Printemps.
Sitôt rentré chez moi, je vais m’informer sur internet. Je réserve une place pour le Dimanche 11 Mars. Je suis assez curieux. Je me dis que je vais surement apprendre des choses. Paradoxalement, j’ai été élevé bien loin de la religion, et je ne m’y suis jamais réellement intéressé par la suite. Je ne sais que très peu de choses sur la Passion. La pièce se déroule à l’envers. Elle commence par la résurrection puis remonte le temps jusqu’au début de la Passion, c’est à dire la fin de la Cène. Le scénario est donc axé sur ce moment précis qui constitue son point d’orgue et sa conclusion. L’auteur semble inviter le spectateur a méditer sur la dernière phrase en particulier. Cette phrase, je n’avais pas encore réfléchi dessus. La voici:
Mangez de ce pain, faites ceci pour vous souvenir de moi.
Buvez ce vin, car ceci est mon sang.
Mon cœur bondit dans ma poitrine: se souvenir du pain! Pourquoi n’y avais-je pas pensé plus tôt?
Mon enthousiasme déborde. Dans ces moments là, j’aimerais parler à tout le monde. Que tout le monde comprenne, comme ça, tout simplement. Mais non, je sais bien que ce n’est pas possible, que ça ne marche pas comme ça. Alors je me contente de me mêler à la petite foule qui s’est créée autour des comédiens. Je discute avec celui qui incarne le Messie. Il s’appelle Théophile. Amusant. Me voilà à faire remarquer le sens de son prénom comme prédestiné à jouer le rôle comme pour mieux suggérer de s’intéresser au mien. Susciter la curiosité. Peine perdue. Que voulez-vous, j’espère toujours. Et puis voilà que je discute avec quelqu’un. Une discussion qui s’oriente rapidement vers la photo et le jazz. Lors de ma première rédaction, je prétendais qu’il s’agissait de Stefan Patry lui-même. Je crois que mon enthousiaste m’a emporté un peu loin. Je préfère m’en tenir à dire que son nom est apparu dans la conversation, parce que la personne était amatrice de l’orgue Hammond (il y a très peu de joueurs en France). C’est beaucoup moins impressionnant, moins miraculeux. Mais dans l’absolu, c’est déjà pas mal. Et je n’aimerais pas user du mensonge pour plaire aux gens: cela n’aurait pas grand sens. Je n’ai d’ailleurs pas un souvenir très précis de ce moment. Je ne saurais dire si j’ai compris la deuxième partie de la prophétie sur le moment ou dans le temps qui a suivi. Toujours est-il que cette explication se forme***: le vin, c’est le sang de la terre. La France est la patrie du vin. Ma patrie, c’est la France, mon sang.
Mon Dieu.
***( je me souviens tout de même que j’étais quelque peu ennuyé par l’orthographe du nom Patry quand je me suis retrouvé sur mon ordi à chercher une éventuelle étymologie, j’étais bien loin de me douter)