14 mai 2013, 12:28
Lorsque tu es arrivé dans ma vie, j’étais déjà un adulte d’âge mur. Toi, tu étais jeune, si jeune. Si rayonnante. La vie t’ouvrait les bras. Je suis tombé amoureux de toi. Tu étais si belle. J’étais fasciné. J’ai vu que tu préférais côtoyer le groupe de ceux qui faisaient taire les autres. Cela te permettait de voyager au gré de tes envies. J’ai trouvé ça normal, tu méritais de voir le monde. Le monde méritait de te voir. Tes yeux pétillaient d’amour. Je sais bien que tu te laissais aller avec n’importe qui. Je ne disais rien, tu étais si belle. Comment t’en vouloir après tout? Ton père avait été si rude avec toi. Je comprenais ton désir de liberté. Cette liberté, la vie te la devait après tout. Si pour cela tu devais tomber dans les bras de gens dont le comportement ne me plaisait guère, je me disais pour me consoler: “Tu verras, c’est passager, elle a besoin de se reconstruire.” Tu t’es mariée avec ce riche vieux monsieur. Tu semblais heureuse. J’étais heureux pour toi. Tu avais un chez-toi. C’est important un chez-soi. Et puis le vieux monsieur est mort. Il t’a légué sa fortune et sa grande maison. Moi je venais te voir souvent, je te regardais depuis la place, mais tu ne me voyais pas. Ils sont tous venu te voir, les princes, les rois. Ils n’avaient d’yeux que pour toi. Ils prétendaient t’aimer, mais je savais que leur amour n’était pas sincère. Car si l’amour guidait leur pas, pourquoi donc devaient-ils toujours se faire la guerre? Toute cette violence m’a perturbé. Mais je te promets, je t’aimais toujours comme au premier jour. Tu étais toujours si belle. Les années ont passées. Tu te parais de bijoux. Tout cet éclat venant de toi, tu étais si belle. Malgré ma douleur, j’étais toujours là. Et puis un jour ils sont venus. Eux, les empêcheurs de rêver en rond. Ils n’avaient que des chiffres et des paroles censées à m’offrir. La barbe. Faites les taire. Toi au moins, tes histoires m’emportaient loin de ma morosité. Loin de mes soucis d’argent. Je t’aimais encore plus, tu me donnais un espoir. Ils ne voulaient pas de cet espoir, ils m’ont éloignés de toi. Cette fois ce fut trop, je me suis mis en colère et je me suis battu.
Deux fois.
Oh mon amour, il aura fallu que je me batte pour que tu fasses attention à moi enfin! Tu es venu me voir et tu m’as demandé de tuer ton père. C’était le prix à payer pour notre amour. J’ai accepté. Je l’ai fait par amour. Ton père est mort. Justice était faite. Un autre homme s’est montré, il disait être ton père. Mais je savais bien que ce n’était pas lui. Il s’est installé dans la maison, la maison de ton enfance. Tu n’as rien dit. Que m’importe puisque tu m’aimes? Même si tu es vieille à présent, tu es toujours aussi belle. Et puis tu sais te mettre en valeur. Personne d’autre ne sait le faire aussi bien. Privilège des grandes dames. Un fils? Comment cela un fils? Mais comment peut-il oser prétendre être ton fils? Il n’est pas beau. Il n’est pas drôle. Il n’est pas comme toi. Je comprends pourquoi tu l’avais caché. Tu as eu raison. Les bijoux ça ne lui plaît pas. Eh bien, tant pis! Tu es à moi rien qu’à moi. Ton père, ton fils, on s’en fout. Et là, comme on était proche, tu as commencé à parler et à me raconter ta vie. Je n’ai pas compris tout de suite. Toutes ces choses laides que tu disais. J’ai compris que tu n’aimais personne. J’ai appris que ton père avait toujours été bon pour toi. Que tu étais parti avec un homme un matin. Je t’écris cette lettre pour que tu saches pourquoi je te quittes. Je suis trop vieux. Ton fils a proposé de m’aider. Il est gentil, au fond. Un peu trop sérieux peut être. Ça lui passera. Tu es belle au dehors, mais au dedans tu n’es que laideur. Je ne veux plus jamais entendre parler de toi.
L’homme.