30 mars 2014, 19:44
Plus le temps passe et plus nous discutons du sujet, plus il m’apparait qu’en réalité les plans d’Allah sont que nous devions nous éloigner de cette forme de roqya pratiquée par les équipes d’Abderraouf. Peu à peu, se dessine les contours d’une philosophie qui consiste à s’éloigner du mal plutôt qu’à le combattre frontalement. Se rapprocher d’Allah, oeuvrer pour le bien, aspirer à devenir un exemple à suivre pour tirer l’ensemble de la société de l’autre coté. La disparition du mal devient alors une conséquence.
Nous descendons vers le sud sur l’autoroute sans but précis. La prochaine grande ville est Birmingham. C’est l’heure de la sieste et je me retrouve seul dans mes pensées à conduire. J’imagine qu’il sera plus aisé de trouver une mosquée à dimension humaine loin des grandes villes. Je décide donc de sortir dans la banlieue de Birmingham. Ce sera Volwerhampton, le nom inscrit sur les panneaux me parait joli. Une fois sorti de l’autoroute, je tape le mot mosquée sur le GPS tandis que mon compagnon émerge de son sommeil. Nous nous garons à coté d’une jolie mosquée de centre-ville, il est bientôt l’heure du maghrib. Les fidèles ne sont pas à majorité pakistanaise, nous sommes beaucoup plus au sud, la population est beaucoup plus mixée, il y a beaucoup d’africains. La salat en groupe se termine et tout à coup j’entends un puissant: « Allah akbar! »
Abdulaziz n’en revient pas: il ne connait que 4 personnes sur toute l’Angleterre et voilà qu’il vient de tomber nez à nez avec un frère qu’il a rencontré 4 mois auparavant au Kosovo et dont il n’avait pas gardé contact. Le frère est tout aussi surpris que lui de cette rencontre. Il nous explique que deux jours auparavant, il s’intéressait au devoir du musulman envers son frère en voyage. Je ne peux m’empêcher d’avoir un grand sourire pendant toute la soirée. Nous voyons ici toute la puissance d’Allah et combien nécessaire il est de lui faire confiance si l’on est dans son sentier.
Le frère nous invite à manger chez lui. Nous discutons foi, bien sur, et politique, cela va sans dire. Il ne peut nous héberger mais il appelle un ami, Ahmed, qui pourra surement nous aider. Il nous précise qu’il est extrêmement gentil.
Nous voilà de retour à la mosquée pour isha et nous faisons connaissance avec le frère en question qui est venu nous prendre en charge. Il nous emmène avec lui. Sur le chemin, il nous explique qu’il habite une sorte de résidence étudiante et qu’il ne peut que nous proposer le sol du salon qu’il partage avec les autres résidents. Il nous précise que le propriétaire n’est pas un homme commode et qu’il va falloir être discret. Nous lui répondons que nous sommes déjà bien content de dormir au chaud à cette époque de l’année.
Nous étalons nos matelas entre les tables et les canapés et nous sombrons dans un sommeil réparateur, l’esprit encore émerveillé devant tant d’heureuses coïncidences.
Le lendemain matin, à fajr, nous n’avons qu’à faire le tour du pâté de maison pour nous rendre à la mosquée du quartier. Loin d’être une petite salle de prière aménagé dans un coin, il s’agit en réalité d’un énorme centre islamique sur plusieurs étages qui est en train d’être aménagé. La résidence étudiante est destinée à terme à accueillir les futurs élèves.
Il n’y a donc, pour l’instant pas grand monde et c’est Ahmed, notre hôte, qui sert d’imam. Ahmed est de nationalité égyptienne et sa récitation est neutre et efficace.
Plus tard dans la journée est servie une collation et nous faisons connaissance du propriétaire des lieux. Bien loin d’être hostile à notre présence, il est ravi de nous voir et nous propose une chambre pour améliorer notre confort. Ahmed et son ami sont très étonnés.
Abdulaziz décide, le lendemain, de préparer un plat pour remercier nos hôtes. Malheureusement la viande est beaucoup trop chère et il doit délaisser ce projet à regret. Lorsque nous repassons au centre islamique, le propriétaire nous accueille avec joie. Il nous annonce qu’il vient de recevoir un grand bienfait et il pense que c’est une récompense d’Allah pour nous avoir hébergés. Il offre un bon repas à tout le monde pour le soir-même. Le saoudien rondouillard qui fait partie de l’équipe se met aux fourneaux, et nous nous rendons compte qu’il prépare exactement le même plat que mon compagnon voulait faire plus tôt dans la journée.
