mardi 3 décembre 2024

Drancy

Dernières modifications le 27 février 2015·4 minutes de lecture

Drancy. Un nom qui résonne comme un chapitre de l’histoire officielle qualifié de sombre. C’est de là que partaient les trains de déportés.

2015, l’endroit est toujours aussi sombre, mais pour une toute autre raison.

Comme je suis curieux, j’ai décidé de visiter l’endroit. J’y suis resté tout un jumuah (vendredi).

L’endroit est très proche de l’autoroute. Il faut entrer dans le parking d’un supermarché et passer sur l’arrière, du coté des livraisons. En temps normal, le parking est accessible depuis l’espace public. Utiliser le parking d’un supermarché peut sembler une solution intelligente, surtout le vendredi. Mais nous allons voir que c’est bien plus élaboré que cela. Il existe un système de barrières, étonnamment surdimensionnées pour un tel endroit, qui séparent cette partie du parking avec celle situé à l’avant du supermarché. Elles sont fermées le dimanche. Première surprise.

Ensuite, lorsque l’on approche du bâtiment, résolument moderne et construit pour la circonstance, le regard est attiré par la machinerie de service située sur son toit. En effet, celle-ci parait aussi disproportionnée par rapport à la taille du bâtiment. Il me semble qu’il s’agit d’un système de ventilation. Assez rapidement, je me suis dit qu’il était fort possible qu’il y ait de nombreux sous-sols.

Après tout, un lieu de culte est un endroit idéal: il n’attire pas les voleurs et les fidèles ne sont pas très matérialistes.

Si on continue le tour du propriétaire, on constate qu’il y a une sortie piéton de l’autre coté le long des voies de chemin de fer, mais surtout une antenne relai entourée de grillage. L’antenne n’attire pas l’attention puisque située sur le terrain de la SNCF à quelques mètres des grilles de la mosquée.

Le décor est planté. J’ai vraiment l’impression de marcher sur un iceberg.

Allah m’a réveillé très tôt ce jour là. J’avais donc plus d’une heure d’avance pour fajr et tout le temps pour visiter l’intérieur. Le portail est resté ouvert toute la nuit. J’avance et je découvre des plats de couscous qui ont passé la nuit dehors sous la pluie. Il en reste une grande quantité. Personne n’a pris soin de les mettre à l’abri ni même de les couvrir. La porte est resté ouverte. Me voilà sans peine à l’intérieur. Ici, toutes les lumières sont allumées. Je me dis que quelqu’un doit être présent. Mais non. Il n’y a absolument personne. C’est d’ailleurs à ce moment là que je réalise l’heure qu’il est et que je suis grandement en avance pour la prière. Rien à dire, c’est propre, c’est neuf, c’est bien aménagé.

Lorsque l’on connait les difficultés que rencontrent tous ceux qui travaillent sur le projet d’une mosquée et les budgets, on se dit que celle-ci sort largement du lot.

La salle est grande et illuminée. Je ne peux m’empêcher de maugréer sur la consommation d’électricité en pure perte. Au bout de quelques temps, je perçois un bruit étrange. Je finis par comprendre, amusé, qu’il s’agit des ronflements de l’imam qui dort à l’étage. Quelques croyants arrivent. Nous sommes une dizaine tout au plus. Un nombre ridicule par rapport à la taille de la salle. L’un des hommes se lève pour faire l’adhan. Les ronflements cessent enfin. Quelques secondes plus tard l’imam apparait. Nous faisons la prière. Puis chacun s’en va. Personne n’a fait attention à moi. Ayant visité un grand nombre de mosquées, je peux affirmer que c’est très rare.

Me voilà de nouveau seul. Je cherche l’interrupteur de la salle. Je ne le trouve pas. Tant pis. De toute façon, qu’est ce que cela changerait sur la consommation de l’année? Je repasse devant la table au couscous. Rien n’a bougé. Après tout, peut-être que ceux qui ont prié avec moi n’étaient que des fantômes? Allez savoir!

Je suis retourné dans mon camion, de l’autre coté du parking. Quelques heures plus tard, des gens sont arrivé pour préparer les lieux pour le prêche. J’ai attendu qu’il y ait vraiment du monde pour y retourner. L’ambiance fantomatique de la nuit avait fait place à une ambiance beaucoup plus populaire. La salle est comble. Il y a même des tapis dehors.

Je ne suis pas venu pour rien: c’est Chalgoumi en personne qui prend la parole. Il ne parle qu’en arabe. Je ne comprends donc pas. Je sais qu’il est question de dénoncer la violence de l’Islam et du terrorisme. Qu’on ne se méprenne pas, cet homme est loin d’être un imbécile. Il prononce son prêche d’une voix assurée qui tranche radicalement avec ses prises de parole en français. L’auditoire boit ses paroles. Il est bel et bien chez lui, n’en déplaise à ses détracteurs. Mais il flotte dans l’air, une sorte de je-ne-sais-quoi qui me met mal à l’aise. Personne n’est venu me parler non plus. Je décide de quitter les lieux. J’en ai assez vu.