Décidément.
Abdulaziz me fait une réflexion qui résonne encore à mes oreilles: « Ahmed a le Coran dans le cœur. »
Quant à moi, je trouve qu’il est bel homme et qu’il représente bien le musulman modèle. J’imagine qu’Allah saura le récompenser d’une épouse qui le complétera à merveille.
Quand je repense à ses instants qui n’ont duré qu’une poignée d’heures, j’aimerais repartir en arrière et tout recommencer. Que voulez-vous, c’est ainsi fait que l’on ne réalise la valeur des choses que lorsque l’on a eu le temps de les mûrir.
Vient la dernière soirée. Ahmed s’est mis en tête de nous donner des cours d’arabe. Il est très intrigué par nous et il nous interroge sur la manière dont nous sommes venu à l’Islam. Même si nous ne sommes pas très bon, nous parvenons tout de même à réciter Al Kursi sans pousser des cris ni bouger dans tous les sens. Le voilà un minimum rassuré.
Abdulaziz raconte sa rencontre 10 ans plus tôt, avec cet être surnaturel avec des sabots à la place des pieds. Il sait qu’il a vu un ange. Était-ce l’ange Gabriel? Il raconte sa vie tumultueuse, ses voyages, et toutes ces rencontres qui la jalonnent.
Quant à moi, je raconte l’histoire de mon étrange lumière aux contours vaguement humains qui m’est apparu en rêve ce Vendredi 13 Janvier 2012 au matin et de ce choc physique qui en a résulté lorsqu’elle est « entré » en moi. Tout ce serait déclenché après l’écoute dans la nuit d’une sourate récitée d’une manière très particulière postée sur mon mur facebook. J’ajoute qu’à chaque fois que j’écoute cette sourate, il se produit des choses bizarres en moi. Je sens comme un flux qui me traverse du bas vers le haut. Jusqu’ici, j’ai toujours pensé que cette sourate déclenchait une action sur les djinns et que je servais comme une espèce de catalyseur. J’ai fini par abandonner son écoute et à pratiquer uniquement la salat conventionnelle. En effet, tous les matins vers 5h, avant ma conversion, je ressentais le besoin d’aller dehors pour écouter en boucle cette sourate et ressentir des flux plus ou moins importants me traverser. Lorsqu’il ne se passait plus rien, je rentrais me recoucher. Hélas, depuis deux ans, jamais personne n’a réussi à me dire quels étaient les versets récités et je ne pouvais que me perdre en conjecture.
Je fais écouter la piste audio à Ahmed. Il la reconnait aussitôt sans hésitation. Il s’agit de la sourate 97: Leylat al qadr (la destinée) par Abdelbasset Abdessamad.
Voici le texte:
1. Nous l’avons certes, fait descendre (le Coran) pendant la nuit d’Al-Qadr.
2. Et qui te dira ce qu’est la nuit d’Al-Qadr?
3. La nuit d’Al-Qadr est meilleure que mille mois.
4. Durant celle-ci descendent les Anges ainsi que l’Esprit , par permission de leur Seigneur pour tout ordre.
5. Elle est paix et salut jusqu’à l’apparition de l’aube.
Et voici la version si particulière qui rend impossible son identification par un non-initié (Ignorez les images):
Je comprends alors que je n’ai jamais ressenti la présence des djinns mais bien celle des anges et que cette fameuse nuit du Vendredi 13, c’est bien l’Esprit qui est venu sur moi. En moi.
La nuit du destin était donc cette fameuse nuit.
Qui me dira ce qu’est la nuit d’Al Qadr? La réponse est Ahmed.
Ce que mon intuition me faisait ressentir depuis quelques heures se réalise. Nous voilà tous les trois réunis dans cette mosquée. Lui, Ahmed, qui a le Coran dans le cœur. Abdulaziz, qui est la « bouche » d’Allah. Et puis moi, qui a l’Esprit en moi. Nous sommes trois. Les trois temps.
Je me lève et je vais écouter une nouvelle fois cette fameuse sourate alors qu’à présent je sais ce qu’elle signifie.
Toutes mes doutes se sont envolés, enfin. Comme ça, tout simplement. Je suis sur de qui je suis.
Nous sommes arrivés au point culminant de notre voyage.
Il est temps de rentrer en France pour de nouvelles aventures.
Notes:
Post FB du Jeudi 12:
L’une des dernières interventions publiques d’Abdelbasset. Époustouflant.